Intervention de Pascal Allizard

Commission des affaires européennes — Réunion du 2 février 2023 à 8h35
Politique étrangère et de défense — Atteintes aux droits fondamentaux commises en iran - examen du rapport sur la proposition de résolution européenne

Photo de Pascal AllizardPascal Allizard, rapporteur :

Notre commission a été saisie d'une proposition de résolution européenne, déposée le 4 janvier dernier par notre collègue Nathalie Goulet, visant à prendre des mesures appropriées contre les atteintes aux droits fondamentaux commises en Iran.

Je vous ferai, en guise d'introduction, un bref rappel historique du mouvement de contestation de l'automne 2022, avant de vous présenter les éléments justifiant notre présence aujourd'hui, à savoir la répression brutale des autorités iraniennes, de dresser l'état des lieux des condamnations et sanctions prononcées par la communauté internationale et, enfin, de vous proposer une méthode pour l'adoption d'une résolution européenne par le Sénat.

Compte tenu de la tension caractérisant nos relations bilatérales avec ce pays et de la sensibilité très particulière des enjeux qui s'y attachent en matière de sécurité, de nucléaire et de droits de l'homme, il m'a paru indispensable d'aborder l'examen de cette proposition de résolution européenne en toute connaissance de cause sur les risques et menaces que l'Iran fait peser au Moyen-Orient, où, je le rappelle, la France joue un rôle non négligeable par sa présence militaire - aux Émirats arabes unis, en Jordanie et en Irak - et par son influence au Liban, notamment.

Dans un environnement diplomatique où tous les mots sont pesés, j'ai tenu à me rapprocher de nos services de renseignement qui ont bien voulu me présenter un « briefing de sécurité » sur l'Iran, puis dans un délai très court, j'ai pu bénéficier de la présence en France de notre ambassadeur à Téhéran, Nicolas Roche, par l'intermédiaire duquel je tiens à saluer le travail et l'abnégation de nos agents diplomatiques et consulaires. J'ai également entendu une diplomate de la direction Afrique du Nord-Moyen-Orient du Quai d'Orsay, l'ambassadrice représentante permanente de la France au comité politique et de sécurité de l'Union européenne, et deux chercheurs spécialistes de l'Iran : Bernard Hourcade et Thierry Coville. Ils ont tous deux travaillé à l'Institut français de recherche en Iran (Ifri) à Téhéran, qui vient d'être fermé par les autorités iraniennes. Nous avons, par ailleurs, contacté l'ambassade d'Iran à Paris, qui n'a pas répondu à notre demande d'audition.

J'en viens maintenant aux manifestations de l'automne 2022.Le 16 septembre 2022, une jeune femme de 22 ans d'origine kurde, Mahsa Amini, a été arrêtée par la police des moeurs pour avoir mal mis son voile, puis elle a été assassinée dans des circonstances non élucidées à ce jour. Pendant l'automne 2022, un mouvement de contestation inédit s'est développé dans toutes les grandes villes d'Iran.

Cette contestation est inédite, car il s'agissait pour une nouvelle catégorie d'Iraniennes et d'Iraniens, les jeunes, de protester contre le port obligatoire du voile et de manifester pour les droits des femmes, avec le slogan « Femme, vie, liberté ». Nous avons tous vu avec quel courage des Iraniennes ont bravé ouvertement l'obligation du port du voile en se découvrant dans les lieux publics et sur les réseaux sociaux.

Cette contestation est inédite aussi par l'ampleur de la remise en cause des fondements de la République islamique d'Iran, à commencer par le Guide suprême, l'ayatollah Khamenei lui-même, mais aussi des valeurs et des méthodes policières des autorités. Même si les manifestations qui se sont déroulées entre septembre et novembre ont rarement dépassé la dizaine de milliers de participants dans les rues, des actions de désobéissance civile se sont développées dans la sphère privée et les universités, et parmi les élites culturelles.

Les autorités iraniennes ont pu sembler surprises dans cette première phase de contestation et craindre un élargissement du mécontentement à l'ensemble de la société compte tenu du contexte économique désastreux : plus de 16 % de chômage, 50 % d'inflation par an, pénurie de produits de première nécessité, etc.

Si je peux employer ici ce terme dans le contexte iranien, cette « convergence » des luttes n'a pas eu lieu. En effet, la reprise en main à laquelle les autorités iraniennes ont procédé à l'instigation du guide suprême a été très dure et méthodique.

J'en viens maintenant à la répression du régime et à ce à quoi, plus largement, la France est confrontée.

Il est difficile de chiffrer exactement le nombre des victimes de la répression. Selon l'ONG Hrana, sur laquelle se basent les chancelleries européennes, le bilan serait de 516 morts, dont 63 enfants, et environ 20 000 arrestations sur les trois premiers mois de manifestations. C'est un chiffre effroyable et pourtant, on nous dit, de source autorisée, que le régime se serait organisé pour que la répression de la contestation ne tourne pas au bain de sang comme en 2019 où des centaines de manifestants avaient été tués en une seule semaine.

Ici, ce qu'il convient de dénoncer est une stratégie élaborée de répression méthodique, de contrôle social et de guerre culturelle d'un régime contre sa propre population. Il s'agit d'une stratégie policière de la terreur faite de tabassages au hasard dans les rues, de rafles aléatoires de groupes d'étudiants, de contrôle des réseaux sociaux et d'arrestations arbitraires. Cette stratégie de dissuasion fonctionne par l'incertitude sur l'issue des procédures judiciaires, une simple arrestation pouvant conduire à la condamnation à mort.

De fait, on nous rapporte que depuis mi-décembre les manifestations ont cessé, hormis dans le Kurdistan iranien et le Baloushistan à la frontière afghane où les tensions sont plus vives du fait des différences ethniques, religieuses et des conditions de vie encore plus précaires des populations qui y vivent.

Très clairement, les autorités iraniennes ont durci leur discours et leurs actes. Plus d'une vingtaine de condamnations à mort ont été prononcées et les exécutions ont débuté à la mi-décembre - deux exécutions publiques -, pour se poursuivre en ce début d'année - trois exécutions en ce mois de janvier. Malheureusement, ces chiffres sont évolutifs, car la machine judiciaire iranienne est en route. Je sais que nous sommes nombreux, par la voix de nos commissions ou à titre individuel, à nous mobiliser pour dénoncer ces condamnations à mort et ces exécutions. Certains motifs interrogent même les membres du clergé chiite : ainsi, l'un des condamnés à mort aurait seulement brûlé la moto d'un membre des forces de l'ordre sans commettre d'homicide.

Il faut ici revenir plus largement sur ce qui n'est pas seulement une affaire de politique intérieure. En réalité, nous assistons à quatre crises concomitantes.

Premièrement, à une crise des droits de l'Homme, comme je viens de vous l'exposer.

Deuxièmement, nous sommes face à une hostilité générale de l'Iran par rapport à l'Occident, aux États-Unis, à Israël et à l'Union européenne, accusés de fomenter depuis l'extérieur le mouvement de contestation. La politique consistant à détenir des otages d'État, qualifiés comme tel par le Quai d'Orsay depuis octobre dernier, et la diffusion d'aveux forcés participent d'une stratégie de menaces et d'intimidation. Je rappelle que sept de nos ressortissants sont emprisonnés dans des conditions très difficiles avec un accès restreint aux visites consulaires. Le sort de nos concitoyens est très préoccupant et leur libération est naturellement une priorité.

Troisièmement, la crise sur le nucléaire iranien perdure et nous constatons que les discussions pour un retour à la table des négociations des États-Unis et de l'Iran ne reprennent pas. L'Iran viole, par ailleurs, les règles instituées par l'accord de Vienne de 2015 en poursuivant son programme de production d'uranium enrichi à 60 %. Les livraisons d'armes à la Russie, non assumées par les autorités iraniennes, entrent dans ce défi idéologique lancé par la République islamique à l'Occident, plus qu'elles ne traduisent une réelle alliance avec la Russie.

Quatrièmement, enfin, nous assistons à une crise régionale où l'Iran use de son influence dans tout le Moyen-Orient, par groupes interposés, au Yémen et dans ce qu'on appelle le croissant chiite au Liban, en Syrie et en Irak.

Il ne faut donc pas perdre de vue le contexte international et régional dans lequel nous avons à discuter des condamnations et sanctions que nous souhaiterions que notre gouvernement et l'Union européenne adoptent face à l'Iran.

Après ce tableau sur le mouvement de contestation et la répression des autorités iraniennes, j'en viens maintenant au chapitre des condamnations internationales, aux sanctions déjà prises et à celles que nous pourrions proposer d'y ajouter au travers de la proposition de résolution européenne (PPRE) déposée par notre collègue Nathalie Goulet.

Cette répression des autorités iraniennes a fait l'objet d'une condamnation unanime ou presque - nous reviendrons sur l'attitude de la Chine et de la Russie - de la communauté internationale. Depuis septembre 2022, les pays occidentaux - l'Union européenne en tête - ont voté plusieurs paquets de sanctions contre l'Iran, l'un des pays les plus sanctionnés au monde depuis quarante ans et l'embargo des États-Unis en 1980 à la suite de la prise d'otages à l'ambassade américaine de Téhéran.

L'Union européenne a ainsi voté, depuis le début de la répression, quatre paquets de sanctions visant des personnes et entités, en raison de leur rôle joué dans cette répression. Ainsi, depuis le 17 octobre 2022 - date du premier paquet de sanctions -, 78 personnes et 27 entités ont été ajoutées à la liste des personnes et entités faisant l'objet de mesures restrictives dans le cadre du régime existant, au titre de sanctions en matière de droits de l'Homme à l'encontre de l'Iran. Ainsi, au total, depuis 2011, 164 personnes et 31 entités ont été inscrites sur cette liste à ce titre.

Ces mesures consistent en un gel des avoirs, une interdiction de pénétrer sur le territoire de l'Union européenne et une interdiction de mettre des fonds ou des ressources économiques à la disposition des personnes et entités inscrites sur la liste. Une interdiction des exportations vers l'Iran d'équipements susceptibles d'être utilisés à des fins de répression interne ainsi que d'équipements de surveillance des télécommunications s'applique également.

Parmi les personnes et entités désignées figurent les responsables du décès de Mahsa Amini, la police des moeurs iranienne, mais également des chefs provinciaux des forces de l'ordre iraniennes et des membres de haut rang du Corps des gardiens de la révolution islamique, ainsi que des ministres pour le rôle qu'ils jouent dans la répression. L'Union européenne a également inscrit sur cette liste des entités comme la société publique de télévision iranienne Press TV/Radio-télévision de la République islamique d'Iran ou Islamic Republic of Iran Broadcasting (Irib), responsable de la production et de la diffusion d'aveux forcés de deux otages français, Cécile Kohler et Jacques Paris.

À ces sanctions se sont ajoutées de nombreuses condamnations de la France et des institutions européennes appelant à la cessation de la répression. Le Conseil des affaires étrangères de l'Union européenne a adopté le 12 décembre 2022 des conclusions substantielles sur l'Iran établissant un cadre d'action commun. De même, le Conseil européen a appelé le 15 décembre dernier les autorités iraniennes à mettre immédiatement fin à cette répression et aux condamnations à mort. La France a également condamné publiquement la situation en Iran, avec une quinzaine de déclarations publiques du ministère des affaires étrangères, et la convocation à plusieurs reprises du chargé d'affaires iranien par la ministre des affaires étrangères. Réciproquement, notre ambassadeur de France à Téhéran a été convoqué à cinq reprises par les autorités iraniennes.

Outre ces sanctions, prises au titre de graves violations des droits de l'homme, l'Union européenne a également adopté des mesures contre l'Iran pour ses livraisons d'armes à la Russie. Le Conseil de l'Union européenne a effectivement adopté deux paquets de sanctions - les 20 octobre et 12 décembre 2022 - au titre du rôle de l'Iran dans la mise au point et la livraison de drones utilisés par la Russie dans sa guerre contre l'Ukraine.

Ces paquets de sanctions ont été adoptés par l'Union européenne en coordination avec les autres pays occidentaux, au premier rang desquels les États-Unis et le Royaume-Uni, qui ont aussi décidé, dès le 22 septembre 2022 pour l'un, et le 10 octobre 2022 pour l'autre, un certain nombre de mesures restrictives à l'égard des responsables iraniens. Le Royaume-Uni a notamment renforcé son paquet de sanctions à la suite de l'exécution de son ressortissant irano-britannique Alireza Akbari en janvier dernier.

La France et les pays occidentaux poursuivent également la pression sur les autorités iraniennes dans les enceintes internationales. Après la mise en place fin novembre 2022 par le Conseil des droits de l'homme (CDH) d'une mission d'établissement des faits - dont le rapport est attendu pour juin -, l'Iran a été exclu de la Commission sur le statut de la femme à New York par un vote à une large majorité, le 14 décembre dernier. Il est également intéressant de noter que l'Union européenne a entamé un rapprochement avec les pays du Golfe.

Cette condamnation des autorités iraniennes est donc unanime, ou presque, comme je le soulignais, puisque, dans ce concert des nations, la Chine et la Russie brillent par leur silence. Elles ont adopté une attitude de non-ingérence dans les affaires iraniennes. La Chine est le premier partenaire commercial de l'Iran, et l'un des plus gros importateurs du pétrole iranien. Les deux pays ont signé en 2021 un accord de coopération sur vingt-cinq ans. Quant au rapprochement entre Moscou et Téhéran, il se manifeste notamment par un soutien en armement iranien à la Russie.

En réaction à ces sanctions, les autorités iraniennes ont annoncé des mesures de représailles, visant un certain nombre de personnes et d'entités, parmi lesquelles Charlie Hebdo, des parlementaires européens, ou des personnalités françaises comme Bernard Kouchner, Anne Hidalgo et Bernard-Henri Levy.

C'est dans ce contexte particulièrement tendu - entre l'Iran et l'Union européenne, dont la France notamment - que nous devons examiner la proposition de résolution européenne de notre collègue Nathalie Goulet. Si je ne peux qu'être favorable au principe de cette résolution visant à condamner la répression et à soutenir le peuple iranien, je suggérerai néanmoins quelques modifications concernant les mesures proposées, notamment pour « calibrer » au mieux la rédaction des différents appels à interventions et sanctions que nous formulerons à l'adresse de notre gouvernement et de l'Union européenne.

Cette PPRE intervient alors que l'Assemblée nationale a adopté, le 28 novembre 2022, au titre de l'article 34-1 de la Constitution, une résolution en soutien au mouvement pour la liberté du peuple iranien. Le même texte a également été déposé par notre collègue François Patriat sur le bureau du Sénat le 1er décembre dernier. J'ai ainsi pu prendre connaissance, avec beaucoup d'attention et d'intérêt, des dispositions proposées. Je souligne que notre ambassadeur à Téhéran a été convoqué pour s'expliquer sur la teneur de la résolution adoptée par nos collègues députés. Les autorités iraniennes suivent donc précisément les travaux du Parlement, et ne sont pas insensibles aux condamnations et appels à sanction dont elles font l'objet.

À la lueur de ces textes, du contexte international actuel et des entretiens de haut rang que j'ai pu avoir, je souhaiterais proposer quelques ajustements aux mesures proposées par notre collègue Nathalie Goulet. Ces modifications ont été guidées par la recherche d'un équilibre entre le besoin d'une condamnation ferme et déterminée de la répression en cours, et la nécessité d'adapter nos appels à sanction à la position que tient la France par rapport à l'Iran au Moyen-Orient.

Le poids des mots et des sanctions est scruté avec beaucoup d'attention par les autorités iraniennes. S'il fallait le préciser, la sensibilité du sujet et des enjeux doit nous appeler à la responsabilité dans les mesures que le Sénat proposera. Côté iranien, toute déclaration ou publication en provenance de la France, qu'elle soit gouvernementale, parlementaire ou même journalistique est considérée comme une position officielle de la France. Par paranoïa, cynisme ou idéologie, les autorités iraniennes ne décèlent pas les nuances des expressions - la liberté d'expression, l'indépendance du Parlement et le pluralisme démocratique étant des termes étrangers au régime.

Nous devons être conscients que la résolution que nous adopterons au Sénat sera ainsi considérée, par les autorités iraniennes, comme un texte représentant la voix de la France. Ceci étant dit, cela ne doit pas nous empêcher d'agir et de condamner vivement la répression en cours, les condamnations à mort, les détentions arbitraires, la pratique de la torture et des discriminations, notamment à l'encontre des femmes et des minorités, et d'en demander immédiatement l'arrêt. Les sanctions prises par l'Union européenne et les instances internationales doivent être soutenues, concernant les graves violations des droits de l'Homme en cours. Je propose ainsi, aux alinéas 28 à 40 de la PPRE, de renforcer certaines des dispositions proposées par Nathalie Goulet et d'en ajouter de nouvelles.

La question des otages européens, notamment de nos sept otages français retenus en Iran, est cruciale. La préservation de leur sécurité est essentielle. À cet égard, la position de la France n'est pas de proposer des mesures qui impliqueraient une rupture unilatérale des relations diplomatiques avec l'Iran. Le canal de discussion doit demeurer, ne serait-ce que dans le cadre de l'accord sur le nucléaire, ne fût-ce que pour dénoncer les manquements de l'Iran et garantir le difficile travail de contrôle de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA).

La première mesure, que propose la PPRE, est l'inscription sur la liste des entités terroristes du corps des Gardiens de la révolution islamique : cela ne nous apparaît pas, à ce stade, comme la réponse nécessaire à la crise actuelle. Sur le plan juridique d'abord, il semble que cette mesure se heurte à l'absence de décision d'une autorité judiciaire d'un État membre concernant l'implication du corps des Gardiens de la révolution ou d'un de ses membres dans un acte terroriste. Une analyse du service juridique du Conseil a été demandée par certains États membres sur ce point et devrait être rendue pour le prochain Conseil des affaires étrangères du 20 février. Sur le plan politique ensuite, une telle inscription serait comprise comme un acte d'hostilité par les autorités iraniennes. Ces dernières ont prévenu qu'une telle mesure - qui a notamment été proposée par le Parlement européen dans une résolution de janvier dernier - pourrait les conduire à prendre des mesures réciproques de représailles.

Cela ne doit pas pour autant nous restreindre dans l'expression de notre liberté d'opinion. C'est pourquoi, dans un esprit de gradation des sanctions en fonction de la situation en Iran, je vous proposerai un amendement au texte qui vous a été transmis hier, qui invite le Gouvernement et le Conseil de l'Union à examiner le moment venu, et sur la base de décisions de justice, la possibilité d'inscrire des groupes et entités tels que le corps des Gardiens de la révolution islamique sur la liste des organisations terroristes de l'Union.

S'agissant de la question du nucléaire iranien, il me semble dangereux et contraire à la position de la France d'appeler à la cessation d'un tel accord : certes, les négociations sont suspendues, mais depuis le retrait américain voulu par le Président Trump, ni la France ni l'Union européenne ne souhaitent rompre pour le moment cet accord, bien que l'Iran n'en respecte plus les termes, avec une accélération de son programme nucléaire. Le fait d'envisager sortir de cet accord en raison des manifestations de l'automne 2022 signifierait qu'on subordonnerait le risque nucléaire à la situation des droits de l'Homme : cela n'a pas été fait par le passé lors des répressions de 2009, de 2017, de 2019. Il s'agirait d'un renversement de position, que la France et l'Union européenne ne semblent pas prêtes à faire.

Le risque - en mettant un terme à cet accord - est de mettre fin à un canal de discussion et de contrôle de la politique nucléaire iranienne, et de laisser les autorités iraniennes se diriger seules vers l'arme nucléaire.

À une échelle de sanctions moindres, je ne suis pas non plus favorable, à ce stade, aux mesures prévoyant l'extension de la limitation de l'accès aux marchés primaire et secondaire des capitaux de l'Union, ainsi que la fermeture de l'espace aérien de l'Union aux avions iraniens. D'abord, car il s'agit de sanctions qui ont été levées dans le cadre de l'accord sur le nucléaire iranien. Ensuite, car elles auraient des répercussions pratiques gênantes, entravant par exemple le départ d'Iraniens voulant quitter le territoire par avion. Mais ces sanctions me semblent devoir demeurer à l'étude, en fonction de l'évolution de la situation en Iran. C'est pourquoi je vous propose de modifier leur rédaction dans l'esprit d'une gradation de l'échelle des sanctions à l'alinéa 43 de la PPRE.

Sur la question des visas, la mesure proposée de recenser les étudiants iraniens au sein de l'Union européenne et d'expulser sans délai ceux qui ont un lien familial avec les responsables iraniens sanctionnés me semble techniquement difficile à mettre en oeuvre, et juridiquement contraire à nos engagements internationaux.

Je suis, en revanche, très favorable à la disposition encourageant notre gouvernement et l'Union européenne à la délivrance de visas à toute personne craignant avec raison d'être persécutée en Iran, figurant à l'alinéa 41. C'est d'ailleurs la politique actuellement mise en oeuvre par les autorités françaises. Des accords ont été conclus afin que les demandes de visas d'Iraniens puissent être faites dans des pays tiers, dans lesquels ils se seraient réfugiés.

Pour conclure, la politique menée par les autorités iraniennes emporte de graves violations des droits de l'homme, qui doivent être sanctionnées. Il doit y être mis fin sans délai. Le soutien militaire apporté par l'Iran à la Russie dans sa guerre contre l'Ukraine doit également être dénoncé, et les sanctions prises par l'Union européenne contre les individus et entités iraniens pour leur rôle dans la mise au point et la livraison de drones à l'Ukraine soutenues. Le rapprochement de l'Iran et de la Russie est à surveiller de près.

Il faut toutefois demeurer vigilant à conserver un dialogue avec les autorités iraniennes, sans s'interdire de nouvelles sanctions au vu de l'évolution de la situation. Il semblerait d'ailleurs que le prochain Conseil des affaires étrangères du 20 février prévoie d'élargir la liste des personnes et entités faisant l'objet de mesures restrictives. S'agissant de la position des États membres, si un consensus existe sur la nécessité des sanctions, il semble qu'il y ait néanmoins une différence d'appréciation entre États sur la gradation des sanctions à prendre. Un débat aura certainement lieu lors du prochain Conseil.

La proposition de résolution sur laquelle vous allez être amenés à vous prononcer n'est également pas à considérer, selon moi, comme exclusive d'une PPRE ultérieure, qui pourrait être déposée pour appeler à de nouvelles sanctions, au vu de l'évolution de la situation en Iran.

Sous réserve de notre débat, je salue par avance l'apport du Sénat pour l'adoption d'un texte présentant des axes forts de soutien aux droits des femmes iraniennes, et de condamnation et e sanction à l'encontre des autorités iraniennes.

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