Nous nous sommes en effet rencontrés à Toulouse, où je vous ai accueilli avec plaisir. Je vais sans doute dire la même chose mais nous formerons un duo avec Pierrick Massiot...
Je serai direct : si l'on veut modifier les choses, il faut faire le constat de la réalité. Vous avez parlé, Madame la Présidente, de « substitution ». Je ne suis pas tout à fait d'accord avec ce terme. La substitution signifierait qu'une recette a été mise en place à la place d'une autre, sans conséquences. Or, il y a eu réallocation et les conséquences ont été lourdes. Sans semer quelque zizanie que ce soit entre les collectivités territoriales j'ai également d'autres fonctions il faut bien reconnaître que les régions ont été les sacrifiées de la réforme !
Ce fait est assez largement reconnu aujourd'hui et nous sommes à la limite de l'exercice.
Je ne reviendrai pas sur ce que vous avez dit à propos du transfert des cotisations mais les régions perçoivent en réalité aujourd'hui 25 % du produit de la CVAE, tout le reste de leurs ressources dépend d'un mécanisme fixé par les textes et modifiable en loi de finances. Comment peut-on encore parler d'autonomie financière ? La seule autonomie fiscale qui nous reste concerne les cartes grises, soit 6 à 7 % des recettes. Faire évoluer 6 % des recettes de 3 % est bien maigre pour répondre aux besoins qui sont les nôtres !
Le premier élément négatif est donc la suppression du pouvoir de taux des régions sauf en matière de cartes grises. Or, c'est un élément essentiel de la dynamique de croissance des recettes. Le taux de CVAE, vous l'avez rappelé, est fixé au niveau national par le Parlement. C'en est donc fini : les régions n'ont plus les moyens d'évoluer !
Le second élément réside dans la structure de la base fiscale, assise sur des flux par définition soumis aux aléas de la conjoncture économique, par opposition aux stocks de l'ancienne taxe professionnelle ou de la part régionale du foncier bâti, également supprimée. Il n'y a pas substitution mais réallocation dans des conditions différentes. Il en résulte un passage d'un effet base de 4,5 % en moyenne avant la réforme à 0 %, dans un contexte de croissance nulle on le verra d'ailleurs dans les jours qui viennent...
Il faut par ailleurs ajouter que la mise en oeuvre de la réforme a impliqué une année blanche en termes d'effet base entre 2010 et 2011, ce qui a correspondu à un manque à gagner sensible. Dans la région que je préside, 14 millions d'euros ont ainsi disparu !
CVAE, imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux (IFER) et Fonds national de garantie de ressources (FNGIR) : voilà ce qui est attribué aux régions, le FNGIR résultant d'un reversement fixe de la région Ile de France au titre du trop perçu au profit des autres régions, afin de tenter de pallier les écarts de richesse fiscale, qui sont considérables. De fait, on a vu ce qu'il est advenu de la CVAE en Ile de France qui, de 600 millions d'euros de taxe professionnelle, est passée à 1,2 milliard d'euros de base alors que, dans la plupart des régions, l'inverse s'est produit, entraînant une diminution par rapport aux bases de la taxe professionnelle d'où la dotation de compensation de la réforme de la taxe professionnelle (DCRTP) qui vient s'y ajouter...
Or, les montants du FNGIR, alimentés par la CVAE, et la DCRTP, sont gelés par définition et en valeur. Dans ma région, ceci a des conséquences extrêmement négatives : comme pour l'ensemble des régions, le pouvoir de taux est réduit à néant mais, en outre, l'effet base se limite maintenant à 46 % des ressources de substitution à l'ancienne fiscalité directe ! Etant concentré sur la CVAE, il sera quasi nul en 2011 et 2012, compte tenu des perspectives actuelles de crise économique.
Par ailleurs et c'est valable pour l'essentiel des régions s'il y a croissance, celle-ci s'appliquera sur ces 46 % de base. La progression va donc être divisée pas deux ou trois par rapport à la situation antérieure. Ce mécanisme pervers, basé sur les flux, a en même temps redistribué la richesse fiscale en fonction des sièges des sociétés plus que de l'activité économique elle même, l'évolution s'étant produite du jour au lendemain.
J'ajoute que cette structure de recettes est totalement en contradiction avec celle des dépenses. Un certain nombre sont d'ailleurs contracycliques et mécaniquement incompressibles. Les dépenses de formation professionnelle qui reposent largement sur les régions, par exemple, sont des dépenses en croissance. Je pense également aux dépenses d'infrastructures de transport. C'est une anomalie de l'époque que l'on demande aux collectivités territoriales, régions, conseils généraux, communautés, de participer aux infrastructures ! Ce sont des dépenses extrêmement lourdes. Un certain nombre de présidents de région pourraient en témoigner...
Les dépenses comme le « compte TER », que la SNCF réclame aux régions, représentent une augmentation, à périmètre constant, de 3 à 6 % par an, voire 7 %, équivalant à une somme comprise entre 3 et 10 ou 15 millions d'euros supplémentaires.
Je pourrais y ajouter, au lendemain des transferts, les personnels des lycées, dont les 2.500 à 3.000 salariés sont la source d'une forte augmentation des dépenses de fonctionnement ou encore les écoles d'infirmières qui ont été transférées dans des conditions inacceptables pour les régions. Si la loi stipule que les dépenses de fonctionnement et d'équipement sont à la charge des régions, ce qui a donné lieu à compensation, elle n'a jamais précisé que c'était aussi le cas des équipements collectifs, constructions et reconstructions d'écoles d'infirmières. Il n'y a d'ailleurs pas eu de compensations en la matière !
Il existe une véritable contradiction entre la situation financière qui est faite aux régions et la nature des dépenses auxquelles elles ont obligation de souscrire, sauf à diminuer ce qu'elles consacrent au développement économique, l'Etat s'étant retiré du financement de la modernisation des PME ou des efforts de recherche. Or, j'ai cru comprendre qu'il s'agissait là d'une priorité nationale. Le choix est donc là désormais !
Cette réforme a des conséquences extrêmement négatives. Il est de notre devoir d'insister sur ce point avant d'en arriver à des propositions car il s'agit d'un problème essentiel de croissance économique, de formation et de communication.
J'ajoute que la réforme s'est faite sans concertation et que les incertitudes demeurent aujourd'hui encore. Je rappelle que les notifications définitives des ressources de 2011 issues de ce nouveau panier de recettes n'ont été transmises aux régions par les services fiscaux que mi novembre 2011. C'est une prouesse de savoir ce que sera le résultat des recettes en fin d'exercice budgétaire !
Au total, pour 2011, les estimations de produits de la CVAE et, par ricochet, du FNGIR, se sont avérées supérieures à la réalité ! En conséquence, la part de DCRTP a augmenté. C'est pourquoi, en urgence, à l'occasion de l'examen de la dernière loi de finances rectificative pour 2011, cette dotation a été abondée de 500 millions d'euros supplémentaires !
La situation représente un risque accru pour les finances locales, dans le contexte de raréfaction des ressources budgétaires de l'Etat que l'on connaît, la part des dotations de compensation étant aujourd'hui majeure, avec le risque qu'à un moment ou un autre l'Etat, à travers la loi de finances, réduise ses compensations aux collectivités. On en a eu, quelles que soient les majorités, des exemples assez clairs !
Il y a donc un constat d'insuffisance et la nécessité de mettre en place un mécanisme de péréquation. Je précise que les régions étaient parvenues à un accord sur la péréquation en matière de dotation globale de fonctionnement (DGF), le rapporteur général du budget de l'Assemblée nationale s'étant engagé sur une dotation complémentaire de 13 millions d'euros. Le dispositif a été modifié et les 13 millions repris. Nous avons fait savoir que nous étions néanmoins favorables à la mise en oeuvre de la réforme telle que nous la proposions. Cela n'a pas été accepté. Les six ou huit régions qui devraient entrer dans la péréquation n'y sont pas entrées, les autres conservant ce qu'elles avaient accepté de perdre.
Je voudrais dire fermement que notre acceptation de la réforme de la DGF ne saurait valoir en aucune manière accord sur ce qui pourrait advenir de la réforme de la péréquation horizontale à partir de l'évolution du flux de la CVAE.
Je tenais à replacer le problème dans son contexte, la situation est devenue impossible. J'ai décidé hier de supprimer le stand de la région sur le site de la foire exposition de Toulouse, qui représente un budget de 80.000 euros. Nous en sommes là des économies !