Je mettrai plus particulièrement l'accent sur quelques points puis Philippe Tarillon complétera mes propos s'agissant de la répartition géographique, de la problématique des communes industrielles et de la question de la consolidation.
Je voudrais nuancer les choses pour ce qui est de l'autonomie fiscale. Il existe en effet, sur ce point, des querelles d'école entre autonomie financière et autonomie fiscale.
En matière d'autonomie fiscale, je rappelle que la France était, après la Suède, de très loin en tête en Europe. La comparaison est donc parfois intéressante.
En second lieu, notre autonomie fiscale était auparavant fortement nuancée par le plafonnement à 3,5 % de la valeur ajoutée. Mon voisin, dans le Val de Fensch, bénéficiait d'une d'autonomie fiscale quasiment nulle, 80 % de ses bases étant plafonnées.
En matière de taux de la CVAE, l'AdCF était favorable au taux unique. En l'absence d'un taux unique, les optimisations fiscales auraient été pires que dans le système précédent, la meilleure assiette de l'impôt économique étant la valeur ajoutée plutôt que les EBM. La taxe professionnelle est depuis longtemps une morte en sursis et la valeur ajoutée ne peut être appréhendée qu'au niveau des entreprises pluri établissements.
Or, le rapport Fouquet prévoyait un tunnel de taux ; on sait bien qu'un tunnel de taux, qui est forcément limité pour éviter les optimisations, entraîne très vite les collectivités vers un plafond. Ce n'est alors plus un tunnel de taux mais un taux unique. Il n'est qu'à considérer les droits de mutation...
Nous étions favorables à un taux unique et avons considéré même si on peut fort bien en comprendre les raisons que le taux intermédiaire constituait une erreur. On peut comprendre qu'il ne fallait pas seulement encourager les entreprises industrielles soumises à la mondialisation mais aussi aider les petites entreprises créatrices d'emplois. Il n'empêche que l'on a créé une « usine à gaz ». Le Sénat a réussi à trouver un système pour ne pas totalement pénaliser la répartition de l'assiette de l'impôt économique. Néanmoins, l'expliquer à des profanes n'est pas toujours très simple. Il fallait probablement rester sur un taux unique qui aurait pu être descendu à 1,16 % pour avoir un résultat équivalent, plus sain pour tout le monde.
Comme l'ont dit Martin Malvy et Philippe Laurent, nous avons perdu un an mais il faut reconnaître que 2009 a été une année calamiteuse. Si on l'avait prise en charge, la situation, pour les collectivités, je le crains, aurait été plus défavorable. Il faut donc nuancer les choses...
Le troisième élément est constitué par le nouveau panier fiscal du bloc local. On assiste à une modification totale de ce panier : désormais, la réforme correspond à la généralisation de la fiscalité mixte. Les stratégies fiscales et financières des communes de l'intercommunalité seront donc forcément différentes de ce qu'elles étaient par le passé. Des pactes financiers et fiscaux entre les communes et l'intercommunalité seront nécessaires car elles prélèvent l'argent sur le même contribuable ; on ne peut imaginer des stratégies fiscales totalement différentes entre l'élu communal au sein de sa commune et l'élu communal au sein de son intercommunalité, par exemple en matière de taxe d'habitation !
L'AdCF était favorable au fait que le bloc local dispose de plus de CVAE ; cette dernière aurait probablement dû être mieux répartie entre les régions et le bloc local. Il en a été décidé autrement.
Le discours de l'ADF me laisse parfois rêveur ! Ce n'est pas une critique mais, objectivement, les départements disposent de moins d'autonomie fiscale. Nous aurions bien voulu vous laisser la taxe d'habitation : ce n'est pas nous qui avons souhaité la confier à quelqu'un d'autre ! Le fait que la taxe d'habitation se situe dorénavant au niveau du bloc local empêche désormais toute évolution vers une taxe d'habitation sur le revenu. Il faut assumer les responsabilités que nous avons prises les uns et les autres !
Quant à la nouvelle dynamique des bases, elle est difficile à appréhender aujourd'hui. Je partage les propos de Philippe Laurent : même si l'on constate d'incontestables progrès, il reste beaucoup à faire en matière d'information. Aujourd'hui, nous pilotons nos investissements dans le brouillard, alors que les collectivités représentent 71 % de l'investissement public !
C'est d'autant plus difficile que nos bases dépendent à 75 % des valeurs locatives. Il existe une évidente incertitude à propos de la mise en place de la réforme des valeurs locatives que nous appelons de nos voeux qui risque de provoquer des effets de transfert de la matière imposable plus importants que ceux qu'on a connus avec la réforme de la taxe professionnelle. Prenons donc garde au double effet, comme dans le cas des collectivités industrielles, où la réforme de la taxe professionnelle a favorisé les territoires résidentiels.
Cinquième élément : je pense qu'il faut différencier péréquation et nouvel impôt économique. Faire peser la péréquation sur le seul impôt économique me paraît déraisonnable et risque d'entraîner des effets pervers. Il me semble donc sain, parallèlement à la réforme de la taxe professionnelle, d'avoir eu le courage de mettre en place une amorce de la réforme de la péréquation même si la conjoncture était délicate. L'AdCF se réjouit qu'on ait pris en compte le Potentiel Financier Intercommunal Agrégé (PFIA). Nous avions même souhaité qu'on y intègre les dotations d'intercommunalité, voire la dotation de péréquation.
L'AdCF se réjouit également du fait que le Sénat ait pu renforcer le critère des revenus. Nous avions souhaité un revenu médian plutôt que moyen mais on reste dans le même esprit. Plus on aura de critères diversifiés, mieux on mettra à jour le lobbying qui, aussi justifié soit il, rendra le système parfaitement illisible pour tout un chacun !
Incontestablement, des problèmes se posent et il va falloir revoir la répartition entre le FSRIF et le FPIC. Sans doute les clauses de revoyure le permettront elles...
En outre, il faudrait que les critères de répartition se rapprochent les uns des autres, des critères contradictoires risquant de compromettre la péréquation.
Enfin, je partage les propos qu'a tenus Philippe Laurent concernant les relations entre entreprises et collectivités. On a déjà connu cela au moment de la mise en place de la Taxe Professionnelle Unique (TPU) : les communes ne voulaient plus des entreprises sur leur territoire, la taxe professionnelle allant à l'intercommunalité. Il faut être vigilant. La difficulté perdurera face aux industries polluantes, que personne ne voudra accueillir, les populations y étant défavorables et le retour sur investissement assez faible c'est le moins que l'on puisse dire pour les collectivités...