Intervention de Alain Milon

Commission des affaires européennes — Réunion du 28 juin 2022 à 16h00
Institutions européennes — Troisième partie de session de l'assemblée parlementaire du conseil de l'europe apce du lundi 20 au vendredi 24 juin 2021 - communication

Photo de Alain MilonAlain Milon, premier vice-président de la délégation française à l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe :

Monsieur le président, mes chers collègues, avec sept de nos collègues, je me suis rendu à Strasbourg la semaine dernière pour participer à la troisième partie de session de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe. Il s'agissait de la première partie de session à se tenir exclusivement « en présentiel » depuis le début de la pandémie de covid-19.

La participation sénatoriale a donc été très forte en cette semaine particulière, puisqu'elle se tenait immédiatement après le second tour des élections législatives. Sur les vingt-quatre députés membres de la délégation sortante, huit ont été réélus ; douze ont été battus, dont la présidente de la délégation, Nicole Trisse ; quatre ne se sont pas représentés. Le renouvellement de la délégation, qui interviendra d'ici à la prochaine partie de session en octobre, sera donc très important.

Cette mobilisation sénatoriale s'est traduite par une forte implication dans les débats de l'Assemblée. Je veux, en particulier, souligner que Bernard Fournier a présenté en séance plénière un rapport sur le respect par Malte des obligations découlant de son adhésion au Conseil de l'Europe. De son côté, Claude Kern a présenté en commission des questions politiques et de la démocratie une communication sur la situation politique en Tunisie.

Deux députés ont également présenté des rapports en séance publique : Jacques Maire, sur l'examen du partenariat pour la démocratie concernant le Parlement de la République kirghize, et Frédéric Reiss, sur « le contrôle de la communication en ligne : une menace pour le pluralisme des médias, la liberté d'information et la dignité humaine ».

Enfin, une députée, Jennifer de Temmerman, a présenté un rapport sur la sécurisation de la chaîne d'approvisionnement en produits médicaux devant la commission des questions sociales.

Cette session d'été a évidemment été marquée par les suites de l'agression russe contre l'Ukraine. Je voudrais, à cet égard, relever quelques points.

Premièrement, nous avons débattu de la notion de la sécurité en Europe et du rôle du Conseil de l'Europe dans ce contexte, sur le rapport de Bogdan Klich, le président de la commission des affaires européennes du Sénat polonais.

L'exclusion de la Russie du Conseil de l'Europe amène à repenser l'organisation pour faire face aux nouveaux enjeux. Elle doit, en outre, faire face à une équation budgétaire qui n'est pas évidente à résoudre à ce stade, même si les États membres ont accepté de compenser pour cette année le montant de la contribution russe au budget.

Un quatrième sommet des chefs d'État ou de gouvernement des États membres du Conseil de l'Europe est désormais sur les rails : il apparaît nécessaire pour tenir compte du nouveau contexte géopolitique, mais aussi pour réaffirmer les engagements communs.

Cela apparaît d'autant plus nécessaire qu'on assiste à une offensive de plusieurs États membres contre l'État de droit et les droits de l'Homme, ainsi qu'à une remise en cause du rôle de la Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH). La dernière en date étant celle du Royaume-Uni, j'y reviendrai.

Le Conseil de l'Europe tâtonne également pour trouver la bonne formule afin de soutenir la société civile indépendante en Russie et en Biélorussie, qui ne font pas ou ne font plus partie de l'organisation. J'ai moi-même interrogé la cheffe de file de l'opposition en Biélorussie, Mme Tikhanovskaia, sur ce point.

La Secrétaire générale du Conseil de l'Europe a mis en place un groupe de sept sages dans la perspective de ce sommet des chefs d'État ou de gouvernement. L'ancien Premier ministre Bernard Cazeneuve en fait partie et notre délégation essaiera de l'auditionner d'ici à la fin du mois de juillet. Une commission ad hoc a également été constituée au sein de l'Assemblée parlementaire afin de faire entendre sa voix en vue du sommet.

Parmi les autres débats que nous avons eus en lien avec la guerre en Ukraine, je signale deux rapports, l'un sur les droits de l'Homme dans le Caucase du Nord et l'autre sur les cas signalés de prisonniers politiques en Fédération de Russie, qui témoignent de l'ampleur de la répression qui s'y abat. Des parlementaires ukrainiens nous ont rapporté que des déportations par train étaient organisés par les Russes en Ukraine. Nul ne sait ce qu'il advient des prisonniers...

Nous avons également tenu un débat sur les conséquences humanitaires et les migrations liées à l'agression russe contre l'Ukraine, sur la protection et la prise en charge des enfants migrants ou réfugiés non accompagnés, ainsi que sur la justice et la sécurité pour les femmes dans les processus de paix et de réconciliation.

Enfin, un débat spécifique a eu lieu sur l'attentat contre le vol MH17, abattu par un missile d'origine russe alors qu'il survolait l'est de l'Ukraine. Ce débat a pris un relief particulier puisque la conclusion s'est tenue en présence du Roi des Pays-Bas, pays dont 198 ressortissants sont décédés lors de la destruction de cet avion.

Deux débats d'actualité ont été inscrits à l'ordre du jour, l'un sur les conséquences du blocus de la mer Noire, l'autre sur « l'accord du Royaume-Uni sur les demandeurs d'asile et la réaction critique du gouvernement concernant la décision de la CEDH » qui a eu pour conséquence de bloquer l'expulsion vers le Rwanda de demandeurs d'asile entrés illégalement au Royaume-Uni.

Bernard Fournier a pris part à ces deux débats et je voudrais évoquer plus particulièrement le second, qui a donné lieu à de très vives critiques de la position du gouvernement britannique. De nombreux parlementaires britanniques, pour l'essentiel travaillistes, sont intervenus, notamment l'ancien leader du parti travailliste, Jeremy Corbyn.

Le gouvernement britannique a signé un accord avec le gouvernement du Rwanda pour permettre le transfert des demandeurs d'asile arrivés illégalement sur le territoire du Royaume-Uni vers le Rwanda. C'est là que leurs demandes d'asile seront désormais examinées. Financé par Londres à hauteur de 141 millions d'euros, il vise à dissuader les traversées clandestines de la Manche.

À son annonce, l'accord a suscité de nombreuses critiques et la Cour européenne des droits de l'Homme, qui avait été saisie, a suspendu à titre provisoire une décision du gouvernement britannique concernant un ressortissant irakien qui avait demandé l'asile à son arrivée au Royaume-Uni et risquait d'être refoulé vers le Rwanda dans la soirée du 14 juin 2022. Le Royaume-Uni a respecté cette décision et l'avion dans lequel il se trouvait avec plusieurs autres réfugiés n'a donc pas décollé.

Mais le gouvernement britannique a vivement critiqué la décision de la Cour et a immédiatement présenté un projet de loi pour remplacer le Human rights act de 1998. Ce projet de loi, ironiquement intitulé Bill of rights, vient directement remettre en cause la primauté des décisions et arrêts de la Cour européenne des droits de l'Homme dans un certain nombre de cas. Le gouvernement britannique indique que le Royaume-Uni restera partie à la Convention, mais il suit un chemin de contestation de la Cour européenne des droits de l'Homme qui sera sans nul doute exploité par d'autres États et instrumentalisé par la Fédération de Russie.

C'est un sujet de préoccupation important, qui renvoie aux travaux de la mission d'information dont notre collègue Philippe Bonnecarrère a été le rapporteur. Je ne doute pas qu'il animera nos débats lors des prochaines sessions.

Pour ne pas être trop long, je souhaite évoquer deux sujets sur lesquels les sénateurs de la délégation ont été très mobilisés.

Le premier concernait le rôle des partis politiques dans la promotion de la diversité et de l'inclusion. Le rapporteur suédois ayant une approche diamétralement opposée aux conceptions républicaines françaises, nous avons rappelé certains fondamentaux de notre philosophie républicaine, sans le convaincre - il faut bien le dire. Nous aurons encore l'occasion de ferrailler avec lui à cet égard lorsqu'il présentera un rapport sur la lutte contre l'islamophobie. Dans le cadre de la préparation de ce rapport, il avait rencontré nos collègues Jacqueline Eustache-Brinio et Dominique Vérien. Il est clair qu'au Conseil de l'Europe nous jouons largement en défense sur ces thèmes.

Le deuxième sujet concerne la prévention et la lutte contre l'antisémitisme. La présidente de la délégation française avait parrainé un événement organisé par le rabbin de Strasbourg, et le débat que nous avons eu, tenu en présence de la grande rabbine de Stockholm, a un écho significatif.

Je vous renvoie à mon prochain rapport pour une vision détaillée de nos échanges et de cette session. Bien entendu, mes collègues membres de la délégation pourront compléter cette présentation s'ils le souhaitent.

Je veux, pour terminer, signaler qu'au moment où le statut de candidat à l'Union européenne a été accordé à l'Ukraine et à la Moldavie, le Parlement ukrainien a accompli un pas symbolique important en ratifiant la Convention d'Istanbul sur la prévention et la lutte contre la violence à l'égard des femmes et la violence domestique. J'ai pu saluer cette démarche auprès de la présidente de la délégation ukrainienne, lors d'une cérémonie organisée par la représentation française rassemblant les experts du Grevio, le groupe d'experts du Conseil de l'Europe sur l'action contre la violence à l'égard des femmes et la violence domestique.

Voilà, Monsieur le président, mes chers collègues, ce que je tenais à vous dire sur cette session, qui a été fort intéressante et surtout instructive sur les tensions entre certains États. Les Serbes, notamment, ont été particulièrement agressifs vis-à-vis des Kosovars. Par ailleurs, lors d'une précédente réunion, les Azéris et les Arméniens en étaient presque venus aux mains...

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