Intervention de Éliane Assassi

Réunion du 8 février 2011 à 21h30
Orientation et programmation pour la performance de la sécurité intérieure — Adoption des conclusions du rapport d'une commission mixte paritaire

Photo de Éliane AssassiÉliane Assassi :

Dans la même logique, vous incitez les communes à développer la vidéosurveillance. On sait pourtant que celle-ci est très coûteuse et peu efficace. Vous allez jusqu’à confier au privé le visionnage des images et lui permettre d’installer des caméras privées sur la voie publique, pratiquement sans contrôle. Vous n’hésitez pas à piétiner le droit fondamental de chacun au respect de sa vie privée, de la liberté d’aller et de venir. Les entreprises privées vont pouvoir surveiller à loisir leurs salariés comme certaines le font déjà sur le lieu de travail.

Avec ce même mépris des droits fondamentaux, vous voulez surveiller les manifestants avec des caméras. Je le dis haut et fort : c’est inacceptable !

En outre, qu’il s’agisse des polices municipales ou de la vidéosurveillance, dans tous les cas, ce seront nos concitoyens qui payeront par leurs impôts, alors qu’ils paient déjà pour la police nationale. Pendant ce temps, les sociétés privées se voient offrir des marchés porteurs – comme on dit –, et là est peut-être la « performance » dont se pare l’intitulé du projet de loi : la vidéosurveillance, la police des audiences.

Si on y ajoute la construction de tribunaux, la construction et la gestion de prisons, on peut se demander si ce n’est pas toute la chaîne pénale qui va un jour se trouver privatisée.

Le discours de Grenoble du Président de la République était clair : il fallait des coupables, les étrangers, les mineurs – y compris de moins de 13 ans –, les parents et prioritairement – bien sûr – ceux qui habitent les villes et les quartiers populaires. Le Parlement, y compris – hélas ! – notre assemblée, s’est une nouvelle fois rangé à ces injonctions.

Avec ce texte, vous punissez les enfants en prévoyant une nouvelle procédure ressemblant fort à la comparution immédiate pour les adultes, un couvre-feu, une ordonnance de placement provisoire par l’autorité administrative en lieu et place du conseil général.

Vous stigmatisez les parents avec le contrat de responsabilité parentale. Vous renforcez une nouvelle fois les sanctions pénales avec les peines planchers pour les primo-délinquants, l’extension de la surveillance judiciaire et l’allongement de la peine de sûreté pour crime aggravé à l’encontre d’un agent dépositaire de l’autorité publique.

Vous élargissez le placement sous surveillance mobile à des étrangers astreints à résidence et non à une peine privative de liberté, vous sanctionnez les ventes à la sauvette ; vous fichez encore et encore…

Alors que vous maintenez délibérément nombre de nos concitoyens dans une situation de non-droit au regard du logement, vous en faites des « délinquants » : travailleurs précaires, Roms, gens du voyage…

Vous punissez pénalement le fait d’occuper le domicile d’autrui. Manifestement, ils vous déplaisent ceux qui, comme les jeunes de Jeudi noir, occupent des immeubles inhabités de grand standing place des Vosges ou près de l’Élysée. Ils ont le tort de contribuer à révéler publiquement le scandale du mal-logement.

En revanche, on cherche en vain dans ce texte une quelconque disposition sur la prévention. Il est vrai que c’était déjà le cas pour votre loi de 2007 dite « de prévention de la délinquance », dont seul l’intitulé y faisait référence. Pourtant, le Conseil national des villes, dans une récente recommandation à son président – qui n’est autre que M. Fillon –, dresse un bilan très critique de l’actuel plan national de prévention de la délinquance. Il pointe son inadéquation aux réalités locales et l’insuffisance des financements alloués aux politiques de prévention.

Comme les précédents, ce projet de loi sera inefficace pour lutter contre l’insécurité, parce qu’il ne règle pas les questions toujours posées des moyens, de la prévention, de la dissuasion et de la répression.

Il est dangereux, car il confirme, après bien d’autres textes, la mise en place d’une surveillance généralisée des citoyens, assurée en outre pour l’essentiel par des sociétés privées, et parce qu’il fait de l’exception la norme !

Il est irrecevable, car il met en œuvre un projet de société inquiétant : celui du chacun pour soi, de la peur de l’autre, de l’étranger, du jeune, du pauvre, une société « du risque », qui justifierait un état d’exception permanent.

Il est préoccupant, car il est là pour masquer les dégâts de votre politique et vous donner les mains libres pour la poursuivre aussi loin que possible.

Vous refusez d’entendre ceux qui vous disent que la mal-vie, les régressions en matière sociale, d’éducation, d’emploi, d’habitat et de services publics constitueront toujours un terreau pour la délinquance.

Vous cultivez le désespoir ! Dans ces conditions, comment la violence que constitue la délinquance ne serait-elle pas le reflet d’une société elle-même violente ?

Nous voterons donc de nouveau contre ce projet de loi fourre-tout, qui n’a rien à voir avec ce que nos concitoyens sont en droit d’attendre. §

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