Oui, car il faut développer la pharmaco-épidémiologie. Quand on se trouve face à un accident probablement imputé à un médicament, on essaye de voir dans quelles conditions il survient. Dans ce cas, les signaux sont très importants
Il est indispensable d'observer le médicament après qu'il a obtenu son autorisation de mise sur le marché (AMM) dans telle ou telle région ou tel ou tel pays de l'Union pendant plusieurs années, sur une large population. Ces études permettraient de repérer l'accident exceptionnel, tardif ou inattendu. Il ne s'agit pas de récuser la pharmacovigilance, mais d'aborder la question d'une autre manière.
L'imputabilité est une question délicate : les médicaments sont évalués initialement sur des populations âgées de vingt à soixante-cinq ans, qui prennent lesdits médicaments en monothérapie. Mais la majorité des médicaments sont prescrits chez des malades à risque, souvent âgés, à qui l'on a prescrit d'autres médicaments. D'où des interactions difficiles à maîtriser.
L'imputabilité est un problème qui, à ce jour, n'est pas réglé. Mon étude sur le bon usage de l'automédication m'a amené à interroger des chefs de services d'urgence qui voient des malades ayant subi des accidents médicamenteux. Il devient extrêmement difficile d'imputer un accident dès que l'on quitte la monothérapie. Les méthodes d'imputabilité sont beaucoup trop centrées sur l'épure du malade « parfait ». Comment savoir à quoi est due une perte de conscience chez un malade qui prend trois hypertenseurs, trois psychotropes et un traitement pour la prostate ? Il faudrait disposer de méthodes d'imputabilité qui prendraient en compte non pas le médicament, mais le malade.