Intervention de Sébastien Miossec

Commission spéciale Zéro artificialisation nette — Réunion du 28 février 2023 à 16h10
Audition d'associations d'élus locaux du bloc communal

Sébastien Miossec, président délégué d'Intercommunalités de France :

Je représente ici le président d'Intercommunalités de France, Sébastien Martin. Je suis élu d'une commune littorale de 4 000 habitants, antérieurement couverte par un PLU, puis par un PLUi depuis quinze jours, et suis président d'un SCoT. Cela me permet une vue transversale.

La bonne nouvelle réside dans le fait que le Sénat ne propose pas de remettre en question l'objectif initial de la loi Climat-résilience, qui est d'économiser le foncier partout en France, quels que soient les territoires. C'est bien avant la loi Climat-résilience que cette dynamique s'est mise en place. Beaucoup de territoires ont déjà fait figurer les économies de foncier dans leurs documents d'urbanisme.

Pour autant, la loi a suscité beaucoup de questions et a soulevé des inquiétudes et des interrogations. Les associations d'élus, les parlementaires, le Gouvernement ont proposé un certain nombre d'adaptations, mais il s'avère que la loi a besoin d'être corrigée sur certains aspects. C'est en cela que l'initiative du Sénat est heureuse et fait écho aux remontées des petites communes, souvent sans document d'urbanisme ni culture en la matière.

Intercommunalités de France insiste sur quelques impératifs.

Tout d'abord, on ne peut renoncer à l'ambition d'économie de foncier, car il existe un impératif climatique - on a tous constaté dans nos territoires les méfaits de l'étalement urbain par rapport à la dynamique des villes-centres ou des bourgs centres -, mais il existe aussi un impératif de préserver nos espaces naturels et agricoles pour nourrir la planète et notre pays.

En second lieu, on ne peut entretenir trop longtemps un flou préjudiciable aux projets, qu'il se traduise dans les documents d'urbanisme - SRADDET, SCoT ou PLU - ou dans les projets d'habitat et de développement économique.

Nous formulons donc une réserve quant au fait d'allonger les délais, même si l'assouplissement ou la superposition des consultations pourraient permettre de gagner du temps. Ce pourrait être une bonne chose, mais il ne faut pas que le terme soit repoussé trop longtemps. On a besoin d'y voir clair le plus vite possible et de stabiliser le contexte.

Troisième précaution : il faut éviter d'imaginer des remèdes pires que le mal. On craint d'être empêché de se développer faute de foncier, mais on sait que la vérité d'un jour n'est pas celle du lendemain et que la vie économique est fluctuante. On a donc besoin de souplesse.

Pour Intercommunalités de France, la réponse réside plutôt dans l'écriture d'un projet à l'échelle de la commune et du territoire. Cela passe par un document d'urbanisme, qui permet de penser l'avenir du territoire. Notre responsabilité est d'encourager les élus à penser un projet à travers un document d'urbanisme, une carte communale, un PLU communal ou un PLUi, plus de la moitié des intercommunalités de France ayant une compétence en matière de PLUi.

Cela permet d'offrir une réponse adaptée à la réalité de ce que l'on vit à l'échelle de la commune ou de son bassin de vie. Un PLUi permet surtout de mutualiser les moyens humains et financiers en les ramenant à la dimension du bassin de vie, notamment face à l'État. On sait la difficulté d'écrire un document d'urbanisme à l'échelle d'une seule commune. Quand on le fait à plusieurs, cela permet, face à l'État, de répondre aux enjeux de partage du foncier et aux difficultés de certaines petites communes qui n'ont pas eu de projets durant dix ans. Les modes de validation des PLUi protégeant la majorité des communes, c'est la meilleure façon de traduire le « ZAN » et de répondre aux peurs qui sont souvent évoquées.

Cela demande de la pédagogie. Si la moitié des territoires sont couverts par des PLUi, ce n'est pas le cas de l'autre moitié. Il faut aussi les entendre mais, de notre point de vue, les PLUi sont la meilleure façon de mettre en oeuvre le « ZAN » en répondant aux enjeux de quotas et de garantie.

C'est enfin la meilleure façon de mettre en oeuvre la différenciation, la décentralisation et la responsabilité locale, que le Sénat appuie également.

Pour ce qui est des grands projets, on a besoin d'y voir clair : l'État doit dire ce qu'il entend par grands projets nationaux européens. Il faut aussi préciser la gouvernance, ce que propose l'article 3 de la proposition de loi. Il est important de poser cette gouvernance à l'échelle régionale et à celle des SCoT. La proposition de loi ne nous paraît pas adaptée, car elle fige la même composition dans toutes les régions de France, alors que les Hauts-de-France et la Bretagne ont des configurations très différentes.

Nous proposons donc de laisser à chaque région la possibilité de faire une proposition s'appuyant sur l'expérience des conférences de SCoT - je rejoins en cela Mme Rossignol - ou de passer par les conférences territoriales de l'action publique (CTAP), malgré leurs limites. Je sais qu'il existe des régions où cela ne fonctionne pas, mais il en est d'autres ou cela fonctionne plutôt bien, comme en Bretagne.

Intercommunalités de France, en matière de grands projets, porte une attention particulière aux projets qui permettent, selon la loi « des implantations industrielles qui valorisent les ressources renouvelables, qui concourent aux transitions énergétiques ou qui relèvent de l'indépendance nationale ». Nous sommes d'accord avec cette rédaction, mais il faudra trouver une façon de faire en sorte que ces grands projets, même si certains sont d'envergure régionale ou nationale, bénéficient aussi aux territoires. Il n'y a pas de raison pour que les territoires concernés n'en bénéficient pas pour une part, aussi modeste soit-elle. Cela renvoie à la question de la gouvernance.

Nous nous interrogeons sur l'article 8 et la part réservée au développement territorial. J'entends qu'elle veut répondre à une volonté de souplesse. Je ne reviens pas sur les PLUi : de notre point de vue, c'est ce qui permet le mieux de répondre à ce souhait d'adaptation.

Enfin, les outils constituent un enjeu fondamental. Certains peuvent être proposés par la loi, qui devra également traiter d'autres sujets, comme les enjeux de la fiscalité du « ZAN ». Le rapporteur de la commission spéciale, Jean-Baptiste Blanc, a fait des propositions dans son rapport Les outils financiers pour soutenir l'atteinte de l'objectif de zéro artificialisation nette fait au nom de la commission des finances et déposé le 29 juin 2022, et je crois savoir que cela fera l'objet d'autres travaux parlementaires dans le cadre de la préparation de la loi de finances pour 2024.

Pour autant, beaucoup de choses relèvent de l'ingénierie, de la solidarité territoriale, de la capacité des territoires, communes ou intercommunalités. Il s'agit de porter des politiques en faveur de l'habitat, d'agir sur l'ancien afin de le rendre attractif. Face à l'absence de foncier, il nous faut avoir des outils politiques et des moyens financiers et techniques pour aborder ce nouveau modèle de développement.

La loi Climat-résilience et l'enjeu du « ZAN » changent fondamentalement le foncier. Historiquement, on semblait disposer d'une ressource sans limites. La France a décidé que le foncier était devenu une ressource finie. En matière de consommation foncière, trente ans, ce n'est rien. Au-delà des éléments législatifs, c'est un changement de paradigme.

Gérer du foncier aujourd'hui ou être propriétaire, c'est gérer une part de l'intérêt général. C'est ce qui est interrogé et qui doit faire l'objet de pédagogie de la part de l'ensemble des acteurs. J'espère que le débat le permettra.

Les acteurs publics, notamment le bloc local, les communes et communautés de communes sont selon nous les mieux placés pour mener cette politique. Nous avons besoin de moyens juridiques, techniques et financiers. Une partie relève du cadre législatif, mais il faut rester le plus simple possible, en laissant toute sa souplesse à la liberté locale. La loi doit donc simplifier, préciser, mais pas trop, pour ne pas contraindre les projets locaux et s'opposer à la réalité des diversités locales.

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