Intervention de Virginie Klès

Réunion du 8 février 2011 à 21h30
Orientation et programmation pour la performance de la sécurité intérieure — Adoption des conclusions du rapport d'une commission mixte paritaire

Photo de Virginie KlèsVirginie Klès :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, vous ne serez probablement pas étonnés, le texte que nous examinons ce soir ayant été tellement peu modifié, en première lecture, en deuxième lecture, ou au cours des travaux de la commission mixte paritaire, que ma position, tant sur le fond que sur la forme, n’ait pas non plus changé : je conserve la même passion et la même indignation.

Monsieur le ministre, avec tout le respect que je vous dois, je souhaite tout d’abord vous faire une remarque. Vous nous parlez souvent de vos succès en matière de délinquance, mais les chiffres – je ne les conteste pas en eux-mêmes –que vous nous citez concernent non pas la délinquance, mais l’activité policière. Or, il ne faut pas confondre les deux ! Afin de mesurer le taux de délinquance, il est possible de se référer, par exemple, à des enquêtes d’auto-incrimination réalisées par des sociologues. Les courbes établies par ces professionnels sont assez éloignées de l’optimisme affiché et les chiffres auxquels ils font référence sont également assez différents de ceux dont vous faites état. Je dispose d’ailleurs de l’une de ces enquêtes qui n’émane pas d’un parti politique.

Certes, ce soir, nous ne sommes pas là pour engager une nouvelle polémique sur les chiffres. Sachez cependant, je le répète monsieur le ministre, que d’autres outils de mesure sont à disposition.

Je soulignerai une fois de plus, sans concession, la surdité dont le Gouvernement fait preuve vis-à-vis des hommes et des femmes qui assurent notre sécurité, qu’ils aient ou non le droit de s’exprimer selon leur statut.

J’insisterai également sur la surdité dont le Gouvernement fait preuve à l’égard de la justice – nous avons d’ailleurs fort peu vu le garde des sceaux lors de la discussion en deuxième lecture – comme des victimes et de leur famille. Vous leur mentez quand vous tentez de leur faire croire, par des affirmations péremptoires, que ces textes dépourvus de moyens sont la seule solution permettant d’éviter toutes les récidives et de réussir les inévitables sorties de prison. Vous leur mentez aussi en soutenant que la sanction, prononcée selon vos vœux, c'est-à-dire de façon systématique, vécue en prison dans les conditions que l’on sait – on connaît les moyens affectés au milieu carcéral – sera efficace.

J’exprimerai la même indignation particulièrement eu égard au contexte actuel. Il faudrait voter ce texte de programmation alors que tous les acteurs de la sécurité sont aujourd'hui excédés, épuisés, en raison de tous les coups portés à leur institution, sous prétexte de la révision générale des politiques publiques, imposée comme une mesure comptable, à court terme, sans concertation.

Moyens humains et financiers enregistrent des coupes sombres tous les jours. Quels qu’ils soient, les professionnels sont mis à l’index individuellement et collectivement ; ils sont tous rendus coupables en lieu et place des délinquants. Leurs procédures et leurs décisions sont perpétuellement remises en cause. Leurs interventions sont en permanence jugées.

Rarement une telle unanimité aura été observée dans toute la chaîne de la sécurité, de la prévention et de la lutte contre la délinquance : acteurs sociaux, éducateurs, médiateurs de rue, les deux forces de sécurité nationale, les polices municipales, les acteurs des chaînes pénale, judiciaire, pénitentiaire sont tous d’accord.

Vous allez sans doute me reprocher le caractère caricatural de ma position. J’ai certainement « la dent dure ». Mais je suis d’abord profondément indignée !

Comment ne pas l’être face au présent texte, qui vise des hommes, des femmes, des victimes, des agresseurs, des vies, de façon binaire, à l’instar de l’informatique ? C’est oui ou non, blanc ou noir ! Une peine systématique est prévue et la sortie de prison n’est pas préparée !

Comment ne pas être indigné devant un tel fourre-tout, devant ces sur-créations de délits à tout-va, devant la transformation, au moins dans l’esprit de nos concitoyens, de tout délinquant en « dangereux » potentiel ?

Comment ne pas être indigné encore à l’idée que chaque parent qui a le malheur d’avoir un adolescent qui fait le mur soit considéré comme potentiellement irresponsable ?

Comment ne pas être indigné face à l’encombrement des tribunaux résultant d’une judiciarisation à l’extrême, d’une absence de réponses graduées et adaptées, de l’exigence systématique de peines planchers, de la personnalisation à titre exceptionnel de la sanction, bref devant l’immixtion dans le droit, dans la justice indépendante, dans les fondements de notre démocratie ?

Comment ne pas être indigné, monsieur le ministre, devant tant d’inconséquences ?

On exige des peines planchers et, en même temps, leur aménagement, sans pour autant créer les postes de conseillers d’insertion et de probation nécessaires, sans que le nombre de juges d’application des peines permettant de suivre les délinquants à leur sortie de prison et d’aménager leurs peines soit suffisant. Ce ne sont pas simplement les parlementaires de gauche qui tiennent de tels propos : tout le monde le dit, y compris des membres de votre majorité.

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