Je vous remercie de m'avoir convié à cet effet. Je reprends ainsi la formule éprouvée par notre collègue Nicole Duranton.
Nombre de sujets évoqués lors de cette partie de session trouvent des échos directs dans notre actualité nationale ou dans les débats qui ont cours au sein de l'Union européenne.
Je vous rappelle en préambule que la délégation française à l'APCE comprend 24 députés et 12 sénateurs, répartis par moitié entre titulaires et suppléants.
À l'issue des élections sénatoriales de septembre dernier, la partie sénatoriale de la délégation a connu un fort renouvellement, avec six nouveaux membres, dont je fais partie.
Avant d'évoquer directement la session de janvier, je voudrais brièvement faire un retour sur l'année 2020, qui a été très particulière pour une organisation rassemblant 47 États. Une seule partie de session plénière a pu avoir lieu au cours de cette année 2020 : celle de janvier. La pandémie de covid-19 et les mesures de confinement imposées par de nombreux États ont rendu impossible la tenue de sessions en avril, en juin puis en octobre, de même qu'elles ont conduit à un quasi-arrêt des déplacements, tant du point de vue des missions d'observation électorale que des missions de suivi. L'Assemblée parlementaire a néanmoins poursuivi son activité et a su s'adapter, y compris en modifiant son Règlement. Dès le printemps 2020, les commissions ont pu se réunir par visioconférence et des mesures ont été prises pour autoriser les votes à distance, via l'application Kudo. De nombreux rapports ont notamment été réalisés sur les conséquences de la pandémie de covid-19 en matière de droits de l'Homme. Faute de session plénière, des commissions permanentes élargies à l'ensemble des membres de l'Assemblée ont été organisées et, surtout, une modification du Règlement a été approuvée afin de permettre la tenue de sessions plénières en visioconférence ou en mode hybride, ce qui fut le cas en janvier. C'était notamment important pour pouvoir procéder à certaines élections qui avaient été différées.
Cette partie de session s'est donc déroulée de manière hybride, sur trois jours et demi au lieu de quatre jours et demi. Un peu moins de 100 parlementaires étaient présents à Strasbourg, le président de l'APCE ayant appelé, la semaine précédant les travaux, à limiter les présences. Quatre de nos collègues se sont rendus à Strasbourg : François Calvet, Nicole Duranton, Claude Kern et André Gattolin. Ils pourront compléter ma perception de la session à distance par leur appréciation de la situation au Palais de l'Europe.
D'un point de vue pratique, des mesures draconiennes avaient été prévues pour éviter que le Palais de l'Europe ne se transforme en foyer épidémique. Je tiens en particulier à souligner que les parlementaires se rendant à Strasbourg avaient préalablement effectué un test PCR et qu'ils devaient, en outre, réaliser un test antigénique avant de pénétrer pour la première fois dans le bâtiment. Le dispositif de tests antigéniques avait toutefois été sous-dimensionné le premier jour, ce qui devra probablement être réévalué en vue de la prochaine partie de session.
Concernant la méthode de travail, cette session hybride s'est révélée beaucoup plus fluide qu'on ne pouvait le craindre. Les votes en commission passaient uniquement par l'application Kudo. Les votes en séance plénière étaient eux-mêmes hybrides : les parlementaires présents dans l'hémicycle pouvaient voter depuis leur place tandis que les parlementaires connectés votaient via l'application Kudo.
Rik Daems, le Président sortant de l'APCE, en fonction depuis l'an dernier, a été réélu le premier jour de la session. La durée habituelle du mandat des présidents est de deux ans.
Comme je l'évoquais plus tôt, cette partie de session a permis de procéder à plusieurs élections, dont certaines auraient dû avoir lieu en 2020. Les votes ont eu lieu uniquement de manière électronique et, pour l'occasion, une plateforme spécifique et très sécurisée avait été mise en place afin de garantir l'intégrité des scrutins. La procédure était lourde en amont mais elle s'est révélée finalement simple à l'usage et efficace.
Mme Despina Chatzivassiliou-Tsovilis a été élue Secrétaire générale de l'APCE. Elle était opposée au Secrétaire général sortant, qui avait déjà effectué deux mandats, et elle a très largement remporté cette élection. Le Secrétaire général-adjoint du Conseil de l'Europe et deux juges à la Cour européenne des droits de l'Homme ont également été élus.
Ceci me permet de souligner que les saisines de la Cour, concernant la France, sont peu nombreuses et rarement recevables. En 2020, la France a fait l'objet de 16 arrêts, dont 10 ont constaté une violation de la Convention européenne des droits de l'Homme. La Russie, la Turquie, l'Ukraine et la Roumanie sont les États qui donnent lieu au plus grand nombre de saisines de la Cour. La Russie représente à elle seule le quart des affaires pendantes. D'ailleurs, les débats au cours de cette session ont beaucoup tourné autour de la situation dans ce pays.
Comme l'an dernier, les pouvoirs de la délégation russe ont été contestés pour des raisons substantielles, sur fond d'affaire Navalny. Les pouvoirs de la délégation russe ont finalement été ratifiés, la majorité de l'Assemblée préférant que la Russie continue à participer aux travaux de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe et que l'on puisse, par ce biais, maintenir un dialogue exigeant avec elle. Les débats ont néanmoins été vifs et la résolution validant ces pouvoirs demande explicitement des actions concrètes à la Russie. Claude Kern y a d'ailleurs veillé. L'APCE a explicitement demandé à la commission de suivi de soumettre dans les meilleurs délais un rapport sur le respect des obligations et des engagements de la Fédération de Russie. Le refus de la Russie de se conformer aux arrêts de la CEDH a été pointé du doigt à plusieurs reprises.
L'affaire Navalny a fait l'objet d'un débat d'actualité spécifique, qui devait porter sur l'arrestation et la détention d'Alexei Navalny mais qui a largement débordé sur son empoisonnement. Notre collègue député, Jacques Maire, est chargé de rendre un rapport sur le sujet.
Les débats auxquels nous avons assisté ont souligné la très grande distance qui sépare l'Union européenne de la Russie, ce qui n'a fait que se confirmer depuis, lors de la visite à Moscou du Haut Représentant Josep Borrell. Je vous propose d'écouter l'extrait d'une intervention d'un membre de la délégation russe, M. Leonid Slutskiy.
(Diffusion d'un extrait vidéo de la 1ère partie de session de l'APCE de janvier 2021)
Le directeur général de l'OMS est intervenu sur les vaccins, notamment sur le vaccin Spoutnik qui serait particulièrement efficace. Mais aujourd'hui, l'Agence européenne du médicament n'a toujours pas reçu de demande de validation de la part des Russes, ce qui exclut toute autorisation de ce vaccin en Europe pour l'instant.
Au-delà de la situation en Russie, il a également insisté, de façon très pertinente, sur le fait que même si nous vaccinons l'ensemble des populations des pays dits développés, si celles des pays moins développés n'y ont pas accès, les épidémies de covid se succéderont. Les pays riches doivent faire l'effort de permettre aux pays moins riches de vacciner leurs populations.
Cette partie de session a par ailleurs donné lieu à différents échanges avec le président du Comité des ministres, la Secrétaire générale du Conseil de l'Europe et le Commissaire européen à la Justice.
Je tiens à insister sur le discours vigilant concernant la situation des droits de l'Homme au sein même de l'Union européenne qui nous a été porté à la fois par le Président allemand du Comité des ministres et par le Commissaire européen à la justice. Cette réalité difficile a été évoquée notamment à propos de l'indépendance de la justice en Pologne, mais aussi au travers des différents débats que nous avons eus. Je sais que cela rejoint des réflexions que vous menez au sein de la commission des affaires européennes. Malheureusement, le constat, au sein même de l'Union, n'est pas aussi positif que nous l'aurions espéré !
L'une de nos collègues députées, Jennifer de Temmerman, a présenté le rapport sur les considérations éthiques, juridiques et pratiques des vaccins contre la covid-19. Le débat a notamment mis en évidence l'enjeu de la stratégie vaccinale, qui doit être pensée pour inspirer confiance aux citoyens. C'est le coeur du sujet aujourd'hui.
Un débat sur le profilage ethnique s'est également tenu. On mesure l'actualité du sujet à la suite de la polémique née de la proposition de la Défenseure des droits d'expérimenter des zones sans contrôles d'identité. Le débat a été nourri et s'est produit la semaine où s'ouvrait le Beauvau de la sécurité, et au lendemain de la mise en demeure adressée à l'État par six Organisations non gouvernementales (ONG) pour mettre fin aux contrôles au faciès.
Je voudrais terminer cette présentation en soulignant que cette actualité française, que ces débats français, n'ont pas échappé à la commission de suivi, au sein de laquelle siègent nos collègues Bernard Fournier et Claude Kern.
Après une première tentative infructueuse il y a deux ans, la commission de suivi a finalement décidé de soumettre la France à un examen régulier, lors d'une réunion qui s'est tenue la semaine suivant la partie de session. Dans le contexte actuel, ce n'est pas anodin. Je précise que la décision de la commission devra ensuite être ratifiée par l'Assemblée.
La position de la commission était argumentée. Nul doute, donc, que nous aurons l'occasion de réévoquer ce sujet au cours des mois à venir !