Intervention de Pierre Bühler

Mission d'information Influences étatiques extra-européennes — Réunion du 13 juillet 2021 à 15h00
Audition de M. Pierre Buhler ancien ambassadeur ancien président de l'institut français

Pierre Bühler, ancien ambassadeur, ancien président de l'Institut français :

Merci de citer mes travaux ! Ces quatre pays sont aussi très actifs dans la sphère des médias, pour contrôler l'information ou la désinformation, dans le champ de la diplomatie culturelle, de l'enseignement supérieur, de la recherche. Ils font de l'entrisme dans certaines organisations multilatérales pour réécrire les normes du droit internationales qui ne leur conviennent pas. Ces nouveaux empires considèrent que l'ordre international né de la dernière guerre mondiale a été dicté par les Occidentaux. Ces puissances aiment les rapports de force, certes, mais elles sont très actives aussi dans les enceintes internationales pour réécrire le droit. La Chine est ainsi très active pour définir les normes dans les domaines de la communication, de l'intelligence artificielle, de la cybersécurité. Elle fait de l'entrisme dans les organismes de normalisation internationaux, comme l'Organisation internationale de normalisation, dont elle a eu la présidence, la Commission électrotechnique internationale ou l'Union internationale des télécommunications par exemple, ainsi que dans d'autres organisations informelles qui associent le secteur privé et le public - n'oublions pas qu'internet est une création privée. Les Chinois s'efforcent de transférer les discussions vers des forums intergouvernementaux, où ils espèrent peser davantage.

Les États autoritaires s'allient. L'Organisation de coopération de Shanghai réunit ainsi la Russie, la Chine, le Kazakhstan, l'Iran, etc., pour définir des normes politiques. Ces pays ont un autre point commun : leur « autoritarisme technologique » et l'exportation de systèmes de contrôle de la population, des médias, d'internet, etc. La Chine a un vrai savoir-faire en matière de reconnaissance faciale, de censure sur internet. D'autres pays excellent en matière de désinformation.

La pire manière de se défendre serait de faire comme ces pays : nous perdrions notre crédibilité fondée sur le respect du droit international plutôt que sur des rapports de force et la loi du plus fort. L'information, l'enseignement supérieur, la diplomatie culturelle sont des secteurs peu encadrés par le droit et deviennent donc le théâtre d'un vrai combat. Nous devons tenir bon pour défendre nos valeurs, sans tomber pour autant dans une nouvelle guerre froide. Les démocraties libérales doivent serrer les rangs pour trouver des règles de droit permettant de structurer ces champs et de définir les règles d'accès aux marchés. Dans l'Accord global sur les investissements UE-Chine, la Chine se réserve la possibilité de soumettre à autorisation l'accès à son marché des productions européennes : cela signifie qu'aucun film européen, dessin animé, émission télévisée ou documentaire n'a accès de droit à ses médias. En revanche, la Chine n'aurait que peu de contraintes pour investir dans les entreprises de médias en Europe. Cet accord est clairement asymétrique.

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