Intervention de Laurence Harribey

Commission des affaires européennes — Réunion du 25 juin 2020 à 8h35
Questions sociales travail et santé — Évaluation des technologies de santé - proposition de résolution européenne et avis politique de mmes pascale gruny et laurence harribey

Photo de Laurence HarribeyLaurence Harribey, rapporteure :

Je commencerai par mentionner les propositions intéressantes de ce texte. Il vise notamment à encourager la coopération volontaire entre États membres pour l'évaluation non clinique des technologies de santé. Cette coopération volontaire entre États membres doit être encouragée car elle permet un partage d'expérience et la mise en commun de moyens. On ne peut pas être trop rétif sur la question de la coopération. En outre, et c'est le deuxième aspect positif pour nous, ce texte propose que le groupe de coordination identifie en amont les technologies de santé émergentes à un stade peu avancé de leur développement et pouvant avoir une incidence majeure sur la santé des patients. Ceci peut être utile, notamment en prévision de nouvelles menaces sanitaires.

En revanche, et ce sera l'essentiel de mon propos, il subsiste des aspects problématiques. Le texte propose d'instituer des consultations scientifiques communes permettant aux développeurs des technologies de santé de solliciter le groupe de coordination afin d'obtenir des conseils scientifiques sur les données susceptibles d'être requises dans le cadre d'une évaluation clinique commune. Cela peut certes permettre la mise à disposition plus rapide de certaines technologies au profit des patients, mais ces consultations doivent se faire dans des conditions de transparence et d'indépendance - et nous avions déjà insisté là-dessus - permettant de garantir leur objectivité et leur intérêt pour une plus grande sécurité sanitaire. Il est nécessaire que ces conditions soient précisées dans le texte, ce qui n'était pas le cas en 2018.

Enfin, le texte propose la réalisation d'évaluations cliniques communes sur lesquels les États membres seraient contraints de s'appuyer. À ce sujet, trois points nous semblent particulièrement importants pour garantir la sécurité sanitaire et les compétences des États membres.

Tout d'abord, les États membres ne doivent pas être contraints de s'appuyer uniquement sur l'évaluation clinique commune pour évaluer une technologie de santé. En effet, il est nécessaire qu'en cas de doutes sur une étude ou en cas de besoin d'éléments complémentaires, les États membres puissent prendre en compte d'autres études ou les réaliser eux-mêmes si besoin - ce qui n'était pas inscrit dans le texte de 2018.

Le Parlement européen, dans une résolution législative adoptée en février 2019, proposait d'assouplir les contraintes des États membres en prévoyant qu'ils « utilisent », et non plus « appliquent », le rapport de l'évaluation clinique commune dans leur évaluation d'une technologie de santé. En outre, chaque État membre pourrait effectuer des évaluations complémentaires destinées à prendre en compte des données et des critères cliniques qui lui sont spécifiques et qui n'auraient pas été pris en compte dans le cadre de l'évaluation clinique commune. Cette solution nous semble satisfaisante et nous souhaitons qu'elle soit soutenue au Conseil.

Ensuite, la proposition de règlement ne peut avoir pour seule base juridique l'article 114 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne qui vise à une harmonisation des règles au sein du marché intérieur. En effet, en cas de litige, les États membres qui auront réalisé des évaluations cliniques complémentaires devront pouvoir le justifier en invoquant la base légale du texte. Il est donc nécessaire d'ajouter à cette base légale l'article 168 qui fait référence à l'impératif d'assurer un niveau élevé de protection de la santé humaine. À la construction du marché unique doit s'ajouter l'enjeu de la sécurité sanitaire. Le Parlement européen et la Commission soutiennent aujourd'hui cette proposition qui devra figurer dans la version définitive du texte.

Un troisième point important à souligner est que le texte présenté par la Commission en 2018 prévoyait que certaines dispositions seraient adoptées par le biais d'actes délégués ou en comitologie. Il y a une tendance à la comitologie qui pose un problème de transparence. Ainsi, les mesures destinées à garantir la qualité des évaluations n'ont pas été prévues par le texte, de même que les conditions de recrutement des experts chargés de mener les évaluations. Or il nous semble qu'il s'agit de mesures essentielles et qu'à ce titre, elles ne sauraient être prises par la Commission seule, via des actes délégués.

Je rappelle que la confiance dans une évaluation scientifique passe par la transparence des conditions de sa réalisation et l'impartialité de ses auteurs. Il est donc nécessaire de prévoir des mesures pour éviter les conflits d'intérêts et mettre à disposition du public certaines données ou études. Le Parlement européen a commencé ce travail qui devra être complété lors des débats au Conseil. Par ailleurs, il faudra également prévoir les règles en matière de conflits d'intérêts s'appliquant aux membres du groupe de coordination, un groupe qui aura un poids déterminant, ainsi que les règles relatives à la publicité de ses travaux.

La proposition initiale de la Commission a donc été amendée pour tenir compte d'un certain nombre de critiques que nous avions formulées, au regard de la subsidiarité. Il convient aujourd'hui de s'assurer que la mise en oeuvre de ce texte permettra de garantir la qualité des soins au sein de l'Union européenne. C'est le sens de cette proposition de résolution européenne que nous vous présentons aujourd'hui.

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