Intervention de Rodolphe Alexandre

Mission d'information Sous-utilisation des fonds européens — Réunion du 10 juillet 2019 à 15h00
Audition de M. Rodolphe Alexandre président de la collectivité territoriale de guyane

Rodolphe Alexandre, président de la collectivité territoriale de Guyane :

Je ne pense pas. Il faut distinguer les critères européens et les critères franco-français. Or, s'agissant de ces derniers, il faut constater que l'on ne se simplifie pas la vie. Je partage l'avis de M. Huré. Les décrets sont publiés tardivement et les modalités d'application changent constamment. Nous finissons par nous autocensurer ! Nous avons voulu le partage des compétences, mais nous travaillons avec l'État : ainsi la certification relève-t-elle de la Direction générale des finances publiques. On peine à simplifier, à comprendre les attentes des porteurs de projets. Très souvent, nous pénalisons les petits porteurs de projets en demandant une certification pour une facture de 15 euros. Parfois, les ministères nous considèrent de manière hautaine. Pourquoi le ministère de l'agriculture nous demande-t-il d'arrêter de programmer le FEAMP en décembre 2020, alors que les règlements européens indiquent 2023 ? On préfère perdre des crédits.

Je vise avant tout l'efficacité. Or, on se sent pénalisés.

On a parfois l'impression que l'Europe ne comprend pas les spécificités de l'outre-mer. En Guyane, aux Antilles, ce qui importe, ce sont les infrastructures, les routes, les ponts, les déchets. Ainsi, la Commission européenne souhaite s'orienter vers le recyclage et ne plus s'occuper des déchets. Mais cela, c'est valable pour le territoire européen. Je suis même incapable de vous dire ce qu'il en sera des centres de stockage de Grand-Santi ou de Maripasoula et des régions les plus enclavées. Certains réfléchissent à transporter les déchets par canot, vous imaginez en cas d'accidents !

Nos problématiques sont simples : l'eau potable - 40 000 personnes n'y ont pas accès; l'assainissement - le chantier, au-delà de Cayenne, de Kourou et de Saint-Laurent, durera au moins un siècle ; la question des déchets ; la question du numérique - nos compatriotes amérindiens bushinengués n'ont pas toujours le téléphone, n'ont pas Internet, même si l'État met en place des moyens ; la question de l'environnement. Je suis fondamentalement en faveur de la transition écologique et de la protection de l'environnement, mais comment demander à un jeune agriculteur une étude d'impact sur le brûlis dans le cas d'une exploitation de moins de 10 hectares ? Ce n'est pas cela qui dégrade la forêt : ce sont les 15 000pilleurs d'or qui polluent avec le mercure, et qui pratiquent la déforestation.

Je souhaiterais que les parlementaires s'investissent encore davantage auprès de la Commission européenne sur les questions d'applicabilité des textes. Il est incompréhensible qu'on laisse de côté la gestion des déchets, au moment où de grandes communes se posent des questions sur les problématiques d'un centre de stockage de déchets ultimes, voire d'un incinérateur. Que va-t-on faire de nos déchets ? Le recyclage, oui, mais après ? , il faut la base

Une question essentielle est celle des infrastructures. La Guyane ne peut plus accepter aujourd'hui de n'avoir qu'une seule route vers Saint-Laurent. Nous devons avoir des routes reconnues comme en France, comme à Madère, comme aux Canaries. Dans ces îles, ils ont su utiliser très tôt les fonds européens pour construire ces infrastructures. En Guyane, nous devons construire tous les cinq ans trois lycées et quatre collèges. Notre croissance démographique est considérable.

L'Europe peut-elle intervenir dans la gestion des migrants pour aider notre collectivité ? Ces flux migratoires nécessitent la construction d'écoles, de centres de protection maternelle et infantile, etc.

Je souhaite que les départements et collectivités d'outre-mer soient plus francs, plus accompagnateurs, plus incisifs à Bruxelles. Mes services sont en permanence en contact avec la Commission européenne. Parfois, nous faisons appel à des lobbyistes pour mieux comprendre les différents dossiers.

Aujourd'hui, la Commission européenne nous dit qu'elle va réduire à N+2. Cela va être compliqué ! N+3, on peut comprendre pour les dégagements d'office. Cette même Commission entend diminuer les plans de compensation des surcoûts à 50 % sur le FEAMP, pour les marins-pêcheurs, mais n'entend pas rehausser le taux d'accompagnement à 85 % pour l'assistance technique et baisse les préfinancements. Certes, il y a le Brexit, il y a l'islamisation, etc., mais l'Europe se raidit vis-à-vis de l'outre-mer, qui est le poumon de l'Europe - les océans, la forêt amazonienne.

Les interpellations sont permanentes, notamment sur la simplification des textes. M. Jean-Claude Juncker a accompagné le président Emmanuel Macron en Guyane ; c'était une première. Nous sommes sortis ragaillardis de cette rencontre, mais aujourd'hui nous sommes sceptiques. Les négociations vont bientôt aboutir et nous espérons vraiment que l'État accompagnera également les RUP.

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