Intervention de Christine de Mazières

Mission d'information Sous-utilisation des fonds européens — Réunion du 10 juillet 2019 à 15h00
Audition de Mme Christine de Mazières conseillère-maître à la cour des comptes rapporteure générale de la formation décentralisation de la gestion des fonds européens

Christine de Mazières, conseillère-maître à la Cour des comptes, rapporteure générale de la formation décentralisation de la gestion des fonds européens :

Premièrement, sur le nombre de programmes, il faut comprendre que je parle en réalité du nombre d'autorités de gestion. Une autorité de gestion s'occupe d'un programme opérationnel, par exemple le programme de développement rural pour le FEADER. Je parle de ces programmes, actuellement au nombre de 83. Chacun couvre un certain nombre d'obligations de gestion de contrôle, qui sont assez lourdes. À ce titre, en comparaison avec d'autres pays, nous remarquons que nous avons multiplié notre administration.

Moins nous avons d'autorités de gestion et de programmes, plus le poids de l'administration s'en trouvera allégé, dans un contexte où nous avons actuellement démultiplié nos coûts de gestion. Il convient donc de trouver un juste milieu entre, d'une part, les spécificités locales, et, d'autre part, l'administration qui ne fait que croître avec la démultiplication de toutes ces autorités de gestion.

Notre bilan, globalement, n'est pas négatif. Nous sommes parvenus, après un démarrage extrêmement compliqué, à un résultat plutôt correct et à une situation qui n'est tout de même pas si déplorable. Les régions se sont mises en ordre de bataille et la France, en matière de performances, se situe dans la moyenne européenne. Simplement, nos recommandations visent surtout à faire en sorte que la prochaine programmation, qui se profile rapidement, se déroule mieux. Nous ne devons pas recommencer à nous mettre des barrières et des obstacles.

Sur la complexité administrative, qui serait spécifique à la France par rapport à d'autres États membres, ces spécificités inhérentes à la France concernent surtout le FEADER. Je pense que les autres fonds, à savoir FEDER et FSE essentiellement, fonctionnent à peu près bien.

Encore une fois, sur le FEADER, les responsabilités sont partagées sur le manque de coopération. Il se trouve que ce fonds obéit aux règles les plus complexes, spécifiques. Le FEADER est un fonds à part, qui est soumis à encore plus de contrôles, de règles particulières, de soucis de sécurité juridique. Au regard de cette situation, nous devons décider ensemble de la suite des événements, comme l'ont fait d'autres pays.

Pour que ce rapport soit véritablement suivi d'actions, l'urgence absolue est de clarifier la répartition des compétences du FEADER. Cela doit absolument être réglé à la rentrée, un arbitrage doit être rendu sur les responsabilités de l'État et des autorités de gestion, à savoir les régions, au risque d'accumuler les retards et les risques, sachant que la prochaine programmation sera plus exigeante, dans la mesure où les règles européennes seront plus orientées vers la performance et laisseront davantage de liberté à chacun pour s'organiser. Mais, en conséquence, les manquements aux objectifs seront sanctionnés par une perte de fonds beaucoup plus brutale.

De plus, la règle de paiement de trois ans sera réduite à deux ans. Ces règles seront donc plus exigeantes et requièrent un besoin d'arbitrage urgent sur le plan agricole.

Sur la question des seuils et des petites communes, sujet extrêmement important, le recours à l'intercommunalité est une bonne idée, mais il incombe véritablement à chaque région de s'organiser sur ce sujet. Nous n'avons pas étudié cette question, mais nous recommandons la simplification des processus, notamment en réduisant le nombre de mesures sur le FEADER. Par exemple, actuellement, certaines mesures s'appliquent à un ou deux bénéficiaires uniquement. Il faut donc accepter d'avoir moins de spécificités extrêmes, mais il est tout à fait possible de tenir compte des petites communes et de leurs besoins spécifiques sans avoir un système trop complexe et d'éviter une hypertrophie de la bureaucratie, comme l'ont d'ailleurs montré certains de nos voisins.

Enfin, concernant les capacités de notre administration d'État à gérer ces sujets, la technicité très importante des règles européennes est une donnée inévitable, mais nous avons toutefois pu constater que les fonctionnaires d'État, notamment dans les préfectures, ont bien respecté la transmission des compétences aux régions, en dépit de progrès devant encore être menés sur certains aspects. Il est vrai que, contrairement à d'autres pays comme l'Espagne et l'Allemagne, la France témoigne d'une moindre culture de négociation entre les différentes administrations. Ce problème n'est pas spécifique à une fonction publique plutôt qu'une autre.

L'enjeu majeur est donc de ne pas perdre ces fonds européens, cruciaux, dans un contexte budgétaire français difficile. Il faut travailler ensemble.

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