Intervention de Marie-Claude Dupuis

Commission d'enquête sur le coût réel de l'électricité — Réunion du 28 mars 2012 : 1ère réunion
Audition de M. François-Michel Gonnot député président du conseil d'administration de l'agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs andra et de Mme Marie-Claude duPuis directrice générale

Marie-Claude Dupuis, directrice générale de l'Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs :

Oui, car l'exploitation de ce futur centre de stockage durera au moins cent ans, d'une part pour couvrir la durée de vie autorisée des tranches nucléaires, d'autre part parce que les déchets vitrifiés doivent être refroidis à 90°C avant d'être stockés en profondeur, afin de ne pas abîmer la couche d'argile.

Comme l'a souligné la Cour des comptes, un tel chiffrage sur une échelle de temps aussi longue est une première mondiale, d'autant que nous devons prendre en compte des impôts dont les paramètres ne sont pas encore définis. Dans ces conditions, il n'est pas très étonnant que la fourchette soit comprise entre 15 milliards et 35 milliards d'euros !

La prochaine étape est d'établir le nouveau chiffrage avant le débat public, selon le processus fixé par la loi. La Cour des comptes souligne à juste titre que ce chiffrage aura une traduction concrète dans les comptes des grandes entreprises en termes de provisions et d'actifs dédiés. Elle relève dans son rapport que si EDF devait retenir un coût de 35 milliards d'euros tout compris, au lieu de 15 milliards d'euros, cela aurait une incidence de 4 milliards d'euros sur ses comptes. Ce n'est pas ce qu'on lui demande aujourd'hui, car l'exercice n'est pas achevé. Il faut attendre les résultats des études, mais l'enjeu est compris entre 1 % et 2 % du coût de production de l'électricité, ces 35 milliards d'euros étant étalés sur cent ans, soit 350 millions d'euros par an.

Au final, nous partageons tout à fait les observations de la Cour des comptes sur le projet Cigéo.

La Cour des comptes formule également des remarques importantes au sujet des matières radioactives. Elle souligne qu'EDF provisionne aussi dans ses comptes, à juste titre et de manière très prudente, le stockage du MOX ou de l'uranium enrichi qui ne seraient pas valorisés. Aujourd'hui, le MOX usagé est considéré comme une matière valorisable : il est prévu de le réutiliser dans les réacteurs de quatrième génération. Or, ce parc n'existant pas pour l'heure, il faut faire preuve de prudence en matière comptable, en ne tenant pas compte d'une telle valorisation. Dans cet esprit, EDF utilise un chiffrage ancien du coût du stockage du MOX, que l'ANDRA a étudié jusqu'en 2005 à toutes fins utiles. La Cour des comptes indique qu'il serait temps d'actualiser ce chiffrage, en fonction des nouvelles études. Depuis 2006, l'ANDRA ne travaille plus sur le stockage des combustibles usés et du MOX, puisque la loi de 2006 donne la priorité au traitement, mais il est possible d'utiliser les dernières études pour aider EDF à actualiser son chiffrage, suivant un processus qui devra être défini avec l'État.

Ce qu'il faut retenir, c'est que le stockage géologique du combustible usé et du MOX est possible. On est même capable de chiffrer son coût à long terme.

La Cour des comptes soulève aussi le problème de l'uranium appauvri, en soulignant qu'il existe aujourd'hui un stock important de 260 000 tonnes de matières valorisables, qui devrait atteindre 450 000 tonnes à l'horizon de 2030. L'ANDRA ne le prend pas en compte dans ses études. Cependant, la Cour des comptes estime que ce sont des matières valorisables, soit parce qu'elles peuvent être réenrichies pour être utilisées dans le parc actuel, soit parce qu'elles seront utilisées dans le parc futur si les réacteurs de quatrième génération voient le jour, soit parce qu'elles peuvent être vendues à l'étranger. Elle ajoute néanmoins que si aucun de ces scénarios ne se réalise, il faudra envisager une solution de stockage. L'État, dans le cadre du plan national de gestion des matières et des déchets radioactifs, demande d'ailleurs à AREVA, en l'occurrence, de réfléchir, à titre de précaution, au devenir de ces matières au cas où elles ne pourraient pas être valorisées comme prévu.

À la troisième question - pouvez-vous donner des éléments sur le coût que représente le retrait du combustible des centrales après leur cessation de fonctionnement afin d'estimer ce que ce coût représente par rapport au coût total des opérations de démantèlement ? -, la réponse est négative. En effet, jusqu'à présent, même si l'on peut peut-être s'en étonner, le Parlement n'a pas donné compétence à l'ANDRA pour formuler un avis sur les opérations et les stratégies de démantèlement. La loi de 2006 a élargi les missions de l'ANDRA en l'autorisant à donner un avis sur le conditionnement des déchets radioactifs : c'était une nouveauté. En 1991, quand l'ANDRA a été créée, sa mission était très clairement circonscrite : elle devait travailler sur le stockage géologique des déchets.

Nous pensons sincèrement que, grâce à une collaboration renforcée avec EDF, le CEA et AREVA en amont des stratégies de démantèlement, toujours sous l'angle des déchets, il serait peut-être possible d'optimiser les choses et d'éviter l'engorgement de notre centre de stockage des déchets de très faible activité.

Quatrième question : comment l'ANDRA est-elle assurée, et pour quel coût ? Quels sont les risques garantis ?

Nous faisons comme tous les exploitants nucléaires. Par exemple, pour nos projets de construction, nous sommes amenés à contracter une assurance tous risques chantier ou tous risques montage et essais. Pour ses activités d'exploitation, l'ANDRA est couverte par une assurance multirisque industrielle. Enfin, en ce qui concerne les risques civils en cas d'accident nucléaire, nous procédons comme les grands exploitants d'installations nucléaires, mais le niveau de risque n'est pas du tout comparable : aujourd'hui, les activités de l'ANDRA consistent en l'exploitation de centres de stockage de déchets en surface, et il est peu probable qu'un incident quelconque ait un impact sur l'extérieur. Nous prenons donc des garanties, mais nous ne sommes pas confrontés aux mêmes risques que les exploitants nucléaires. Si nous sommes ultérieurement autorisés à exploiter un stockage géologique de déchets de haute activité, le niveau de risque sera un peu plus élevé.

Toujours est-il que l'ensemble des assurances contractées par l'ANDRA représente un coût d'environ 550 000 euros par an, soit 0,3 % du budget de l'agence.

Cinquième question : en fonction du niveau d'activité et de la durée de vie des déchets, la poursuite du programme nucléaire national impliquerait-elle la construction de nouveaux sites de stockage ? Quels sont les terrains envisagés ?

D'une manière générale, conformément à la loi, l'ANDRA réalise tous les trois ans un inventaire national des déchets. Nous ne nous contentons pas de prendre une « photo » du stock de déchets existant, nous nous projetons aussi dans le futur, selon différents scénarios : poursuite du nucléaire, non-renouvellement du parc nucléaire.

Tous ces travaux sont réalisés sous l'égide d'un comité de pilotage national qui réunit les producteurs de déchets, l'État, les experts et même quelques associations de protection de l'environnement, pour essayer de faire en sorte que les choses soient le plus clair possible.

S'agissant des déchets de démantèlement, comme je l'ai dit tout à l'heure, quel que soit le scénario considéré, nous serons amenés à examiner les possibilités d'extension du centre de stockage de déchets à très faible activité qui les recueille, voire à envisager la construction d'un nouveau site.

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