En effet. Cigéo en est encore à l'état de projet, mais nous avons étudié complètement la couche d'argile de 30 kilomètres carrés indispensable à la sûreté à long terme. En retenant comme hypothèses une durée de vie du parc de cinquante ans et le retraitement du combustible usé, les besoins identifiés à ce jour correspondent à 15 kilomètres carrés. Nous avons donc un peu de marge sur le plan géologique.
Dans notre scénario, nous ne prenons pas en considération la production de déchets liée au déploiement d'un futur parc de réacteurs de quatrième génération. Toutefois, nous travaillons actuellement avec le CEA, qui développe le projet Astrid, prototype de réacteur de quatrième génération assorti d'options de séparation et transmutation, afin d'essayer d'estimer quelle serait sa production de déchets. En effet, il ne faudrait pas donner à penser qu'un parc de réacteurs de quatrième génération ne produira pas de déchets radioactifs : l'objectif est d'économiser la ressource en uranium ou de pouvoir réutiliser l'uranium appauvri, de limiter la production de plutonium, mais il s'agit d'une exploitation industrielle qui produira des déchets de haute activité et de moyenne activité à vie longue. Tout l'enjeu de nos échanges avec le CEA, c'est de parvenir à une estimation du volume de ces déchets, mais dans la mesure où nous n'en sommes même pas à la phase du prototype, je ne peux pas vous donner de chiffres.
La sixième question portait sur les sommes que l'ANDRA consacre à la recherche.
La loi du 28 juin 2006 a rendu l'ANDRA un peu plus indépendante des producteurs en matière de recherche, par la création d'une taxe additionnelle à la taxe sur les installations nucléaires de base qui alimente directement un fonds dédié à la recherche au sein de l'agence. En moyenne, nous percevons à ce titre 100 millions d'euros par an. Cependant, à très court terme, des problèmes vont se poser puisque, après avoir été relevé temporairement à 118 millions d'euros jusqu'en 2012 par la loi de finances, le produit de cette taxe redescendra dès 2013 à 96,6 millions d'euros, par application d'un décret très récent dont l'objet est de modifier les coefficients de la taxe additionnelle à la taxe sur les installations nucléaires de base. Or nous sommes en pleine phase de développement du projet Cigéo et nous devons déposer une demande d'autorisation de création en 2015. Aussi allons-nous plaider auprès du Gouvernement pour un relèvement du produit de cette taxe.
Par ailleurs, nous sommes confrontés à une autre difficulté dans le financement de nos opérations. Lorsque le législateur a créé, en 2006, cette taxe dite « de recherche », il a voulu que son produit soit consacré uniquement à la partie études et recherches. Dans le même temps, il a créé un fonds destiné au financement de la construction, de l'exploitation, de l'arrêt définitif, de l'entretien et de la surveillance des installations d'entreposage ou de stockage, alimenté, au travers de conventions, par des contributions des exploitants d'installations nucléaires de base. Ainsi, pour le financement de la construction et de l'exploitation, qui représente plusieurs milliards d'euros, l'ANDRA devra négocier avec EDF, le CEA et AREVA.
Une première difficulté tient à la gestion de la transition entre ces deux fonds. Le Gouvernement considère qu'il ne sera pas possible de mettre en place le fonds dédié à la construction avant que l'autorisation n'ait été donnée, en 2019. En outre, il sera éventuellement nécessaire d'anticiper des travaux, par exemple la réalisation d'une station électrique de 400 000 volts. Cela ne relève pas de la recherche, mais ces travaux devront avoir été réalisés avant que l'autorisation de création du centre de stockage n'ait été accordée, de manière à anticiper la préparation du chantier pour pouvoir être au rendez-vous de 2025.
Pour résumer, il faut simplement retenir que la loi a créé un fonds « recherche » et un fonds « construction-exploitation », dont l'articulation n'est pas forcément très aisée.
L'ANDRA dispose depuis un an d'une source supplémentaire de financement à travers un fonds « investissements d'avenir ». Doté initialement de 100 millions d'euros, il ne compte plus maintenant que 75 millions d'euros, puisque nous avons contribué à la mise en place du programme de l'Agence nationale de la recherche à la suite de l'accident de Fukushima. Ces 75 millions d'euros permettent de cofinancer des projets relatifs au traitement des déchets en amont du stockage, ce qui nous tenait à coeur. L'optimisation de la gestion des déchets passe en effet par une action concertée entre EDF, le CEA, AREVA et l'ANDRA en amont du stockage pour réduire les volumes et la toxicité. Il subsiste cependant une petite difficulté : ces fonds ne couvrent pas les heures de travail des équipes de l'ANDRA. Chaque fois que nous demandons à nos équipes de travailler sur ces sujets, nous puisons dans nos ressources propres, lesquelles restent très modestes. Si l'ANDRA a tout à fait les moyens de travailler, ces moyens sont très compartimentés : nous avons les contrats pour les activités industrielles, nous avons la taxe « recherche » pour le stockage géologique, mais nous ne dégageons pas suffisamment de marge pour financer des recherches sur nos fonds propres.
Aujourd'hui, l'utilisation du fonds dédié à la recherche est strictement limitée au stockage géologique en termes de recherche et développement. Il est fort probable qu'il faudra le pérenniser une fois que Cigéo sera en construction. En effet, ce centre de stockage devant être exploité pendant cent ans, il serait justifié de poursuivre les recherches en vue de son optimisation, par exemple grâce au recours à de nouveaux matériaux.
Par ailleurs, peut-être conviendrait-il d'élargir le champ de cette taxe « recherche » pour donner à l'ANDRA les moyens de mener des recherches sur d'autres thèmes que celui du stockage, mais aussi pour promouvoir les recherches sur les déchets.
Septième question : à qui sont imputés, in fine, les différents coûts relatifs au traitement et au stockage des déchets de la filière électronucléaire ?
Je ne peux que reprendre les éléments d'information contenus dans le rapport de la Cour des comptes, s'agissant notamment du financement du stockage géologique. La clé de répartition actuelle pour les déchets de haute activité et de moyenne activité à vie longue est la suivante : 78 % pour EDF, 17 % pour le CEA et 5 % pour AREVA.