Intervention de Marie-Claude Dupuis

Commission d'enquête sur le coût réel de l'électricité — Réunion du 28 mars 2012 : 1ère réunion
Audition de M. François-Michel Gonnot député président du conseil d'administration de l'agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs andra et de Mme Marie-Claude duPuis directrice générale

Marie-Claude Dupuis, directrice générale de l'Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs :

Nous avons une connaissance poussée de cette couche d'argile. Elle est très stable, mais nous allons la creuser, la fissurer pour y introduire du béton, de la ferraille, de la radioactivité, de la chaleur. Tout l'enjeu des recherches de l'ANDRA, c'est d'étudier les perturbations subies par l'argile, les interactions entre le verre, le fer et la roche, d'établir des modèles, de faire des calculs de sûreté et de convaincre les scientifiques et l'Autorité de sûreté nucléaire que nos travaux permettent de garantir l'absence de risque à long terme. Nous prenons même en compte la déformation en surface liée au changement climatique !

S'agissant de l'exigence de réversibilité, elle a des conséquences très concrètes sur le plan technique. Si je prends l'exemple des déchets vitrifiés, les radioéléments sont fondus dans une masse de verre avant d'être placés dans des colis en inox qui mesurent plus d'un mètre de hauteur. L'idée est de creuser dans l'argile des microtunnels de moins d'un mètre de diamètre et d'une profondeur comprise entre 80 et 100 mètres - plus ils sont longs, plus on réalise d'économies -, de les chemiser d'acier de manière à pouvoir faire glisser les colis les uns derrière les autres jusqu'au fond. L'intérêt est qu'ils pourront être retirés facilement.

Pour accueillir les déchets de moyenne activité à vie longue - il s'agit là de colis en béton -, on envisage des galeries plus grandes : huit mètres de diamètre, entre 200 et 400 mètres de profondeur, cela reste à préciser. L'épaisseur du béton doit être calculée de telle sorte que la réversibilité dure au moins cent ans.

Dans nos recherches, nous avons également eu recours aux sciences humaines et sociales. Pendant longtemps, on nous a objecté que la réversibilité avait un coût et que le stockage serait moins coûteux s'il n'était pas réversible. Or les sciences humaines et sociales nous apportent un autre regard : en réalité, la flexibilité que permet la réversibilité de notre stockage a aussi une valeur. En creusant progressivement, on apprend à chaque étape. Il existe des théories sur la valeur de la flexibilité et de l'apprentissage. Le fait de prévoir qu'on pourra un jour être contraint de retirer un colis peut s'avérer très bénéfique et permettre de faire des économies.

Dans le débat public, on nous oppose souvent le contre-exemple de l'Allemagne. Les Allemands ont mis en place un stockage géologique dans une ancienne mine de sel : aujourd'hui, ce stockage fuit de partout. Comme il n'avait pas été conçu pour être réversible, retirer les colis va leur coûter des milliards d'euros.

Face aux enjeux et aux échelles de temps considérés, intégrer la réversibilité, avancer de manière très progressive, ce qui nous permet d'apprendre, a aussi une valeur. Investir un peu plus aujourd'hui peut nous permettre de faire des économies demain.

Évaluer le coût de la réversibilité, exigence supplémentaire qui s'impose à notre stockage, est assez complexe. Nous y travaillons et nous essaierons d'apporter des éléments de réponse sur ce point en vue du débat public qui aura lieu en 2013.

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