Intervention de Virginie Klès

Réunion du 8 février 2011 à 21h30
Orientation et programmation pour la performance de la sécurité intérieure — Adoption des conclusions du rapport d'une commission mixte paritaire

Photo de Virginie KlèsVirginie Klès :

Ils sont en effet en surnombre par rapport aux policiers nationaux expérimentés qui peuvent leur apprendre le métier et leur transmettre l’expérience nécessaire.

Se rappelle-t-on votre promesse, monsieur le ministre, de ne pas toucher aux forces opérationnelles dans le cadre de la révision générale des politiques publiques ?

Sans doute les compagnies de CRS et les escadrons de gendarmerie mobile sont-ils des postes administratifs uniquement localisés en bureaux !

Sait-on assez que ces décisions et ces missions nouvelles dont nous venons de parler et qui seront, demain, confiées aux polices municipales, préfigurent un report de compétences, sans les moyens ni la formation ad hoc, de missions aujourd’hui confiées à la police et à la gendarmerie nationales vers les polices municipales ?

Les maires le savent, en tout cas. Ils en sont inquiets et mal à l’aise, parce que, demain, dans nos territoires ruraux, le maillage territorial et la sécurité ne seront plus assurés, du moins, elles ne le seront plus qu’en fonction des moyens financiers des communes.

Sait-on assez, pourtant, que, sur le terrain, ces hommes et ces femmes savent travailler ensemble – police nationale, police municipale et gendarmerie nationale ? Ils savent travailler ensemble en restant chacun sur son terrain et ses compétences : pour l’État, maintien de l’ordre ; pour les communes, les maires et les polices municipales, tranquillité.

Une révision générale des politiques publiques pouvait être menée intelligemment, en s’appuyant sur ces forces et ces atouts, sur ces coopérations naturellement menées sur le terrain. On pouvait trouver des sources d’économies et de mutualisation au lieu de les imposer.

Pourquoi ne tient-on jamais compte de ce qui se passe sur le terrain, où ça se passe bien, même quand on est de gauche, d’ailleurs ?

Sait-on assez que le respect des dépositaires de l’autorité publique s’entretient, notamment par l’exemple et l’exemplarité ? Bien sûr, les dépositaires de l’autorité publique doivent être exemplairement protégés mais ils doivent aussi et surtout ne pas être abusivement protégés quand, par exception, de rares individus de ces corps, par leurs exactions, risquent de jeter le discrédit sur tous leurs collègues !

Il y va de l’honneur, de la crédibilité, de la confiance et du respect que nous devons à tous les autres membres de ce corps qui respectent parfaitement leur mission et leurs compétences en tant que dépositaires de l’autorité publique.

Sait-on assez que les douaniers, qui sont des acteurs incontournables de la lutte contre l’économie souterraine, sont les grands oubliés de ce texte, et qu’il en est de même – je l’ai d’ailleurs déjà signalé – de la lutte contre la délinquance financière ou en col blanc ?

Sait-on assez combien les fabricants de caméras en sont les grands gagnants ?

Votre texte, monsieur le ministre, pose de faux problèmes et apporte de fausses solutions. Il confond les moyens et la fin, les outils et les objectifs ; il confond incivilité, bêtise et délit ; il confond surtout insécurité et sentiment d’insécurité ; il confond aussi les compétences des uns et celles des autres.

Oui, les sociologues nous disent qu’il existe des noyaux durs de délinquants qui posent de réels problèmes, mais les mesures annoncées ne résoudront rien parce qu’elles n’ont rien résolu jusqu’à maintenant ! Ce n’est pas en aggravant les peines que l’on résoudra ces problèmes-là.

Oui, les violences aux personnes augmentent, notamment les violences faites aux femmes et les violences intrafamiliales ! Mais quand je vous ai proposé de judiciariser davantage ce type de violences, la réponse a été : « Non, restons sur de la médiation ! »

Oui, il faut lutter contre la cybercriminalité et la pédopornographie, mais pas avec des mesures en trompe-l’œil ni avec des mesures chères, dont j’ose espérer qu’elles ne seront pas appliquées ! Mais, mon dieu, quel dommage ! Bel exemple encore de gâchis, bel exemple de non-explication de la conduite à adopter et de perte de temps alors que, dès aujourd’hui, on pouvait lutter efficacement contre la pédopornographie d’une façon différente de celle que vous avez proposée !

Programmation, dites-vous, mais, pour programmer, encore faut-il savoir de quoi l’on parle, de quel problème il est question, encore faut-il analyser les causes sociales de la délinquance, ses causes profondes et financières, et proposer un autre modèle d’intégration sociale et de réussite.

Je ne me suis pas contentée d’examiner la délinquance dans ma petite ville de Châteaubourg en Ille-et-Vilaine ; je suis aussi allée voir les favelas à Rio. La délinquance y est importante, c’est un problème sérieux mais un problème traité effectivement par des programmes : des interventions musclées, c’est vrai, contre les bandes, en tant que de besoin ; une lutte acharnée contre l’économie souterraine et contre le trafic de drogue et le blanchiment d’argent ; et, parallèlement, dans les mêmes endroits, des centres sociaux avec des crèches, des bibliothèques, des soutiens scolaires et parentaux, un partenariat avec les entreprises, une formation professionnelle des jeunes, qui ont un travail et qui peuvent ainsi s’identifier à un autre modèle que celui qui leur est proposé dans la favela.

C’est un programme ambitieux ! On devrait savoir et pouvoir le faire. Le savoir-faire de la France est internationalement reconnu en matière de programmes civilo-militaires.

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