Intervention de François Bouchet

Mission d'information Conditions de la vie étudiante — Réunion du 18 mars 2021 à 14h00
Audition de M. François Bouchet président de la commission vie étudiante » de la conférence des grandes écoles cge directeur général de l'école polytechnique

François Bouchet, président de la commission « Vie étudiante » de la Conférence des grandes écoles (CGE), directeur général de l'École Polytechnique :

Les annonces du Gouvernement concernent effectivement les services de santé universitaires. Dans les grandes écoles, nous avons su prendre en compte l'augmentation des besoins de soutien psychologique et faire appel à des permanences psychologiques. Tous les établissements en ont mis en place, soit en identifiant un réseau de psychologues qui pouvaient être disponibles pour prendre en charge les élèves à proximité, soit en recrutant directement. Je ne dispose pas de chiffres sur les recrutements pérennisés du fait de la crise. J'ai, pour ma part, un service de quatre psychologues qui ont été totalement mobilisés durant cette période. Il est clair que nous avons besoin de professionnels permanents. Pour bien comprendre les problématiques propres aux étudiants d'un campus donné, il est préférable d'avoir une connaissance approfondie de l'établissement.

La souffrance psychologique résulte souvent d'un stress qui peut avoir pour origine des problèmes académiques, économiques, familiaux. Les cas les plus compliqués concernent aujourd'hui des primo-entrants, des internationaux, de très jeunes étudiants qui n'ont pas connu autre chose qu'une école sous covid et qui se trouvent en situation d'isolement. Il importe de lancer une action ciblée vis-à-vis de ces populations à risques.

Le « chèque psy » et l'ensemble des dispositifs mis en place par le Gouvernement me semblent satisfaisants, mais j'insiste sur le fait qu'il est impossible de traiter convenablement une souffrance profonde en seulement trois séances. Il faut inscrire l'accompagnement de nos étudiants dans la durée, surtout les primo-entrants qui se retrouvent dans une situation nouvelle appelée à durer.

Dans les grandes écoles, nous n'avons pas pour objectif de favoriser le modèle distanciel. Nous possédons un modèle académique très performant, avec un taux d'encadrement élevé. Nos établissements de taille modeste permettent de créer un sentiment d'appartenance très fort à sa promotion, à son école et à son réseau de partenaires. Or toute cette communauté ne se vit pas à distance. Il est très compliqué de garantir un sentiment d'appartenance avec une vie de promotion à distance. Nos enseignants-chercheurs souhaitent eux aussi revenir très vite en présentiel, car c'est ainsi qu'ils s'accomplissent. Il existe une vraie richesse dans l'enseignement et la transmission des savoirs dans nos écoles, et nous y tenons beaucoup.

Nous ne reviendrons sans doute pas pour autant à du 100 % présentiel. Nous avons expérimenté de nouvelles possibilités de recours aux technologies numériques et certains y ont pris goût. Il est vrai qu'il peut se révéler efficace d'enchaîner les cours ou les réunions de façon très souple, sans trajet et sans contrainte logistique. Je pense donc que nous capitaliserons sur cette expérience. Le modèle des MOOC pourrait s'imposer demain, avec des cours en ligne accessibles, qui peuvent être revus à l'envi et qui ne préjugent pas de la possibilité d'obtenir des explications durant des « office hours » -le professeur étant disponible au-delà du cours pour interagir avec ses élèves -, plutôt que des cours en amphithéâtre pour plusieurs centaines d'élèves au même endroit, au même moment. Il est cependant un peu tôt pour en tirer des conclusions. Nous devons d'abord revenir à une situation normalisée et vérifier s'il existe un véritable engouement pour le numérique.

Enfin, s'agissant de l'adaptation de l'accueil des élèves confrontés à la crise sanitaire, la situation était déjà compliquée pour eux en classe préparatoire. Il a sans doute été très stressant de passer des concours avec le masque et les autres normes sanitaires. Nous avons vu qu'ils avaient déjà l'habitude de respecter les mesures de distanciation sociale et qu'ils acceptent de vivre une expérience différente de celle que les anciens avaient pu leur promettre. J'ai plutôt constaté un certain dépit des élèves qui ont connu le campus avant la crise, car ceux-ci avaient vraiment à coeur de revenir à la situation antérieure. Lors de la rentrée 2020, nous avons vu se manifester cette tentation de revenir à la vie d'avant, en oubliant les consignes sanitaires et en ne respectant plus la distanciation sociale. Nous avons alors vu poindre d'importants risques dans nos établissements. Des foyers épidémiques auraient pu se former. Il a fallu gérer la situation très vite et rappeler nos étudiants à la raison. Ce n'était pas forcément le fait des primo-entrants, mais plutôt des étudiants d'années supérieures. En bonne santé, les jeunes éprouvent souvent un sentiment d'impunité. Certains affirmaient aussi qu'ils avaient attrapé le virus, qu'ils s'en étaient remis assez rapidement et qu'ils ne craignaient plus rien. Dans certaines promotions, l'idée a parfois circulé que plus vite tout le monde serait contaminé, plus vite la vie antérieure pourrait reprendre son cours, ce qui n'était évidemment pas l'avis des directions des écoles ! Il a fallu faire preuve de pédagogie et de fermeté pour minimiser les conséquences d'agissements un peu irresponsables.

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