Je ne suis peut-être pas le mieux placé pour vous répondre. Je vous apporterai donc une réponse assez personnelle. Les grandes écoles doivent gérer un paradoxe : être ouvertes à la diversité, notamment à la diversité sociale - il s'agit d'ailleurs d'une demande très forte de gouvernements successifs - et, dans le même temps, développer leurs ressources financières pour conserver l'excellence que l'on attend de ces établissements. Nous ne pourrons pas continuer à progresser dans les classements internationaux - lesquels prennent en compte la qualité de l'enseignement, de la recherche, de l'innovation et des services sur le campus - sans avoir un minimum recours à une augmentation des droits de scolarité. Il s'agit d'une vraie problématique car nous accueillons des jeunes qui ne sont pas forcément issus de milieux très aisés et qui sont méritants. Nos écoles privilégient la méritocratie : on n'entre pas dans nos grandes écoles en payant, mais en l'ayant mérité. Mais nous devons aussi assurer la viabilité financière de nos établissements. Il existe effectivement des prêts reposant sur l'idée que les étudiants s'endettent sur le long terme, mais que cette démarche restera indolore puisqu'au moment où ils intègreront le marché du travail, leur niveau de rémunération leur permettra de les rembourser. Reste à déterminer où il faut placer la barre entre la durée de l'emprunt et le niveau de prélèvement sur les premiers salaires qui permettra le remboursement. Aujourd'hui, d'autres dispositifs existent, comme les exonérations de droits de scolarité. L'étudiant ne paie pas si l'on considère qu'il est issu d'un milieu trop modeste. Dans mon école, je préside des commissions d'exonération et nous exonérons très massivement des élèves venant de milieux parfois très modestes. Les fondations peuvent également prendre le relais au travers de bourses. Nous faisons par ailleurs appel à la générosité des anciens élèves pour soutenir certains de nos étudiants. Mais, à un moment donné, les écoles auront évidemment besoin d'équilibrer leurs comptes.
Il est vrai que cette crise change aussi le type et la qualité des prestations que nous délivrons à nos élèves et de l'expérience qu'ils vivent. Nous avons des remontées selon lesquelles certains étudiants estiment payer bien cher pour des prestations dont ils ne pourront pas bénéficier le campus n'étant pas accessible comme il le devrait, l'enseignement se faisant à distance plutôt qu'en présentiel, les cours de sport n'étant pas assurés, etc. Il est compliqué d'entrer dans une négociation sur la valeur des cours et des services liés à la vie de campus.
Nous veillons à la qualité du diplôme et à l'employabilité. Or la crise n'a pas eu d'impact sur ce plan. Les étudiants qui sont sortis diplômés en 2020 ont eu les mêmes opportunités que les autres. Nous n'avons pas relevé de difficultés flagrantes liées au contexte de crise. Même dans les secteurs les plus touchés, le réseau des écoles et l'aide des anciens ont joué pleinement. Bien sûr, la situation méritera de lancer une enquête « premier emploi » dans quelque temps, mais les premiers retours sont quand même assez rassurants.
Nous devrions donc conserver ce modèle économique. Je crois qu'aucune école n'a décidé de réduire les frais de scolarité du fait de la crise sanitaire. En procédant ainsi, elle fragiliserait une structure qui a pour objectif de proposer le meilleur à ses étudiants.
Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.