Intervention de Mathias Gardet

Mission d'information réinsertion des mineurs enfermés — Réunion du 11 avril 2018 à 15h30
Audition de Mme Véronique Blanchard historienne spécialiste de la justice des mineurs ancienne éducatrice enseignante à l'école nationale de la protection judiciaire de la jeunesse

Mathias Gardet :

Nous reprendrons une à une les différentes questions que vous nous aviez adressées. Quelles grandes périodes peut-on distinguer, dans le domaine de la justice des mineurs, depuis le XIXe siècle ?

Vos questions concernent le long terme et nous tenterons d'y répondre, quitte à être schématiques, dans une perspective historique.

Six périodes peuvent être délimitées. La toute-première s'étend de la Révolution française jusqu'au code Napoléon de 1810, qui va introduire une différenciation juridique des peines selon que le condamné est âgé de plus ou de moins de seize ans.

La seconde période, qui va des années 1820 à la fin du XIXe siècle, pose les principes fondateurs de la prise en charge de ces mineurs par la justice: la désignation d'un quartier spécifique dans les prisons, le placement collectif dans les institutions ou chez des particuliers, qui préfigurent le placement en milieu ouvert. À partir de 1850, une sorte de délégation de service public va consacrer le rôle des institutions privées financées par l'État.

Une troisième période, de la fin du XIXe siècle jusqu'à la fin de la Première guerre mondiale, s'avère paradoxale : d'un côté, elle connaît un durcissement de la prise en charge et du regard porté sur la jeunesse et, d'un autre côté, elle est marquée par l'ordonnance de 1912, qui va consolider les premiers dispositifs de la justice des mineurs, avec des tribunaux et des juges spécifiques.

Une quatrième période, allant de l'entre-deux-guerres jusqu'aux années 1960, implique un nouveau regard sur la jeunesse, dont la société a moins peur qu'auparavant, en raison des craintes de la dénatalité et du traumatisme des deux guerres mondiales. L'éducatif et la réforme des institutions vont être mis en avant. Les lieux d'enfermement semblent devenir plus éducatifs et les bagnes pour enfants vont susciter de grandes manifestations. Pour autant, vers le milieu des années 1950, la montée démographique est le signe avant-coureur d'une peur de la jeunesse qualifiée, notamment par Françoise Giroud, de « nouvelle vague ».

Une cinquième période, allant des années 1970 aux années 1980, est marquée par la contestation au sein des écoles et du travail social, suite notamment aux événements de mai 1968. De fortes critiques contre toutes les formes d'institutionnalisation vont laisser le champ libre à des prises en charge alternatives en milieu ouvert.

Une sixième période - qui débute durant les années 1990 et dont il est difficile de dresser le bilan - est marquée par la résurgence d'une peur envers la jeunesse et d'un intérêt accru pour les modes d'enfermement dont le centre éducatif fermé (CEF) est le symbole. Émerge également durant cette période une nouvelle façon d'appréhender la victime qui a subi le préjudice et a droit à la réparation.

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