Dans quelle mesure l'analyse historique peut-elle apporter un éclairage utile pour l'évaluation des politiques contemporaines en matière de réinsertion des mineurs ? L'histoire démontre qu'il n'existe pas de solution miracle, mais permet de dégager des points de repère. Elle remet au centre de la réflexion la question du contexte : comprendre le regard que l'on pose sur ces enfants, sans penser au contexte, conduit à d'immenses contresens. Selon les circonstances sociales, économiques ou politiques, le regard sur la jeunesse en difficulté peut varier dramatiquement.
L'histoire permet de décrypter l'héritage institutionnel : la difficile mise en place des établissements pénitentiaires pour mineurs (EPM), suite au refus des professionnels de la protection judiciaire de la jeunesse d'y être titularisés, s'explique ainsi par l'héritage de l'ordonnance de 1945. Cette résistance a étonné les politiques, alors qu'une approche historique aurait permis d'en identifier l'origine. En 1945, l'éducation surveillée, service relevant de l'administration pénitentiaire, devient une direction autonome du ministère de la justice. Les surveillants deviennent des éducateurs. Ce moment de fondation identitaire de la protection judiciaire de la jeunesse implique un travail à l'extérieur de la prison. Une fois que ces éducateurs se voient demandés de retourner en prison, ils opposent naturellement une résistance, de peur, soixante ans après, de perdre une partie de leur identité professionnelle. L'histoire peut ainsi permettre d'éviter l'amnésie collective et de prévenir certains errements.