Intervention de Maryse Arditi

Commission d'enquête sur le coût réel de l'électricité — Réunion du 16 mai 2012 : 1ère réunion
Audition de Mme Maryse Arditi pilote du réseau énergie de france nature environnement

Maryse Arditi, pilote du réseau énergie de France Nature Environnement :

France Nature Environnement estime que la question qui est au coeur de la problématique énergétique est celle de l'efficacité énergétique et, au-delà, de la réduction de la consommation, avant même la question de l'approvisionnement.

L'efficacité énergétique est un problème difficile aussi bien pour la France que pour l'Europe. Je vous rappelle que, en Europe, l'efficacité énergétique n'est qu'une ardente obligation dans l'objectif « 3x20 » du paquet énergie-climat. Aujourd'hui, on est en train de préparer une directive sur cette question, car on s'est rendu compte que, nulle part, il n'y avait eu d'avancées.

Sur la question de l'électricité, la problématique concerne surtout le résidentiel et le tertiaire. À cet égard, nous avons deux mesures extrêmement importantes, qui n'existent pas encore, à vous proposer.

Premièrement, il faudrait fixer une date à partir de laquelle toute résidence ou tout local tertiaire « passoire », c'est-à-dire mal classé lors du diagnostic de performance énergétique, ne devrait plus pouvoir être loué ou vendu à une date donnée pour un coefficient de performance donné. Par exemple, à partir de 2015 - une date que je cite au hasard, car il faudra prendre le temps nécessaire pour mettre en oeuvre cette mesure -, toute résidence dont le coefficient de performance est G ne pourrait plus, une fois ses occupants partis, être relouée ou vendue. Puis, deux ans après, il en irait de même pour les maisons dont le coefficient de performance serait F.

Le Grenelle de l'environnement avait fixé un objectif de baisse de 38 % sur l'existant à l'horizon de 2020. Or nous en sommes très loin ! Nous n'y arriverons pas si nous laissons au seul marché libre le soin d'essayer d'atteindre cet objectif : des mesures réglementaires doivent être prises. Je reviendrai sur ce point au moment où j'évoquerai les certificats d'économie d'énergie.

Deuxièmement, pour aller vers une société de la sobriété, il faut absolument arrêter de penser que plus on consomme, moins un produit est vendu cher. À l'heure actuelle, si vous achetez un bien, il coûte un certain prix ; mais si vous en achetez trois, le prix unitaire diminue. Nous devrions faire exactement l'inverse et instaurer une tarification progressive, comme pour l'électricité et les réseaux : le prix des premiers kilowattheures, qui sont absolument nécessaires, doit être accessible à tous, mais il doit augmenter par paliers au fur et à mesure de l'accroissement de la consommation.

Toutefois, il faudra éviter les effets pervers d'un tel dispositif. Une personne qui n'a pu louer qu'une maison « passoire » ne doit pas être fortement impactée. De nombreux détails techniques et sociaux devront être étudiés de près.

Il est donc absolument essentiel de procéder à une rénovation massive - à cette fin, une réglementation est nécessaire - et de changer nos mentalités - plus je consomme, plus je paye, et non l'inverse.

Deux éléments essentiels expliquent nos difficultés à améliorer l'efficacité énergétique : il s'agit du moment de la décision et du choix de la décision, qui me conduira à évoquer les certificats d'économie d'énergie.

S'agissant du moment de la décision, quand l'énergie n'est pas chère, réaliser des économies n'est pas une préoccupation. On se dit que l'investissement sera peu rentable, qu'il faudra attendre vingt-cinq ans pour l'amortir et on y renonce. A contrario, quand le prix de l'électricité, ou de l'énergie en général, a triplé, on estime que l'investissement vaut la peine. Mais comme les coûts énergétiques ont beaucoup augmenté, le particulier ou l'entrepreneur n'a plus les moyens d'investir.

Ainsi, les économies d'énergie sont plus faciles à faire au moment où elles apparaissent peu rentables. Dans notre système économique, cette idée est dure à faire passer.

S'agissant du choix de la mesure, on veut faire ce qui est le plus rentable. Mais quand on regarde ce qui s'est passé pour les certificats d'économie d'énergie, on voit que plus des deux tiers d'entre eux ont été des changements de chaudière dans des maisons « passoires », qui consommaient beaucoup d'énergie. On investit dans une chaudière plus performante, rapidement rentable. Mais si on décide quelques années plus tard d'isoler réellement son habitation, il faudra à nouveau changer la chaudière, qui s'avérera surdimensionnée et donc inadaptée au logement. L'effet pervers de la décision initiale aura été de chercher une rentabilité immédiate.

Un quart des opérations a consisté à mettre du double vitrage : c'est une décision stupide. Certes, pour les femmes qui, comme moi, passent du temps dans leur cuisine, le double vitrage permet d'éviter le ruissellement sur les fenêtres. Mais, du point de vue des économies d'énergie, cette mesure est totalement inintéressante et la rentabilité est absolument nulle rapportée à l'investissement. Pour les certificats d'économie d'énergie, les obligés - ils portent bien leur nom ! - ont dû, et ils l'ont fait à reculons, inciter leurs clients à faire des économies d'énergie pour éviter de payer 2 centimes d'euros de pénalité. Les résultats ne sont pas très probants à ce jour.

Je souhaite également relever un autre point qui me paraît très important. Pour vous, mesdames, messieurs les sénateurs, qui êtes des spécialistes, le kilowattheure cumac ou le térawattheure cumac n'a aucun secret, mais cela ne signifie pas grand-chose pour le grand public. Aussi la mention « cumac » disparaît-elle souvent. Lorsqu'on parle de 60 térawattheures d'économies d'énergie en quatre ans et demi, on estime que ce résultat est satisfaisant. Mais pour passer des térawattheures cumac aux térawattheures « normaux », il faut diviser par dix environ, ce qui ne donne au final que 6 térawattheures d'économies d'énergie en trois ans. À ce rythme-là, nous n'aurons rien fait à l'horizon de 2050 !

Il faut absolument changer de braquet et faire attention à l'effet pervers engendré par l'omission de la mention « cumac ». J'ai même lu des articles dans des revues sur l'énergie, y compris dans des revues de qualité, dans lesquels figurait cette erreur. Quand on entend dire que l'objectif de baisse est de 300 térawattheures en trois ans, toutes énergies comprises, cela revient en réalité à 30 térawattheures, soit 10 par an. Avec ces chiffres, on se situe dans des zones plus que raisonnables, et même bien trop faibles.

Puisque le temps de mon intervention est compté, je ne m'attarderai pas sur les aides fiscales. La précarité énergétique est un problème considérable. Il ne faut pas attendre dans un fauteuil que les choses bougent.

En 1981-1982, une expérience intéressante a été menée avec la création de l'Agence française pour la maîtrise de l'énergie, qui est l'ancêtre de l'ADEME. L'État a mis sur la table un pactole de 2 milliards de francs et a donné dix-huit mois à l'agence pour lever cinq fois le montant de cette somme en travaux dans toute la France. L'agence devait non pas se contenter d'attendre qu'on vienne la voir, mais elle devait tout mettre en oeuvre pour que, dans le laps de temps qui lui était imparti, l'ensemble des travaux soient engagés. Voilà une véritable volonté politique !

Dans le domaine de l'efficacité énergétique, contrairement à beaucoup d'autres, ce n'est pas la technique qui pilote, mais le politique. S'il y a une volonté politique, les choses avancent.

Avant de passer à la question suivante, je voudrais évoquer le LDD, le livret développement durable. C'est une arnaque ! Il a succédé au livret CODEVI, destiné aux PMI-PME. Normalement, le LDD aurait dû permettre de lever 9,2 milliards d'euros pour réaliser des économies d'énergie, dans une optique de développement durable. En réalité, seuls 2,7 milliards d'euros ont été prêtés. Les banques ont gardé le reste, alors qu'elles auraient dû obligatoirement déposer ce qui n'avait pas été prêté à la Caisse des dépôts et consignations. En tant que citoyen, je trouve qu'il est choquant que mon livret « développement durable » ne serve pas au développement durable ! Soit on change son appellation, soit on garde un CODEVI et on fait à côté un véritable livret de développement durable, même moins important, mais qui ne puisse être utilisé qu'à cette fin et dont l'objet ne puisse donc pas être détourné.

Mesdames, Messieurs les sénateurs, vous connaissez certainement la position de France Nature Environnement sur le chauffage électrique. Je voudrais rappeler en quelques mots les raisons pour lesquelles la France en est arrivée à une situation unique en Europe et même dans le monde : à chaque vague de froid, notre pays représente à lui seul la moitié de l'appel supplémentaire de puissance dans l'Europe des Vingt-Sept ! Les autres pays - je pense particulièrement à l'Allemagne - peuvent nous envoyer sans problème de l'énergie. Nous, nous ne savons pas faire.

Le programme qui a été engagé était complètement surdimensionné. À aucun moment, les citoyens ou les parlementaires n'ont été consultés. On a engagé la France dans le « tout nucléaire » sans jamais avoir recueilli le moindre avis. La seule fois où les parlementaires ont été consultés, c'est lorsqu'il a fallu gérer les déchets nucléaires. Là, le gouvernement ne pouvait faire face seul aux fourches des paysans vendéens. Il avait besoin d'une légitimité supplémentaire et il s'est dit que la question des déchets nucléaires était bonne pour les parlementaires. Je suis désolée de vous dire les choses comme cela, mais ce « péché originel » permet peut-être de comprendre pourquoi les associations sont réticentes à la concertation dans ce domaine.

Le surdimensionnement a été tel que, à partir de 1984, on a arrêté de subventionner les économies d'énergie, comme cela avait été le cas entre 1981 et 1983, au profit du transfert du pétrole à l'électricité. Six centrales étaient construites chaque année, mais la consommation en France n'était pas suffisante.

Pour consommer toute cette électricité supplémentaire, il n'y avait pas d'autre solution que d'entrer sur le marché du chauffage. À l'époque, EDF a réussi à obtenir une loi absolument incroyable qui autorisait la construction d'habitations sans conduit de fumée. Lorsque vous achetez une maison individuelle sur catalogue, l'installation d'un conduit de fumée coûte cher. Si vous n'en mettez pas, et que vous installez à la place un grille-pain, c'est-à-dire un radiateur électrique, dans chaque pièce, la maison vous coûte beaucoup moins cher. C'est d'ailleurs un argument de vente qui a été très utilisé, mais les vendeurs omettaient de préciser aux acheteurs que cela leur coûterait beaucoup plus cher après pour se chauffer...

Ainsi, pendant une vingtaine d'années, des maisons ont été construites sans conduit de fumée. En installer un maintenant coûte très cher.

Dernier point, le plus scandaleux, en 1990-1991, EDF a fait de la publicité pour inciter à laisser le chauffage électrique allumé même lorsqu'on n'est pas chez soi, afin d'éviter d'avoir à chauffer plus à son retour ! Cela montre bien qu'il est tout à fait possible de faire de la publicité mensongère dans notre pays... Comme EDF ne savait plus quoi faire de l'électricité produite, elle a commencé à l'exporter à partir de 1992. Il lui fallait absolument trouver d'autres clients, car elle ne pouvait pas faire « manger » toute cette électricité aux Français. Voilà comment nous en sommes arrivés là.

Selon nous, l'électricité, qui est une énergie noble, qui demande beaucoup d'efforts, ne doit pas être gaspillée en chaleur. On ne doit l'utiliser que pour des besoins spécifiques, les ordinateurs et l'éclairage notamment, pour lesquels elle est indispensable, ou pour des systèmes industriels très performants. Ainsi, pour les osmoses inverses, l'électricité est dix fois plus économique que la chaleur.

Nous avons un réel besoin d'électricité, mais compte tenu de ce que nous perdons à la produire, elle doit être utilisée à bon escient.

Vous m'avez interrogée sur les centrales existantes. Vous le savez, France Nature Environnement pense qu'il faut évidemment en sortir le plus rapidement possible. La prolongation des centrales est inéluctable : prévues pour durer trente ans - Fessenheim a déjà trente-trois ans -, on voit bien que leur durée de vie sera prolongée jusqu'au moins quarante ans. L'Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs, qui réceptionne les inventaires des déchets, a retenu comme hypothèse une durée de fonctionnement de cinquante ans ; quant à EDF, elle prépare des centrales dont la durée de vie serait de soixante ans.

C'est le pari de Pascal : Dieu existe ou il n'existe pas ; l'accident surviendra ou ne surviendra pas. Je vous rappelle qu'il n'y a que quatre grands pays nucléaires au monde : les États-Unis, la Russie, le Japon et la France. Les trois premiers ont connu un accident gravissime. À qui le tour ?

Le rapport Rasmussen de 1973 avait estimé le risque d'accident nucléaire gravissime, comme une fusion de coeur, à un par million d'années réacteur. Nous en sommes à 15 000 années réacteur et cinq coeurs de réacteurs ont déjà été gravement atteints, ce qui donne un nombre d'accidents 200 fois plus élevé que la probabilité envisagée dans le rapport.

Je vous rappelle que le nucléaire n'assure pas ses risques. Pour Tchernobyl comme pour Fukushima - et il en sera de même en France si un accident survient -, ce sont les citoyens et l'État qui payent. EDF est assurée pour chaque accident à hauteur de 91 millions d'euros. En comparaison, Tchernobyl a coûté des centaines de milliards de dollars et, pour Fukushima, le coût avoisine déjà les 100 milliards de dollars. Et encore, ce n'est pas terminé ! La facture ne cesse de croître. On doit donc bien comprendre que l'on n'est pas assuré.

Le risque est pris par un exploitant, EDF, qui a le pouvoir de décision et qui gère ses centrales, mais EDF n'est pas un exploitant comme les autres. Le patron d'EDF, c'est l'État, donc c'est vous ! Si l'on voit bien les bénéfices engrangés par EDF, il faut aussi mesurer les risques qui seront supportés par les citoyens.

Il faut donc sortir assez vite du nucléaire. On ne peut guère envisager moins de quarante ans, mais entre quarante ans et quarante-cinq ans, il faut les arrêter. Après, ce n'est pas possible.

Vous m'avez demandé s'il fallait investir dans une nouvelle génération de réacteurs. Nous sommes aujourd'hui à un carrefour. La France ne mènera pas les deux de front : soit on s'oriente vers du nucléaire de quatrième génération pour une nouvelle période de soixante ans, soit on choisit les énergies renouvelables, lesquelles sont parfaitement capables de produire largement autant, surtout dans le temps. Mais on ne fera pas les deux ! La preuve en est : c'est parce que nous produisons beaucoup d'électricité d'origine nucléaire - on en vend même aux autres pays ! - que nous n'avons pas vu l'intérêt de nous lancer, contrairement aux autres, dans les énergies renouvelables.

Je voudrais maintenant évoquer la question des coûts.

À la lecture des rapports de la Cour des comptes, celui de 2005 sur le démantèlement des installations nucléaires et la gestion des déchets radioactifs et le rapport récent, une chose m'a fait sursauter : le coût du démantèlement, évalué à 300 euros par kilowatt après actualisation du chiffre de la commission PÉON. D'autres personnes ont dû vous l'expliquer en détail, on estimait, à l'époque, que le démantèlement représenterait 15 % de l'investissement, ce qui, une fois réactualisé, a donné le chiffre de 300 euros par kilowatt.

Pour Brennilis, on peut évaluer le coût total puisque la moitié du démantèlement a déjà été effectuée. Estimé à 20 millions d'euros par la commission PÉON, ce coût atteint déjà 482 millions d'euros, autant dire 500 millions d'euros ! En l'espèce, le coût est donc vingt fois plus élevé que prévu. Malgré tout, selon la Cour des comptes, « parmi ces coûts, les dépenses de démantèlement, c'est-à-dire les dépenses de « démolition » des centrales, sont estimées aujourd'hui à 18,4 milliards d'euros 2010, en charges brutes, pour le démantèlement des 58 réacteurs du parc actuel. » On en revient aux 300 euros par kilowatt, c'est-à-dire une broutille...

« La Cour considère que les méthodes utilisées par EDF pour ce calcul sont pertinentes mais ne peut pas en valider les paramètres techniques, en l'absence d'études approfondies par des experts. » Pour moi, ces méthodes ne sont pas pertinentes !

À la demande de France Nature Environnement, et plus particulièrement à ma demande, les associations ont pu avoir une journée de formation sur le démantèlement. Nous sentons bien qu'il s'agit d'une problématique émergente forte, non pas pour les 58 réacteurs actuels, mais pour ceux qui sont déjà arrêtés. Les centrales UNGG, uranium naturel graphite gaz, sont « vaguement » stoppées : le combustible a été retiré, et on ne sait pas quoi en faire. Nous voulions savoir ce qu'il allait advenir de ces centrales. L'Autorité de sûreté nucléaire a organisé une journée de formation pendant laquelle EDF, Areva et le CEA sont venus nous informer de ce qui avait été fait.

Lors de cette journée, EDF nous a donné un tableau avec les pourcentages - 15 %, 18 %, 22 % - pour chacune des UNGG. Si les dépenses futures sont toujours aléatoires, les dépenses passées sont connues. J'ai donc demandé s'il était possible de connaître le montant des dépenses déjà effectuées pour chacune de ces centrales. Si le pourcentage est de 15 % et que le coût nous était communiqué, il suffisait ensuite de faire la multiplication. Mais on m'a répondu que ces informations étaient secrètes. Et pourtant, nous parlons là de dépenses passées... Devant mon étonnement, on m'a expliqué qu'il s'agissait d'une opération commerciale. Un appel d'offres, c'est top secret ! Celui qui le remporte dépense ce qu'il veut - le moins possible, mais c'est son problème ; on contrôle simplement qu'il a bien fait ce qu'il devait faire.

Aujourd'hui, nous disposons d'un tableau des centrales UNGG, avec des pourcentages compris entre 10 % et 20 %, sans qu'on puisse avoir une idée des montants auxquels cela correspond. Avec un coût vingt fois supérieur aux prévisions, Brennilis est peut-être un cas particulier ; pour les autres, le rapport ne sera que de 1 à 5 ou de 1 à 10, mais j'aimerais connaître les chiffres.

Le démantèlement est véritablement le point faible. Le Conseil supérieur de la prévention des risques technologiques, qui ne s'intéressait jusqu'en décembre dernier qu'aux risques industriels, chimiques et pétrochimiques et aux installations classées pour la protection de l'environnement est désormais compétent également en matière nucléaire.

Les arrêtés relatifs au nucléaire seront examinés par ce conseil. Un arrêté important est actuellement en préparation ; il sera relatif aux nouvelles installations nucléaires de base, comme Flamanville et, si cela se fait, Penly. Il tend à prévoir qu'un plan de démantèlement doit être présenté dans la demande de permis de construire et d'exploitation, afin d'anticiper l'arrêt de l'installation.

Nous avons indiqué notre satisfaction qu'une telle disposition soit applicable, le cas échéant, aux prochaines centrales. On aurait pu prévoir qu'un plan de démantèlement soit aussi exigé pour les 58 centrales en fonctionnement, qui n'en ont pas. Mais on n'a pas réussi à faire intégrer cette donnée dans l'arrêté. Pour ces réacteurs, comment voulez-vous évaluer le coût alors qu'il n'y a pas de plan de démantèlement ?

Enfin, je ne suis certainement pas la première à vous le dire, en matière de nucléaire, on suit une courbe de désapprentissage. Normalement, au fur et à mesure qu'une technique se développe, les coûts baissent. Mais, pour le nucléaire, depuis les premiers réacteurs jusqu'à aujourd'hui, les coûts d'investissement, c'est-à-dire les coûts de préparation du réacteur nucléaire, n'ont fait qu'augmenter. Les coûts des énergies renouvelables sont, quant à eux, en baisse. Dans peu de temps, les courbes vont se croiser.

Sur l'augmentation des coûts, je vous rappelle que, dans le dossier Flamanville, EDF prévoyait un coût de 42 euros par mégawattheure, un coût plus élevé qui s'expliquait par le fait qu'il s'agissait d'une nouvelle centrale. Quand EDF a déposé le dossier Penly, seulement cinq ans plus tard, le coût aurait dû diminuer puisque c'était la deuxième centrale, « rodée » après la première ; or il est passé à 55-60 euros par kilowattheure. Aujourd'hui, on sait que ce coût sera plutôt de l'ordre de 70-80 euros par kilowattheure avec le dérapage complet des coûts de l'investissement, qui ont tout de même doublé, passant de 3 milliards d'euros à 6 milliards d'euros. Il n'est pas certain qu'on arrive même au bout. Je ne sais pas si vous avez lu Le Canard enchaîné : je ne voudrais pas pour ma maison de leur béton à trous !

La quatrième question que vous m'avez adressée porte sur les énergies renouvelables. Quelle part résiduelle de nos besoins les énergies renouvelables pourraient-elles assurer ? Cela dépend de l'horizon temporel que l'on se fixe : 80 % en 2050 et la totalité en 2100.

Il faut garder à l'esprit que le flux solaire et ses dérivés - le vent, l'hydraulique, etc., c'est-à-dire tout sauf la géothermie - représentent chaque année en énergie 5 000 fois la consommation de toute l'espèce humaine. Si l'on arrivait un jour à n'en valoriser que 1 %o, on pourrait garantir la pléthore énergétique à l'ensemble de la planète sans que cela ait le moindre impact.

Avant de détailler les dispositifs actuels de soutien aux filières, je veux m'attarder un instant sur 2010, qui a été une année noire pour France Nature Environnement. Je rappelle quatre décisions qui ont été prises : au mois de mars a eu lieu le lancement des autorisations d'exploration des gaz de schiste ; entre avril et juillet a été organisé un débat public sur le second EPR ; au mois de juillet, les éoliennes sont entrées dans les installations classées pour la protection de l'environnement à autorisation, c'est-à-dire parmi les 50 000 usines les plus dangereuses de France ; au mois de décembre a été instauré un moratoire sur le photovoltaïque.

On peut résumer ces quatre mesures ainsi : une pour soutenir les fossiles, une pour soutenir le nucléaire, une pour plomber l'éolien, une pour plomber le photovoltaïque. Vous analysez cela comme vous voulez. Je me contente de relater les faits.

Pour soutenir les filières, seul fonctionne réellement le tarif de rachat garanti. Les appels d'offres peuvent fonctionner - je dis bien « peuvent », car je ne suis pas sûre - pour de très gros projets, l'éolien en mer par exemple. Je rappelle qu'en 2004 un appel d'offres a été lancé pour l'éolien en mer ; le concours a été réussi, un exploitant a été retenu, mais rien n'a été construit.

Lorsque le Gouvernement a désigné les gagnants des quatre concours, il leur a bien précisé qu'il leur faudrait mener la procédure administrative à son terme. Or il n'est pas dit qu'ils puissent y parvenir.

L'appel d'offres présente l'intérêt de garantir qu'il ne sera pas construit davantage que ce qui a été décidé. En revanche, il peut être construit beaucoup moins, voire rien du tout.

En 1995, quand l'industrie éolienne a démarré, l'objectif fixé était de 50 mégawatts par an jusqu'en 2005. En 2001, c'est-à-dire six ans après, 60 mégawatts avaient été produits. On a compris que l'on ne ferait jamais d'éolien. Recourir aux appels d'offres, c'est, en gros, le moyen de ne pas en faire trop. C'est pourquoi nous y sommes opposés : cela ne marche pas.

Arrêtons-nous un instant sur la filière éolienne. Je n'ai pas le temps de détailler, mais il s'agit d'une filière sur-réglementée. Dans aucun autre pays au monde, il n'existe une réglementation aussi invraisemblable, alors qu'il s'agit d'une filière qui n'est tout de même pas si dangereuse que cela ; c'est véritablement hallucinant ! La loi Grenelle II, malgré toute la bonne volonté du législateur, en a rajouté en créant les schémas régionaux éoliens. Les services de l'État ont alors décidé d'attendre que ces schémas soient élaborés pour commencer à instruire les dossiers.

Puis ont été instaurées les ICPE que l'on n'a pas osé classer « Seveso », mais presque ! On se demande pourtant quels sont les risques... Je vous rappelle qu'un membre de la mission d'information commune sur l'énergie éolienne, dont le nom m'échappe - c'était le mari du ministre de la défense d'alors -, était fortement anti-éolien, mais s'était prononcé contre les ICPE.

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