Intervention de Frédéric de Maneville

Commission d'enquête sur le coût réel de l'électricité — Réunion du 16 mai 2012 : 1ère réunion
Audition de Mm. Luc Poyer président du directoire d'e.on france olivier puit directeur général délégué d'alpiq france michel crémieux président d'enel france et frédéric de maneville président de vattenfall france

Frédéric de Maneville, président de Vattenfall France :

Je voudrais à présent faire quelques commentaires sur la CSPE française.

Premièrement, le fait que l'on continue à subventionner de la cogénération gaz dans la CSPE alors qu'il faut aujourd'hui mettre toutes nos forces dans les énergies renouvelables me semble étonnant. D'une manière générale, il faut, à mon sens, qu'on accepte en France de terminer des contrats d'obligation d'achat et de passer sur le marché quand les installations sont amorties sans aller réclamer en permanence des prolongations de situations qui sont en fait des rentes.

Deuxièmement, et là je vous parle plus en tant que consommateur français, on trouve beaucoup de choses très différentes dans la CSPE. Des subventions aux énergies renouvelables au mécanisme de solidarité avec l'outre-mer, ce n'est quand même pas du tout la même nature de choses. Or c'est dans le même paquet. Franchement, le consommateur n'y comprend rien. Par conséquent, si jamais vous pouviez offrir de la lisibilité sur ce sujet, ça ne serait pas mal.

Troisièmement, et mes voisins en ont déjà parlé tout à l'heure, les mécanismes de soutien aux énergies renouvelables, qui sont tous des conséquences du « 3 fois 20 », c'est-à-dire des engagements que tous les États ont pris d'atteindre 20% d'énergies renouvelables, ont pour résultat la création de surcapacités de production en Europe.

Nous avons donc des investissements qui se font dans l'éolien, dans toutes les énergies renouvelables, basés sur des subventions, sur des tarifs de rachat quel que soit l'équilibre offre/demande. Et comme l'Europe est en crise et la demande est plutôt stagnante, voire fléchit légèrement, nous sommes en train de créer en Europe un excès d'offre sur les marchés de l'électricité, ce qui a pour conséquence une chute des prix. Et vous devez le voir, les prix de gros en base viennent de chuter de 55 euros à 50 euros en quelques semaines. Nous le vivons donc tous les jours.

Il y a un déséquilibre en Europe : ces mécanismes, qui ont été très efficaces pour qu'il y ait de l'éolien en France, ont un effet pervers de création d'offre sur un marché de gros qui est censé se réguler tout de même par le prix et qui est censé donner un signal d'investissement. C'est donc un vrai sujet que notre industrie doit traiter.

Autre effet pervers de ce mécanisme, la valeur ou la non-valeur de l'intermittence n'est pas calculée par le marché. À partir du moment où EDF rachète à un opérateur éolien son électricité à 80 euros pendant quinze ans, on est incapable de dire quelle est la valeur ou la perte de valeur liée à l'intermittence, puisqu'il n'y a aucun mécanisme qui la calcule en France.

Et ça, je pense que c'est préjudiciable. C'est notamment préjudiciable parce que ça vient alimenter les anti-éoliens, qui disent : « C'est intermittent, ça ne vaut rien, etc. » Alors que si on était capable d'objectiver la valeur ou la perte de valeur de cette intermittence, cela permettrait d'objectiver cette discussion et de couper court à un certain nombre de fantasmes développés par les anti-éoliens primaires, qui donnent à l'intermittence une valeur ou une non-valeur beaucoup plus grosse que ce qu'elle est en réalité.

Et, dernier point à propos de la CSPE, j'ai calculé, à partir du communiqué de la Commission de régulation de l'énergie, la CRE, que le prix de rachat de l'éolien offshore du premier round, qui a eu lieu très récemment, va être en moyenne à 230 euros le mégawattheure. Je voulais juste attirer votre attention sur le fait que ce prix est élevé et qu'il va peser lourd dans la CSPE. Je crois que nous devrions nous interroger sur le mode de fonctionnement de cet appel d'offres, qui crée intrinsèquement des prix élevés, notamment en ne donnant pas aux candidats le temps de faire des études suffisamment profondes. Ils mettent donc des primes de risque dans leurs prix et, au final, on arrive avec des prix nettement plus élevés que nos voisins au Royaume-Uni. Ce que le Royaume-Uni a fait évoluer de son round one à son round two et à son round three en termes de gouvernance du système d'octroi de concession devrait nous inspirer si on veut contraindre un petit peu ce prix de l'éolien offshore, qui restera tout de même élevé, mais qui n'a pas de raison d'être aussi élevé en France.

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