Intervention de Olivier Puit

Commission d'enquête sur le coût réel de l'électricité — Réunion du 16 mai 2012 : 1ère réunion
Audition de Mm. Luc Poyer président du directoire d'e.on france olivier puit directeur général délégué d'alpiq france michel crémieux président d'enel france et frédéric de maneville président de vattenfall france

Olivier Puit, directeur général délégué d'Alpiq France :

Je commencerai par rebondir sur la question du marché de capacité. Dans le contexte actuel du domaine de l'électricité en France et en Europe de l'Ouest, il est indispensable de transformer un marché qui, aujourd'hui, est purement énergétique en un marché « énergie et capacité ». Faute de quoi, nous risquons d'aller droit dans le mur.

De fait, le panorama a entièrement changé. Nous ne sommes plus simplement en train de décider d'investissements dans de nouveaux moyens de production en fonction d'un merit order fondé sur des données que nous connaissions depuis des dizaines d'années : désormais, nous nous inscrivons dans un marché qui, du fait de l'intermittence de certains moyens de production, est beaucoup plus complexe qu'auparavant, et qui n'offre pas aujourd'hui de rentabilité aux nouveaux moyens de production.

Je serai très clair : aujourd'hui, il est impossible d'investir dans un cycle combiné gaz en France - vous pouvez d'ailleurs dresser la liste des projets actuellement à l'étude sur notre territoire, aucun ne se concrétise, à moins de bénéficier d'une subvention par un biais ou par un autre. Si on veut éviter d'aller dans le mur, il faut véritablement se poser la question de la construction d'un marché de capacité.

Par ailleurs, le projet que nous avons pu étudier, concernant un marché de capacité, et sur lequel l'AFIEG s'est prononcé, n'est pas satisfaisant : il ne répond pas de manière convenable à cette préoccupation, ce qui ne signifie pas que celle-ci n'existe pas et qu'il n'est pas nécessaire d'y faire face !

En ce qui concerne l'effacement, on peut établir ce constat, en quelques mots : aujourd'hui, après plus de trois ans de tarif réglementé transitoire d'ajustement de marché, le TARTAM, après quelques mois d'ARENH, et avant d'entrer en situation de marché, le potentiel d'effacement, qui existe sans doute encore aujourd'hui, est bien moins actif qu'auparavant. Le TARTAM a d'ailleurs contribué à restreindre les possibilités d'effacement, et le mécanisme de l'ARENH, qui n'est pas simple à gérer pour un fournisseur d'électricité, ne facilite pas non plus le développement de l'effacement.

De surcroît, les prix de marché, à savoir la part énergie telle qu'elle est constatée sur le marché de l'électricité, ne s'élèvent pas non plus à des niveaux extraordinairement élevés : on a connu des prix quasiment doubles en la matière il y a un peu plus de trois ans. Partant, il semble d'autant plus difficile d'aller chercher ce potentiel d'effacement.

Alpiq Énergie France est un acteur d'effacement, nous avons conclu des contrats d'effacement avec certains de nos clients, nous sommes par ailleurs le seul fournisseur d'électricité dont RTE a retenu la candidature pour la contractualisation de capacités d'effacement à travers le mécanisme d'ajustement en 2012. Ainsi, c'est un service que nous proposons à nos clients, pour leur permettre de réduire le montant de leurs factures : c'est clairement l'objectif visé.

Je le répète, dans le contexte actuel de l'ARENH, sur lequel, je l'espère, nous aurons le temps de revenir, l'effacement est un service fondamental : de fait, dans ce cadre, l'activité de fournisseur d'électricité a été réduite à la portion congrue. Nous sommes les revendeurs d'un produit fini à prix public, dans des conditions publiques : en la matière, nous n'offrons presque aucune valeur ajoutée, et cette situation ne peut donc pas nous apporter satisfaction. Via l'ARENH, la fonction de fournisseur d'électricité a été dévoyée. Nous tentons donc, en quelque sorte, d'apporter un peu de valeur ajoutée au-delà des 10 % d'électricité que nous fournissons effectivement.

Cet objectif est d'autant plus logique que la loi NOME contient des dispositions incitatives en matière de développement d'offres d'effacement, et tout particulièrement au travers du marché de capacité. À mon sens, dès aujourd'hui, et au-delà de la volonté affirmée par l'ensemble des acteurs de développer cet effacement, il faut se poser concrètement les questions économiques incontournables : aujourd'hui, sommes-nous capables de proposer des solutions d'effacement aux industriels ?

Pour ces derniers, il ne s'agit pas simplement d'arrêter et de redémarrer la production avec toute la souplesse imaginable. L'effacement induit également d'importantes conséquences concernant les process, les carnets de commandes, en matière de flexibilité ; par ailleurs, cette méthode implique des réinvestissements dans des process permettant de gérer l'effacement, qui ont été oubliés depuis le temps de l'effacement des jours de pointe, l'EJP, au début des années 2000.

Pour réinvestir dans l'effacement, ce qui est nécessaire, il faut pouvoir établir un business plan, et donc disposer de projections de prix et de valorisations pour l'avenir. Or, à ce jour, nous ne sommes pas en mesure de proposer de tels services : en effet, nous ne savons pas quel sera le prix de l'énergie dans les années à venir. Nous ne connaissons ni le prix futur de l'ARENH ni les conditions qui seront fixées. Nous ignorons si un marché de capacité sera créé, et, le cas échéant, comment il sera construit.

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