Intervention de Patrick Bore

Mission commune d'information Agences de notation — Réunion du 11 avril 2012 : 1ère réunion
Importance de la notation dans les décisions d'investissement — Table ronde

Photo de Patrick BorePatrick Bore :

Les agences ont connu un grand succès. Tout le monde utilise leurs notations pour mesurer les risques. Il est vrai que les règlements internationaux ont accentué les phénomènes induits, d'autant que les intervenants sur les marchés et les investisseurs achètent des émetteurs en fonction de leur notation, sans examiner eux-mêmes les risques encourus.

Il y a cinq ans, le risque d'Etat dans la zone euro était nul, de même que le risque bancaire. Aujourd'hui, quand vous êtes investisseur, vous ne pouvez plus gérer les dégradations !

Les investisseurs posent toujours les mêmes questions, sur le risque qu'ils prennent sur les émetteurs publics. Les agences ont remplacé la recherche interne que tout investisseur est censé mener et qu'il faut réactiver. Tous les clients professionnels, du fonds de pension nordique à la banque centrale asiatique, qui ont des années de réserves devant eux, ont fixé leurs règles de gestion en fonction du rating : pas de limite pour le triple A, limite pour le double A, pas plus de 5 % pour le A, interdiction ensuite. C'est ainsi que l'Italie a été exclue. Les fonds d'investissement n'achètent plus le marché dans sa globalité. Les règles du rating ne sont pas adaptées aux risques d'État, fondamentalement différents des risques de faillite qu'assument les actionnaires d'une entreprise et qui doivent s'évaluer à long terme. Or prévaut un court-termisme procyclique hors de propos, conçu pour évaluer les risques industriels, y compris bancaires, d'autant que Bâle III change la donne.

Le problème n'est pas que les marchés vendent tel actif dont la note est dégradée, mais d'abord qu'ils cessent d'acheter. Le comportement des investisseurs, assez rationnel malgré tout, a changé : ils regardent la note, non pas tous les jours, mais avant d'acheter et si celle-ci n'est pas suffisante à leurs yeux, ils n'achètent pas. Or ils doivent évaluer non un mouvement de marché, mais un risque sur la durée.

Les émetteurs paient les agences de notation. Est-ce justifié ? Certains États refusent d'être notés par certaines agences. Sont-elles indépendantes ? Dès lors qu'elles deviennent une référence pour tout le monde, il faut changer, réguler. Leur méthode est adaptée pour les risques des entreprises industrielles, évalués rationnellement à partir d'un taux de défaut, correspondant au risque de faillite de l'actionnaire de l'entreprise en défaut de paiement. Il en va tout autrement pour les États, qui peuvent restructurer leur dette : c'est le créancier qui est le premier touché, et non l'actionnaire. Les méthodes des agences de notation sont biaisées, car elles sont fondées sur le principe selon lequel l'actionnaire passe d'abord. Au nom de quoi elles préconisent de réduire les dettes des Etats, de couper leurs dépenses budgétaires.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion