Intervention de André Potocki

Mission d'information Judiciarisation — Réunion du 8 février 2022 à 14h45
Audition de M. André Potocki conseiller honoraire à la cour de cassation ancien juge à la cour européenne des droits de l'homme président de la commission de réflexion sur la « cour de cassation 2030 »

André Potocki, ancien juge à la Cour européenne des droits de l'homme, président de la commission de réflexion sur la « Cour de cassation 2030 » :

Les termes de ce débat, qui ressort souvent dans des joutes politiques, semblent relativement mal compris.

Les engagements internationaux d'un pays, notamment ceux que nous avons souscrits avec la ratification de la Convention européenne des droits de l'homme, ne dépendent pas des catégories juridiques nationales. Cette règle est extrêmement forte. De fait, si tel n'était pas le cas, il en résulterait une complexité absolument terrible : une règle s'appliquerait ou non à l'égard d'un État selon que le texte concerné, dans l'ordre juridique de cet État, est une loi ou la Constitution. Cela créerait donc une inégalité dans l'application de cette norme. Par ailleurs, cela créerait une très forte incitation à constitutionnaliser des règles auxquelles un État tient pour les faire échapper à l'engagement international pris par le pays.

Cela étant, cette question fait l'objet d'un important débat au sein de la Cour, qui est bien consciente de cette difficulté. À l'occasion de l'arrêt Hirst c/ Royaume-Uni, les juges ont ainsi estimé qu'il était fondamental de noter que, dans au moins quatre des États où les détenus n'ont pas le droit de voter - Russie, Arménie, Hongrie, Géorgie -, la privation de ce droit découlait d'une Constitution récemment adoptée.

Peu après cette décision, deux détenus russes ont saisi la CEDH sur ce point. La Russie a immédiatement soulevé une exception d'incompétence en faisant valoir que cette mesure découlait de sa norme fondamentale. Or la Cour a écarté ce motif en estimant, d'une part, qu'il n'existait pas d'exception particulière prévue à l'article 1er de la Convention, laquelle pose le principe de la soumission des États parties à la Convention et, d'autre part, qu'il ne lui revenait pas de contrôler les normes, puisque son rôle consistait à effectuer un contrôle strictement in concreto. Aussi, les juges ont-ils considéré que tout citoyen a le droit de voter, sauf circonstances exceptionnelles à justifier. Dans cette affaire, la CEDH aurait également pu se référer à la Convention de Vienne sur l'interprétation des traités, dont l'article 27 dispose qu'« une partie ne peut invoquer des dispositions de son droit interne comme justifiant la non-exécution d'un traité ».

Vous l'aurez compris, je me garderai bien de donner une réponse explicite à votre question : il me paraît qu'elle transparaît assez nettement de ces explications.

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