Intervention de Françoise Laborde

Réunion du 21 octobre 2009 à 14h30
Débat sur la réforme du lycée

Photo de Françoise LabordeFrançoise Laborde :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’école a pour objectif la réussite de chacun. Elle est au cœur de notre socle républicain et détermine en grande partie l’avenir de notre jeunesse.

Nous disposons en France d’un excellent service public de l’éducation. Cependant, il pâtit aujourd’hui des arbitrages financiers qui lui sont imposés par le Gouvernement.

Les crédits de la mission « Enseignement scolaire » votés dans le budget pour 2009, même s’ils étaient en légère augmentation par rapport à 2008, ont encore une fois été insuffisants.

Vous nous promettez, monsieur le ministre, la réforme des lycées, la réforme de l’enseignement professionnel, la réforme du recrutement des enseignants et des instituts universitaires de formation des maîtres, ou IUFM, la refonte de l’école primaire autour de nouveaux programmes et de nouveaux horaires, l’accueil des jeunes enfants, et j’en passe… C’est très beau, mais il faudra y mettre la forme et, surtout, les moyens !

Dans ce contexte de réforme, il est impensable de continuer à supprimer des postes comme le Gouvernement s’entête à le faire. Les enseignants doivent être remplacés, des personnels accompagnants recrutés et formés, sans oublier des surveillants, des médecins, des psychologues, des infirmières scolaires et des personnels auxiliaires de vie scolaire, ou AVS, spécialisés pour la scolarisation d’élèves handicapés.

J’en viens au cœur du sujet qui nous réunit aujourd’hui. Le taux élevé d’échec ou d’abandon des étudiants inscrits en licence suffit à lui seul à expliquer l’extrême urgence du débat consacré au lycée.

La réforme de la classe de seconde, proposée à l’automne dernier par votre prédécesseur, monsieur le ministre, avait suscité une levée de boucliers, unanime et justifiée. Face à cette contestation, vous avez décidé de reporter une réforme bâclée. Lors de la discussion budgétaire, je m’étais d’ailleurs émue de la dramatique situation de blocage déclenchée par la précipitation du Gouvernement.

sur un sujet d’une telle importance, l’intervention du Parlement est devenue nécessaire. En effet, si la matière est essentiellement réglementaire, la représentation nationale ne peut rester à l’écart. Il est dommage que le débat arrive au Sénat après l’annonce du Président de la République.

Depuis cette crise, une concertation sur la réforme globale du baccalauréat et du lycée, de la seconde à la terminale, a été menée. Des missions se sont déplacées sur le terrain pour rencontrer les différents acteurs concernés – syndicats d’enseignants, lycéens, etc. – et elles ont publié leurs conclusions. Richard Descoings a remis son rapport au Gouvernement, Benoist Apparu a rendu celui dont il était chargé lorsqu’il était encore membre de l’Assemblée nationale.

Leurs propositions respectives, parfois concordantes, méritaient d’être retenues dans la réforme présentée le 13 octobre dernier : reconnaître le droit à l’erreur et assurer davantage de flexibilité dans l’orientation, lutter contre l’élitisme de certaines filières du baccalauréat, assurer un accompagnement personnalisé des élèves, améliorer l’enseignement des langues vivantes, valoriser la culture et aider les élèves à conquérir leur autonomie.

Je souhaite revenir aujourd’hui sur le point qui me semble fondamental : l’orientation des élèves.

Elle est presque toujours vécue comme extrêmement complexe, anxiogène, tardive et cloisonnée. Nous sommes dans une logique de filières hiérarchisées et ne prenant quasiment pas en compte, ou très mal, la perspective de l’insertion professionnelle. Les premières victimes de cette « culture de la désorientation » sont les enfants des milieux les moins favorisés.

Pour remédier à cette situation, il faut absolument introduire de la souplesse dans l’orientation et améliorer l’information des élèves et des parents, avant le collège. En effet, les premiers choix d’orientation décisifs se font dès la classe de troisième pour les élèves de seconde générale ou technologique, qui doivent choisir une ou plusieurs options, ainsi que pour les élèves orientés en seconde professionnelle.

Il serait donc intéressant de mettre en place une présentation uniforme et systématique des différentes voies de formation et de leurs débouchés, et ce, j’y insiste, le plus tôt possible.

Les journées de découverte, les rencontres ou le développement de stages avec tutorat, participeront à l’amélioration de l’orientation, à la meilleure intégration professionnelle de nos enfants et donc à la réussite de toute une classe d’âge.

Un élève qui envisagerait de changer de voie ou ne réussirait pas dans la filière choisie doit pouvoir être, d’abord, bien conseillé et, ensuite, accompagné. Il est donc impératif de développer davantage de passerelles entre les filières générales, les filières professionnelles et les entreprises.

Enfin, je m’interroge sur la place consacrée à l’art et à la culture au sein du lycée, en ce qui concerne tant les enseignements que la mise en place de nouveaux modes de diffusion de l’art. Je voudrais notamment être certaine qu’il y aura une véritable concertation entre le ministère de la culture et le ministère de l’éducation nationale sur la mise en commun des moyens et des programmes. Mme Catherine Morin-Desailly et M. Ivan Renar ont déjà évoqué ce thème, dont nous débattrons plus précisément la semaine prochaine.

Le sujet de cette réforme est vaste et le temps restreint de ce débat ne me permet pas d’en aborder tous les aspects, mais je forme le vœu que le Parlement soit de nouveau amené à en débattre dans un avenir très proche, notamment grâce aux procédures de contrôle dont nous disposons désormais.

Monsieur le ministre, les six grands axes de votre projet ne peuvent, sur le fond, que faire l’unanimité. Nous sommes tous d’accord pour dire que la réforme est nécessaire. Pourtant, mettre en œuvre les moyens pour atteindre ces objectifs d’ici à la rentrée 2010 me semble illusoire et je doute que le Gouvernement y consacre les fonds nécessaires. J’espère me tromper ! Mais nous aurons très vite l’occasion d’en avoir le cœur net, lors du prochain débat budgétaire.

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