Intervention de Philippe Bonnecarrere

Mission d'information Judiciarisation — Réunion du 8 février 2022 à 14h45
Audition de M. Didier-Roland Tabuteau vice-président du conseil d'état

Photo de Philippe BonnecarrerePhilippe Bonnecarrere, rapporteur :

Monsieur le vice-président, vous vous en doutez, notre objectif n'est absolument pas de poser un diagnostic sombre de la situation, mais d'essayer de faire des propositions pour améliorer l'État de droit.

Dans son rapport sur l'avenir de la Cour de cassation, la commission de réflexion sur la « Cour de cassation 2030 » a reconnu qu'en produisant des normes juridiques, le juge jouait un certain rôle politique.

D'une certaine manière, ne serait-il pas plus simple et plus sain que le juge admette que, dans le cadre de son action, qui consiste à créer des normes, il exerce une forme d'action politique ? S'il l'admettait, il serait plus simple de fixer des limites à l'exercice et de définir la manière dont il doit s'autolimiter, en tenant compte de l'intégrité intellectuelle dont il doit faire preuve au quotidien. Partagez-vous ce point de vue ?

Sur la question de la lutte contre le changement climatique, comme vous l'avez indiqué, la Cour des Pays-Bas et la Cour de Karlsruhe ont adopté une position plus audacieuse, si je puis m'exprimer ainsi, que le Conseil d'État. À l'inverse, certains juges aux États-Unis ont considéré que le rôle du juge devait rester plus limité et que c'est à l'exécutif et au législatif de définir une politique qui repose sur l'appréciation d'un bilan coût-bénéfices.

Pour ce qui est de la France, je citerai moi aussi l'arrêt du Conseil d'État, Commune de Grande-Synthe, qui a beaucoup fait parler. L'exécutif a pu avoir le sentiment qu'on lui imposait le tempo de ses réformes, surtout que le texte législatif auquel le Conseil faisait référence était une loi de programmation. Se posait donc aussi la question de la valeur normative que l'on tire de ce type spécifique de loi.

Pour terminer, j'aimerais évoquer la faisabilité de l'action publique à l'issue des contrôles juridictionnels en matière d'immigration. Au risque d'être un peu caricatural, notre pays dépense 2 milliards d'euros pour garantir la conformité de son action juridique, mais ne dispose pas des moyens de protéger ses frontières.

Se pose dès lors la question de l'efficacité de notre action publique. Ne considérez-vous pas que la préservation de la norme et, donc, la capacité de notre système à produire des normes nuisent à notre capacité d'agir efficacement ? Ne pensez-vous pas que le citoyen peut se poser légitimement cette question ? À travers cette interrogation, c'est évidemment la question de l'affaiblissement du rôle du Parlement que je soulève.

Quelles solutions préconisez-vous pour améliorer la situation et parvenir à un meilleur dialogue entre le Parlement et les juges, entre la société civile et les juges, dans le respect, bien entendu, de l'indépendance des juges ?

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