Quand vous parlez de « rôle politique du juge », encore faut-il s'entendre sur le sens de l'adjectif « politique ».
Lorsque le juge règle une question qui n'est pas encore tranchée, il procède à une construction, une « création » jurisprudentielle qui devient une règle de fonctionnement de la vie en société. Je ne le nie pas. Mais, ce faisant, il essaye d'interpréter les normes applicables de la façon la plus rigoureuse possible, en respectant l'intention de leurs auteurs.
Étymologiquement, il joue sans aucun doute un rôle « politique ». En revanche, j'ai davantage de réticences à qualifier ainsi le rôle du juge dans le sens plus courant du terme.
Dans l'arrêt Commune de Grande-Synthe, le juge ne s'est pas appuyé seulement sur l'accord de Paris, mais aussi sur des dispositions législatives et réglementaires très précises. Le juge français est donc allé moins loin que certains de ses homologues européens dans la création jurisprudentielle, me semble-t-il.
Sur la question du droit des étrangers, le juge s'efforce également d'appliquer les règles en vigueur, en interprétant le plus fidèlement possible la volonté de leurs auteurs. S'il allait au-delà, pour des raisons de « politique générale », il sortirait de son office. Conformément au principe de séparation des pouvoirs, ce n'est pas au juge de modifier la règle, mais d'appliquer les textes tels qu'ils sont rédigés.