Si vous le voulez bien, je reviendrai par la suite sur cette affaire.
Plus rarement, le juge est amené à procéder à de véritables constructions prétoriennes, généralement pour combler un vide juridique.
Il peut le faire pour assurer une plus grande sécurité juridique. Dans sa jurisprudence Danthony, le Conseil d'État a ainsi décidé de neutraliser les effets de certains vices de procédure véniels. Et dans sa jurisprudence Czabaj, il a jugé que les situations juridiques acquises ne pouvaient plus être remises en cause au-delà d'un délai d'un an, même si la décision attaquée n'avait pas été impeccablement notifiée.
Il peut aussi le faire pour colmater provisoirement une brèche juridique. En 2021, une société de télécoms estimait que le refus d'autorisation qui lui était opposé, fondé sur l'origine de certains équipements destinés au déploiement de la 5G, portait atteinte à ses intérêts économiques et était contraire au droit européen. De fait, certaines dispositions de la loi française ne collaient pas avec le droit européen. Mais plutôt que d'écarter la loi française, nous avons choisi d'appliquer dans ce cas le principe de responsabilité pour dommage grave et spécial. Le dispositif législatif a été préservé, tout en reconnaissant aux intéressés un droit à indemnisation.
En 2019, nous avions également relevé une contrariété entre le droit français et la directive Accueil de 2013. Nous n'avons pas prévu d'application différée dans le temps, car nous ne le faisons pas pour la mise en oeuvre du droit européen, sauf nécessité impérieuse, mais nous avons construit de façon prétorienne un dispositif permettant à l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), dans certaines conditions, de suspendre les conditions matérielles d'accueil des demandeurs d'asile, dans l'attente d'une intervention du législateur, qui a eu lieu depuis.