Intervention de Christophe Chantepy

Mission d'information Judiciarisation — Réunion du 8 février 2022 à 14h45
Audition de M. Didier-Roland Tabuteau vice-président du conseil d'état

Christophe Chantepy, président de la section du contentieux du Conseil d'État :

Le juge administratif est amené à contrôler différents éléments de la légalité d'une décision. Certaines illégalités peuvent sauter aux yeux, lorsque la décision est fondée sur des faits inexacts ou que son auteur a commis une erreur de droit grossière.

Mais le juge administratif contrôle également l'appréciation portée par l'administration sur une situation de fait au regard du droit, notamment dans le cadre du contrôle de l'erreur manifeste d'appréciation.

Le juge opère quotidiennement ce type de contrôle lors de l'examen des recours en excès de pouvoir. C'est le cas par exemple lorsqu'il censure les dispositions d'un plan local d'urbanisme (PLU) en cas de discordance entre le rapport de présentation et sa partie réglementaire, et personne ne semble le contester.

C'est exactement le même raisonnement s'agissant du décret relatif à l'assurance chômage. L'ordonnance de référé du Conseil d'État du 22 juin 2021 est très longue, et certains points n'ont guère été relevés. Je pense en particulier au point n° 21, qui rappelle que, pour atteindre l'objectif d'intérêt général de stabilité de l'emploi, le pouvoir réglementaire dispose d'un large pouvoir d'appréciation des moyens qu'il entend mettre en oeuvre.

L'objectif affiché par le Gouvernement était toutefois de lutter contre la succession trop rapide de contrats courts et de privilégier le recours aux contrats à durée indéterminée (CDI). À la date choisie pour l'entrée en vigueur de la réforme, le 1er juillet 2020, la situation de l'emploi était encore incertaine, même si les prévisions commençaient à laisser entrevoir une embellie. De plus, les études économiques montraient que le frémissement de l'emploi se ferait surtout dans les secteurs qui avaient le plus recours aux contrats courts, à savoir la restauration, le tourisme ou l'hôtellerie. Dans ces conditions, il apparaissait difficile de justifier la mise en oeuvre, dès le 1er juillet, de la réduction des indemnités chômage dans l'objectif de lutter contre la « permittence ».

Trois mois après, lorsque le Gouvernement prenait un nouveau décret pour faire entrer en vigueur cette fois la réforme au 1er octobre, saisi par les mêmes requérants des mêmes moyens, le juge a estimé que, compte tenu de l'amélioration notable de la situation de l'emploi, il n'y avait plus de problème d'adéquation entre l'objectif fixé par le Gouvernement et la mesure qui consistait à moins bien indemniser les chômeurs ayant connu une carrière « hachée » pendant la période de référence.

Dans les deux cas, il s'agit bien d'un raisonnement en droit, fondé sur l'erreur manifeste d'appréciation.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion