Intervention de Bernard Stirn

Mission d'information Judiciarisation — Réunion du 8 février 2022 à 14h45
Audition de M. Bernard Stirn président de section honoraire au conseil d'état membre de l'institut

Bernard Stirn, président de section honoraire au Conseil d'État, membre de l'Institut :

Il faut bien distinguer le consultatif et le contentieux, qui obéissent à des logiques différentes. Sur le consultatif, des pistes existent qu'il reste à creuser, car nous partageons les mêmes objectifs en matière d'amélioration de la qualité technique et juridique de la législation. Le champ des possibles reste assez large.

Le Parlement est déjà étroitement associé au travail de codification, puisque des députés et des sénateurs siègent à la commission supérieure de codification depuis qu'elle existe et ils y jouent un rôle très actif. On pourrait sans doute encore resserrer les liens de collaboration, en prévoyant par exemple que la Commission de codification viendra présenter son programme aux commissions des lois de l'Assemblée nationale et du Sénat, ce qui créera l'occasion d'un dialogue avec les parlementaires sur la nature des règles de codification. En travaillant ainsi en amont, on éviterait sans doute de surcharger l'ordre du jour des assemblées avec des projets de loi d'habilitation à prendre des ordonnances de codification.

Une autre piste de travail pourrait porter sur les études d'impact. Il n'y a pas de fatalité en la matière. L'idée d'avoir donné une portée constitutionnelle en 2008 à l'obligation de réaliser une étude d'impact est bonne, mais la pratique est loin d'être satisfaisante, de sorte qu'il faut l'améliorer. Le Conseil d'État avait émis l'idée, il y a deux ou trois ans, qu'il faudrait resserrer le champ d'application de l'obligation, pour éviter un processus purement formel, notamment sur des textes très urgents qui doivent inévitablement être préparés rapidement. Les études d'impact seraient obligatoires surtout pour les textes au sujet desquels on pourrait prendre le temps de la réflexion. Rien n'interdit de mettre en place un groupe de réflexion qui associe le Gouvernement, les deux assemblées et le Conseil d'État pour améliorer les études d'impact.

Le Sénat est en pointe en ce qui concerne la maîtrise du stock et du flux. Il est parfaitement possible d'envisager une réflexion commune sur des sujets de cette nature, en faisant appel par exemple aux présidents de section honoraires, qui disposent plus que leurs collègues du temps nécessaire pour engager un travail de ce type avec le Parlement.

Pour ce qui est du contentieux, il est très important que des contacts se nouent non seulement au niveau central, mais également au niveau local. Le Sénat, notamment, devrait être particulièrement attentif au contentieux des collectivités territoriales. Il faut veiller à ce que les élus territoriaux connaissent les juridictions de première instance et d'appel, nouent des liens avec les chefs de juridiction et soient bien conscients des difficultés rencontrées dans cette juridiction.

La position d'amicus curiae est très intéressante. Un exemple que je connais bien concerne l'affaire Vincent Lambert, soit le dossier le plus difficile que j'ai eu à suivre au cours de ma carrière et qui portait sur la fin de vie. Le Conseil d'État a utilisé la procédure d'amicus curiae en demandant conseil, avant de se prononcer sur cette affaire redoutablement difficile, à Jean Leonetti, qui a été à l'origine, lorsqu'il était député, de la loi du 22 avril 2005 relative aux droits des malades et à la fin de vie. Il a également pris l'avis de grandes institutions, comme l'Académie de médecine, le Conseil national de l'Ordre des médecins ou le Comité consultatif national d'éthique. Ces avis ont été très précieux dans la décision du Conseil d'État. Ils ont également été très importants dans celle qu'a prise ensuite la Cour européenne des droits de l'homme de statuer pour conforter la position du Conseil d'État. Son arrêt souligne en effet que le Conseil d'État s'est prononcé « après avis des autorités les plus compétentes ».

Ce type de dossier reste en nombre limité, il s'agit de quelques affaires par an. Dans le cas de l'affaire Vincent Lambert, il était très important que le principal auteur de la loi, vienne exposer la manière dont il envisageait l'application de son texte. Sa contribution a été remarquable et très précieuse. Je ne vois donc que des avantages à ce type de procédure, qui pourrait être davantage utilisée - c'est le sens du rapport de la Cour de cassation, que vous évoquiez - dans les affaires qui touchent, de manière inédite, aux droits fondamentaux, qu'il s'agisse de la fin de vie ou du sujet redoutable qu'est la procréation assistée. Il serait également souhaitable qu'elle existe aussi pour les sujets qui touchent à la régulation du numérique.

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