Intervention de Bernard Stirn

Mission d'information Judiciarisation — Réunion du 8 février 2022 à 14h45
Audition de M. Bernard Stirn président de section honoraire au conseil d'état membre de l'institut

Bernard Stirn, président de section honoraire au Conseil d'État, membre de l'Institut :

Il est vrai que la jurisprudence du Conseil d'État ne reconnaît pas d'intérêt à agir contre les actes du Gouvernement du fait de la seule qualité de parlementaire. Ce qui explique cette jurisprudence, c'est le souci du juge de ne pas être entraîné sur le terrain politique. Il s'agit d'une forme de prudence du juge. Le rôle du juge n'est pas d'arbitrer les conflits politiques. Si le Parlement ou un parlementaire n'est pas satisfait des actes du Gouvernement, c'est une question politique, qui doit plutôt, me semble-t-il, être débattue lors des questions au Gouvernement ou par la mise en cause de la responsabilité de ce dernier.

Le combat politique est essentiel dans une démocratie, mais il doit être mené au Parlement ou devant l'opinion, lors des élections. Il ne doit pas être déplacé devant les juridictions. De manière très constante, depuis plus d'un siècle, le Conseil d'État a refusé d'ouvrir cette porte. Ce n'est pas du tout une indifférence à l'égard des parlementaires ou un manque de considération envers le Parlement. Au contraire, c'est le souci que chacun assume ses responsabilités.

Pour ma part, je reste assez attaché à cette idée, d'autant plus que le recours pour excès de pouvoir est tout de même très largement ouvert : les actes du Gouvernement ne sont pas à l'abri, car il est très facile, pour une association ou un citoyen quelconque, de se voir reconnaître un intérêt à agir. D'ailleurs, je me souviens que François Bayrou a pu agir en tant qu'actionnaire de sociétés d'autoroutes - on pourrait citer de nombreux autres exemples. La jurisprudence ne me semble donc pas constituer un frein dans l'accès aux juges. Je ne pense pas qu'une évolution contraire soit une piste très saine ; je vois vite les dangers qui pourraient en découler. Le juge serait amené à exercer un métier - arbitrer les conflits politiques - qui n'est pas le sien.

S'il existe un problème de légalité, il y a suffisamment de requérants ayant intérêt pour agir pour que le juge soit saisi sans aucune difficulté, le cas échéant à l'instigation de tel ou tel parlementaire.

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