Intervention de Christian Piotre

Mission commune d'information RGPP — Réunion du 11 mai 2011 : 1ère réunion
Audition de M. Christian Piotre secrétaire général de l'administration du ministère de la défense

Christian Piotre, secrétaire général de l'administration du ministère de la défense :

Le ministère de la défense est engagé depuis 2008 dans ce que je pourrais presque appeler une révolution. Cette grande réforme résulte d'une double démarche, avec d'un côté le livre blanc sur la défense et la sécurité, approuvé par le chef de l'Etat à l'été 2008, et qui fixe à l'horizon 2010 les contrats opérationnels des armées et l'organisation de notre défense, et, de l'autre, la révision générale des politiques publiques, démarche interministérielle pour optimiser l'emploi des ressources de toutes les administrations de l'Etat. La Défense s'est inscrite résolument dans cette révision, et aucun secteur d'activité, nulle de ses organisations n'y a échappé.

La loi de programmation militaire 2009-2014 définit de nouvelles capacités opérationnelles, mais aussi un nouveau format, se traduisant par une réduction sensible des effectifs comme des implantations. Cependant, la réforme ne s'accompagne pas d'une réduction des ressources : elle passe par une réallocation substantielle. Les économies sur la masse salariale et sur le fonctionnement courant ont vocation à financer la modernisation des équipements et l'amélioration de la condition des personnels.

L'effet territorial de ce processus est non négligeable. Environ quatre-vingts fermetures et une cinquantaine de transferts d'unité ont été programmés entre 2009 et 2014, avec deux années particulièrement lourdes, 2010 et 2011. Quelque 35 projets de modernisation conduits dans le cadre de la RGPP contribuent à la réduction du format. Le ministère doit supprimer 54 000 emplois d'ici 2015, dont les trois quarts dans l'administration générale et le soutien commun, et une répartition entre militaires (75%) et civils (25%) conforme à leurs proportion respective.

Le ministère de la défense n'est pas organisé selon la logique de déconcentration régionale et départementale des services de l'Etat. L'exception qu'était l'ancienne direction des anciens combattants sera corrigée à la fin de l'année, l'Office national des anciens combattants devenant l'unique service de proximité pour les ayants droit.

La conduite et l'accompagnement de la réforme ont fait l'objet d'une réflexion. Il fallait en effet des objectifs précis. Le ministre préside le comité exécutif ; le comité de modernisation du ministère, que je préside, se réunit tous les mois et entretient le rythme de la réforme ; une mission de coordination, dirigée par un officier général, est en charge du contact quotidien sur les 35 projets de la RGPP et, suivant l'instruction du ministre, privilégie l'initiative. Chacun des trois grands responsables du ministère, le chef d'état-major des armées, le délégué général pour l'armement, et le secrétaire général pour l'administration, est en charge de la partie de la réforme qui lui est confiée dans son domaine de compétence. Enfin, le ministère s'inscrit dans le dispositif interministériel que vous a décrit M. Migeon.

L'accompagnement de la réforme est d'abord social. Il a alors pour objet de faciliter les réductions d'effectifs et la mobilité des personnels. Les incitations au départ sont le principal levier ; il s'agit des pécules pour les militaires et des indemnités de départ volontaire pour les civils, ainsi que de l'indemnisation de la mobilité géographique (déménagement ou éloignement du lieu de travail) et des dispositifs de reclassement dans les trois fonctions publiques et de formation. Au total, nous y consacrons 238 millions en 2011.

C'est aussi le dialogue, l'écoute et l'accompagnement individuel, avec une antenne mobilité reclassement dans chaque organisme concerné par une restructuration et des médiateurs mobilité au niveau local. Le nombre de personnes en difficulté en 2009 et 2010 se compte sur les doigts de la main. Les organisations syndicales pour les personnels civils, les commissions participatives, le conseil supérieur de la fonction militaire pour les militaires, aident à percevoir les difficultés sur le terrain, mais aussi les réussites.

L'accompagnement immobilier, ensuite. On le sait peu, le ministère gère 40% du domaine de l'Etat. La loi de programmation militaire a identifié un volume de ressources spécialement destinées aux opérations immobilières et d'infrastructure directement liées aux restructurations et réorganisations - il ne s'agit pas du Rafale à Saint-Dizier mais de dédensification et de sites à aménager. Le Parlement peut suivre la consommation des 1,2 milliards prévus à ce titre. Pour 2011, cela représente 498 millions en autorisations d'engagement. Des cessions à titre gratuit bénéficient aux collectivités les plus touchées. La Défense participe à la réduction du parc immobilier de l'Etat aux stricts besoins. Nous avons réalisé des schémas directeurs de base de défense pour les dix années à venir.

L'accompagnement économique, enfin, a été conçu dès 2008. Il a fait l'objet d'une circulaire du Premier ministre en juillet 2008. Le délégué interministériel à l'aménagement du territoire vous l'a décrit lors de son audition. Les collectivités les plus touchées élaborent des contrats de redynamisation qui peuvent ouvrir droit à l'acquisition, à l'euro symbolique, des immeubles dont la Défense n'a plus l'usage. Là où l'impact des restructurations est plus diffus sans être négligeable, des plans locaux de redynamisation peuvent être définis à l'échelle départementale. Des crédits du Fonds national d'aménagement du territoire et du Fonds pour les restructurations de la Défense (FRED) peuvent y contribuer. Sur 320 millions ainsi mobilisés, 225 millions sont destinés aux contrats de redynamisation, 75 millions aux plans locaux, et 20 millions à l'outre-mer. L'objectif fixé est de 25 contrats et 30 plans.

La délégation aux restructurations, dirigée par Hervé Oudin, qui m'accompagne aujourd'hui, s'appuie sur tous les services compétents du ministère et travaille en coordination étroite avec la Datar.

Quant au bilan, le calendrier des restructurations est respecté, les réductions d'effectifs sont au rendez-vous et les principales échéances honorées. En 2011, nous avons généralisé l'organisation autour des bases de défense. La pente de réduction des effectifs est tenue : sur 54 000 emplois à supprimer avant 2015, 53 400 ont déjà été identifiés. Rien ne laisse présager un affaiblissement de l'effort. Le ministère est tendu vers l'objectif de dégager des ressources, le différentiel de masse salariale finançant des équipements nécessaires.

Les outils d'accompagnement ont fait la preuve de leur efficacité. Même si nous sommes en ligne avec nos objectifs, nous devons rester extrêmement vigilants, ne serait-ce que parce que les marges de reclassement peuvent se rétrécir - cette problématique nous préoccupe.

Nous avons signé 14 contrats de redynamisation pour plus de 90 millions d'euros, 15 millions allant aux plans locaux de redynamisation. Le ministre a souhaité que la quasi-totalité des contrats et plans soient finalisés avant la fin de l'année. L'objectif est de construire un projet pour rebondir après les restructurations. Une trentaine d'emprises ont été cédées à l'euro symbolique. Leur valeur (50 millions) participe à la compensation des pertes subies par les territoires.

Le ministère est préoccupé par la reconversion des personnels dans la fonction publique d'Etat. Nous avons du mal à trouver des postes pour les militaires. Malgré nos efforts, le dispositif interministériel mis en place voilà dix-huit mois ne donne pas les résultats escomptés. L'échange d'informations entre ministères n'est pas parvenu à un degré de maturité suffisant et à la transparence souhaitable - il est vrai que chaque administration a ses préoccupations... A contrario, le bilan des reclassements dans la fonction publique territoriale est encourageant, avec plus de 500 militaires en 2010.

Les procédures immobilières sont longues et la réglementation pour la dépollution très contraignante. Nous nous imposons des obligations, et tout cela affecte le calendrier de mise à disposition. Un travail interministériel serait de nature à améliorer les procédures.

La réforme se met en place alors que l'engagement militaire de la France est très soutenu. On ne peut pas isoler celui-ci de celle-là, car ce sont les mêmes agents, les mêmes personnels. La Défense met à la disposition de la France et du chef des armées un outil adapté aux menaces comme aux engagements et aux choix de notre pays. Nous devons protéger le périmètre opérationnel sans renoncer aux économies recherchées. L'équilibre à trouver est délicat.

Nous entendons préserver la cohésion globale de la communauté de défense. Tous les personnels du ministère sont concernés par ses évolutions. Les accompagner est prioritaire au moment où on leur demande beaucoup. Les personnels dont le service a été regroupé à Toulon sont heureux de voir leur avenir assuré, mais, s'ils travaillent dans de meilleures conditions, le nombre de dossiers par personne est passé de 400 à 1 200 voire plus. Malgré un meilleur outil informatique, la productivité doit satisfaire à des critères plus exigeants. Le personnel doit être motivé, formé, reconnu, d'où la notion de retour. De même, j'ai passé 24 heures non stop à bord du Charles de Gaulle au large de la Libye. Nos hommes y sont depuis 50 jours, concentrés sur des missions opérationnelles. N'ont-ils pas droit, quand ils retournent dans leur base, à des capacités d'entraînement à la hauteur de l'effort opérationnel ? Cette communauté est une richesse, préservons-là. Les civils représentent aujourd'hui la moitié des personnels des armées, et l'on compte 20 000 entrées et 20 000 sorties tous les ans. Gérer ce flux de ressources humaines représente un défi permanent. Il ne faut pas fragiliser cet outil.

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