Intervention de Laurent Berger

Mission commune d'information relative à Pôle emploi — Réunion du 5 avril 2011 : 1ère réunion
Table ronde — Organisations syndicales et patronales siégeant au conseil d'administration de pôle emploi

Laurent Berger, secrétaire national à la CFDT :

La fusion de l'ANPE et des Assedic avait recueilli, à l'origine, l'assentiment de la CFDT. Cette réforme devait en effet permettre aux demandeurs d'emploi d'être davantage placés au centre du système et de bénéficier d'un suivi de meilleure qualité. L'objectif affiché était une prise en charge de soixante demandeurs d'emploi par conseiller, contre cent vingt auparavant. La réforme visait la création de guichets uniques et la loi avait fixé à Pôle emploi des objectifs ambitieux en matière d'orientation et de formation, avec l'association de tous les acteurs de l'emploi, en particulier les conseils régionaux.

La CFDT s'était, à l'époque, souciée de la gouvernance de Pôle emploi. Il nous importait que les partenaires sociaux soient reconnus comme co-constructeurs des objectifs stratégiques de l'institution. La présence des organisations syndicales et patronales au conseil d'administration de Pôle emploi se justifiait par nos prérogatives en matière de fixation des règles d'indemnisation des chômeurs mais aussi, au-delà, par notre rôle de représentation des demandeurs d'emploi et des salariés dont nous relayons les préoccupations concernant la qualité du service rendu.

Des points de fragilité, que nous avions mis en exergue avant le vote de la loi, perdurent cependant. Certes, la fusion a été réalisée en pleine crise, avec un million de demandeurs d'emploi supplémentaires en deux ans, mais cela n'explique pas tout. Il n'est pas question de dresser un tableau catastrophique ou de nier l'utilité des actions qui sont entreprises, mais des problèmes demeurent au niveau de la mise en oeuvre opérationnelle des services aux demandeurs d'emploi. Le projet initial prévoyait l'inscription du demandeur d'emploi, la définition de son projet personnalisé d'accès à l'emploi, un suivi mensuel personnalisé et diverses prestations réalisées en interne ou en externe. Une telle offre de services pour accompagner les demandeurs d'emploi dans un parcours personnalisé apparaît idéale, sur le papier, mais force est de constater que les demandeurs d'emploi comme les entreprises sont loin d'être satisfaits des services rendus par Pôle emploi.

Les problèmes rencontrés par les demandeurs d'emploi au quotidien sont multiples : difficulté d'accès à leur conseiller référent, manque de suivi, durée insuffisante des entretiens, rendez-vous de contrôle plus que d'accompagnement, perte de dossiers, offres d'emploi non proposées, courriers illisibles, formations non proposées, etc. Tels sont les éléments saillants de l'enquête que la CFDT a réalisée auprès de plus de 1 500 demandeurs d'emploi.

Ces difficultés s'expliquent d'abord par un manque d'effectifs chronique, aggravé par le fait que les salariés ont dû consacrer du temps à leur formation au moment de la fusion. Elles résultent sans doute aussi d'une erreur de départ tenant à la volonté de créer un métier unique, à une organisation très centralisée et à un management pyramidal. Tout ceci donne aujourd'hui le sentiment que Pôle emploi est devenu une administration bureaucratique, éloignée de l'accompagnement personnalisé des demandeurs d'emploi qui était prévu à l'origine. Le suivi mensuel personnalisé constitue un outil de suivi plus que d'accompagnement et s'opère d'une manière identique quelle que soit la distance à l'emploi du demandeur d'emploi. Cette situation se double d'un malaise du personnel, qui souffre de ne pouvoir offrir le service de qualité auquel il aspire. Ce mal-être doit être traité, notamment grâce à une réorganisation du travail.

Nous pensons enfin que le problème provient aussi du fait que l'« outil » a été construit avant que ses missions ne soient définies. Une certaine précipitation dans la mise en oeuvre de la fusion a conduit à un pilotage de court terme et à un fonctionnement administratif qui se révèlent contraires à la logique d'accompagnement et de parcours qui devrait prévaloir. Il s'avère donc urgent pour la CFDT de redéfinir les finalités de Pôle emploi, qui doit participer à la sécurisation des parcours professionnels des demandeurs d'emploi, c'est-à-dire les accueillir et les accompagner de manière personnalisée, en fonction de leur distance à l'emploi, mais aussi instruire leurs dossiers d'indemnisation et verser les allocations dans les conditions que sont en droit d'attendre tous les usagers du service public. Or, nous avons parfois eu le sentiment que la mission d'indemnisation restait annexe ou subalterne alors que nous savons bien qu'elle est prioritaire pour les demandeurs d'emploi.

Pôle emploi présente également des problèmes structurels de gouvernance. Un exemple en est l'élaboration du budget : au moment du vote de la loi de finances, le Parlement décide du montant de la dotation que l'Etat verse à Pôle emploi, puis le conseil d'administration de Pôle emploi se prononce sur le budget de l'institution. Ainsi, lorsque l'Etat décide des restrictions budgétaires et des suppressions d'emplois, comme c'est le cas en 2011, les partenaires sociaux sont mis devant le fait accompli et on leur demande d'approuver un budget qui entérine ces restrictions. En aucun cas le vote du budget ne devrait permettre à l'Etat de placer les partenaires sociaux sous tutelle et de leur faire porter la responsabilité de ses décisions. Tel est pourtant notre sentiment aujourd'hui, au vu de certaines décisions récentes : diminution de 187 millions d'euros de la dotation de l'Etat à Pôle emploi en 2009, non-compensation financière du transfert des neuf cents salariés de l'association nationale pour la formation professionnelle des adultes (Afpa), suppression de la compensation des frais de gestion de l'allocation spécifique de solidarité (ASS), suppression de 1 800 postes, alors que le chômage reste élevé...

La CFDT formule donc un certain nombre de propositions pour renouveler la gouvernance de Pôle emploi. Le conseil d'administration ne doit pas constituer un lieu de validation de la politique de l'emploi décidée par l'Etat. L'Unedic doit être intégrée dans la gouvernance de Pôle emploi, sous une forme qui reste à déterminer, car nous pensons que la gouvernance de Pôle emploi ne doit pas se limiter à son conseil d'administration et à sa direction générale. Par son travail d'évaluation, notamment dans la mise en oeuvre de l'offre de services, l'Unedic doit être davantage reconnue comme un rouage essentiel à la gouvernance de Pôle emploi.

La convention tripartite entre l'Etat, l'Unedic et Pôle emploi doit devenir l'outil de pilotage stratégique de Pôle emploi. Or, le comité de suivi de cette convention ne s'est pas réuni depuis la fin de l'année 2009. Dans la perspective du renouvellement de cette convention, en 2011, il faut tirer des enseignements des difficultés rencontrées jusqu'ici. Le rôle des trois parties signataires n'est pas de même nature : l'Etat y participe en tant que financeur et responsable de la politique publique de l'emploi, l'Unedic comme financeur et organisme chargé de la bonne application de la convention d'assurance chômage signée par les partenaires sociaux et Pôle emploi, enfin, comme opérateur pour le compte des deux premiers partenaires.

En conclusion, nous formulons les recommandations suivantes pour améliorer le fonctionnement de Pôle emploi : définir des objectifs de résultat plutôt que de moyens ; définir des publics prioritaires comme levier d'une plus grande différenciation dans l'accompagnement des demandeurs d'emploi ; évaluer de manière transparente les résultats obtenus.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion