C'est compliqué par rapport aux bâtiments qui sont juste à côté et, si les réseaux sont trop longs, la déperdition de chaleur se révèle importante. Pour être honnête, je ne suis pas un expert en la matière, mais le travail déjà réalisé montre que c'est complexe.
Il existe d'autres potentialités de ressources auxquelles on ne pense pas forcément, notamment tout ce qui est récupération de chaleur. On a énormément de déperdition de chaleur dans une ville comme Paris. Ainsi, certains bâtiments comme les gares qui sont chauffés se trouvent à côté d'autres qui sont refroidis. À Stockholm, ils ont établi une liaison entre la gare et le centre commercial qui permet d'utiliser la chaleur de l'un et le froid de l'autre pour réguler thermiquement. Envisager le même dispositif sur un territoire comme Paris, en termes d'économie de chaleur, est très important.
On peut utiliser les eaux usées des égouts, les eaux grises des bâtiments pour chauffer ces mêmes bâtiments, etc. Tout cela est progressivement pensé d'un point de vue géo-ingénierie et permet des avancées importantes.
Certains bâtiments ont été testés en banlieue parisienne où quasiment la moitié du chauffage du bâtiment est aujourd'hui produite par les eaux des douches. En effet, quand on prend une douche, on utilise de l'eau chaude qui est ensuite perdue. Si l'on est capable d'isoler cette eau, que l'on appelle les eaux grises, d'en garder la chaleur et de la réutiliser pour le bâtiment, on réalise des économies d'énergie potentielles importantes.
La Seine et les canaux offrent également des potentialités. Les voies d'eau qui traversent la ville sont des régulateurs thermiques permanents : on réfléchit aujourd'hui à la manière d'utiliser le froid ou le chaud, selon les périodes, que produisent ces voies d'eau.
De nombreuses autres pistes existent, mais je ne veux pas être trop long.
Comme tous les territoires, nous avons rencontré d'énormes difficultés sur le développement du solaire, en raison de tous les changements de réglementation qui sont intervenus. Je veux dire à quel point c'est pénalisant : sur la zone de Paris-Nord-Ouest, nous avons constitué une société d'économie mixte, Solarvip, de manière à lier la construction d'immeubles à l'installation de panneaux solaires. Lorsque le moratoire a été décidé sur toute la politique mise en place jusqu'alors, ce sont non seulement les projets solaires qui ont été handicapés, mais aussi les projets immobiliers ! Alors qu'on faisait preuve d'intelligence et d'anticipation, on s'est retrouvé pénalisé par les changements répétitifs de réglementation !
On a évidemment besoin d'un cadre stable et, à Paris, territoire dont le patrimoine esthétique est très important - c'est une spécificité -, on a aussi besoin de trouver des dispositifs qui nous permettent de concilier les contraintes patrimoniales et le développement des énergies renouvelables.
On travaille sur notre territoire au développement de la même SEM Énergies posit'if dont j'ai parlé tout à l'heure, qui sera axée à la fois sur l'efficacité énergétique et sur le développement des énergies renouvelables. Nous pensons également que nous devons travailler au développement et à la structuration de filières locales en matière énergétique.
Je tiens maintenant à évoquer un sujet très important, la distribution de l'électricité.
Sur cette question, Paris a conclu un traité de concession depuis 1955 avec EDF à l'époque, devenu ERDF, principalement pour la distribution, qui inclut aussi les tarifs de première nécessité. Il arrivait à terme à la fin de 2009. S'est donc posée la question pour Paris de savoir ce que nous faisions à l'égard de notre concessionnaire, puisque c'est ainsi qu'il faut l'appeler, même si je me dis que c'est un concessionnaire très bizarre.
Je préside la Commission supérieure de contrôle de la concession de distribution d'électricité depuis onze ans, c'est-à-dire depuis qu'est intervenue la séparation entre ERDF et EDF. Quasiment pendant onze ans, la commission a rendu des rapports soulignant qu'elle n'était pas satisfaite des informations que lui donnaient ses interlocuteurs. Nous étions toutefois loin d'imaginer, lorsque nous avons découvert la réalité, à quel point nous avions été grugés ; je me permets d'utiliser ce terme, même si ce n'est pas le vocabulaire de mise au sein de cette enceinte ; dans la presse, j'ai parlé de « hold-up ». À la suite de cela, la chambre régionale des comptes a remis un rapport, confirmant que ce qui s'était passé n'était pas normal et devait cesser.
De quoi s'agit-il ? En 2000, la concession parisienne de distribution avait engrangé 1 milliard d'euros de provisions pour le renouvellement et l'entretien du réseau. Entre 2000 et 2010, ces provisions sont passées de 1 milliard d'euros à 350 millions d'euros : 650 millions d'euros ont disparu ! Et pas qu'ils ont été investis dans le réseau ! Pas du tout puisque, pendant ce temps-là, les investissements ne faisaient que chuter. Ils ont été rapatriés dans la maison-mère, EDF, au bénéfice d'autres politiques que je ne me permettrais pas de juger ici.
On peut le dire, ces 650 millions d'euros ont été volés aux usagers parisiens, sans que la collectivité ait été à aucun moment associée, informée de ce qui était en train de se passer. Et si nous n'y avions pas mis le holà, les 350 millions d'euros restants auraient été prélevés de la même façon.
Au même moment, comme nous arrivions en fin de concession, nous réalisions différents audits dans notre réseau : un audit juridique, un audit financier et, évidemment, un audit technique. Or ce dernier audit a montré un besoin d'investissements d'un montant compris entre 700 millions d'euros et 1 milliard d'euros pour maintenir le réseau en bon état. Cela veut dire que les provisions avaient été bien calculées et que le milliard d'euros qui avait été prévu en 2000 pour entretenir le réseau correspondait bien aux besoins. Or ce milliard n'a pas été investi sur le territoire parisien.
Il n'est pas étonnant qu'aujourd'hui on ait de plus en plus de pannes sur le réseau parisien. ERDF répondra que Paris est privilégié, compte beaucoup moins de temps de panne que d'autres secteurs. Certes, mais on n'est pas forcément obligé de vouloir toujours tirer vers le bas. Le problème est le suivant : les Parisiens ont payé pour cet entretien du réseau, l'argent est allé ailleurs et le réseau n'a pas été entretenu. De plus en plus, les élus du Conseil de Paris s'insurgent contre les pannes à répétition que nous rencontrons sur notre réseau, faute d'entretien et faute d'investissements.
Cela ne signifie pas que nous sommes contre la péréquation. Mais avant d'évoquer ce sujet, je dois ajouter un élément. Lorsqu'est arrivée la fin du contrat de concession s'est posée la question pour la Ville de Paris de savoir si elle appliquait le droit européen ou le droit français. En effet, aujourd'hui, le droit européen et le droit français sont contradictoires : le premier impose la mise en concurrence ; le second prévoit qu'il faut attribuer le contrat à ERDF. Cela ne me paraît pas totalement conforme. Selon certains juristes, on aurait pu mettre le droit français en conformité avec le droit européen en mettant le prestataire obligatoire en concurrence avec d'autres, au moins à l'échelon national, mais cela n'a pas été le cas.
La Ville de Paris a contourné l'obstacle en décidant de proroger la concession qui était en cours de quinze ans, ce qui évitait de devoir choisir entre les deux dispositifs. Néanmoins, cette question se posera à toutes les collectivités qui vont arriver en fin de concession : leur faudra-t-il appliquer le droit européen ou le droit français ? Ma position personnelle était que c'était une bonne occasion de poser le débat et on aurait pu opter pour une mise en concurrence. Je n'ai pas été suivi sur ce point. Comme je représente aujourd'hui la Ville de Paris, je donne la parole officielle de celle-ci.