Intervention de Gilles Bouvenot

Mission commune d'information sur le Mediator — Réunion du 1er mars 2011 : 1ère réunion
Audition de Mm. Jean-Luc Harousseau président françois romaneix directeur général et gilles bouvenot président de la commission de la transparence de la haute autorité de santé has

Gilles Bouvenot :

Nous les avons demandés mais ils ne nous ont pas été communiqués. En effet, ces résultats étaient intermédiaires, comme le souligne le rapport de l'Igas.

Il se trouve que j'ai des liens professionnels et des liens d'amitié avec le professeur Dominique Mottier, à Brest, dont le service de pneumologie travaille en relation avec Irène Frachon.

Fin septembre 2009, celui-ci me téléphone et m'indique qu'Irène Frachon, pour laquelle il a beaucoup d'estime professionnelle, a toutes les difficultés à se faire entendre, concernant les effets indésirables du Mediator. Ne disposant d'aucune information, cette nouvelle me sidère. Dominique Mottier me demande d'agir.

Il semble que le manque de communication prévaut à l'intérieur de l'Afssaps et dans les rapports qu'elle entretient avec d'autres instances. Cette entité comprend une commission d'AMM et une commission de pharmacovigilance, mais il n'existe pas de « bloc » homogène traitant du rapport bénéfices/risques des médicaments. Pourtant, il serait souhaitable, à mon sens, que cette question soit traitée par une instance unique.

Le 6 octobre 2009, Irène Frachon m'adresse un long mail dans lequel elle m'interroge sur l'action à mener. Je téléphone alors à Philippe Lechat : il m'indique que l'Afssaps est au courant de cette problématique. Cependant, les processus d'AMM et de contrôle en matière de pharmacovigilance prennent du temps. Durant mon audition à l'Assemblée nationale, j'ai employé le terme de « palabres ». Même si ce terme peut paraître excessif, la prudence est de mise concernant les alertes.

Dans les minutes qui suivent, je transmets le mail d'Irène Frachon au service d'évaluation des médicaments, placé au sein de la Haute Autorité de santé sous la direction de François Romaneix. De manière conservatoire, nous pouvons rappeler ce médicament : dans ce cas, une demande de dossier est effectuée auprès de la firme pharmaceutique qui, généralement, ne se précipite pas pour y répondre. A la fin du mois d'octobre 2009, l'Afssaps prend la décision de retirer le Mediator du marché.

En conclusion, je voudrais dire combien le drame occasionné par ce médicament conforte la Haute Autorité de santé dans son point de vue.

L'Afssaps statue sur les bénéfices et ses risques des médicaments. Pour notre part, nous recourons à d'autres critères, différents et complexes : ils relèvent du service médical rendu, de la place d'un médicament dans la stratégie thérapeutique et du progrès qu'il permet d'effectuer. Nous tentons surtout de situer le médicament dans le contexte national, en tenant compte des priorités de santé publique et du principe de solidarité nationale. Nous travaillons également de manière transversale : en effet, les médicaments de demain, qui prendront la forme de thérapies cellulaires ou géniques, ne se concevront qu'associés à des dispositifs médicaux et des actes. L'évaluation du médicament concerne la chimie, et non la biologie.

Je constate que l'Afssaps s'inscrit désormais dans un assujettissement à l'European Medicines Agency (EMA) même si ce constat ne prend pas aucune valeur péjorative. De son côté, la Haute Autorité de santé ne constitue pas seulement un « second regard » : depuis deux ans et demi, elle devient un « second rempart ». Tout en respectant la légitimité de l'Afssaps et de l'EMA, nous sommes beaucoup plus indépendants, beaucoup plus critiques.

Prenons l'exemple du médicament Acomplia, un antidiabétique qui avait reçu une AMM européenne. La Haute Autorité de santé, lors de l'étude sur ce produit, s'est montrée opposée à qu'il soit remboursé à d'autres patients que des diabétiques atteints d'un surpoids important. Elle a donc souhaité restreindre le périmètre de remboursement de ce médicament, et a décidé de ne pas le rembourser pour les patients ayant des antécédents de dépression. Cette décision a suscité quelques conflits avec l'Afssaps. Finalement, le médicament a été retiré du marché.

En décembre 2010, nous avons également émis un avis défavorable au remboursement du Nexen, un anti-inflammatoire non-stéroïdien qui n'est pas encore suspendu.

Au total, nous tentons de rester à l'affût des alertes. Le drame du Mediator renforcera probablement cette tendance. Selon le code de la sécurité sociale, pour qu'un médicament soit inscrit sur la liste des médicaments remboursables, il faut qu'il constitue un progrès ou qu'il induise des économies pour l'assurance maladie. Désormais, nous pourrions aller au-delà. Dans le cas où des alertes de pharmacovigilance sont émises, nous pourrions proposer au ministère la mise en cause du remboursement du produit.

Au niveau européen, les AMM se décident à la majorité des vingt-sept votants. La France n'est pas forcément favorable à certaines AMM européennes mais elle ne peut s'exprimer seule. En revanche, la Haute Autorité de santé peut renforcer son rôle de rempart national. Si nous déclarons qu'un produit ne doit pas être pris en remboursement et si le ministère nous suit, l'AMM française n'aura pas failli à la directive mais nous aurons probablement oeuvré pour une meilleure sécurité des patients.

D'ores et déjà, la Haute Autorité de santé tire quelques leçons du drame du Mediator. Pour l'essentiel, elles portent sur la structuration et la formalisation de ses rapports. Le ministère a suggéré que, lorsqu'un avis de service médical rendu insuffisant (SMRI) est rendu, celui-ci puisse aboutir au non-remboursement du produit concerné, sans qu'il puisse lui-même s'y opposer : cette suggestion me paraît appréciable. De même, Dominique Marininchi propose, quand un avis de SMRI est rendu, qu'un retour immédiat puisse être effectué. En effet, le rapport bénéfices/risques du produit est peut-être fragile. Il mérite d'être réévalué.

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