Intervention de Martin Hirsch

Mission commune d'information sur le Mediator — Réunion du 3 mars 2011 : 1ère réunion
Audition de M. Martin Hirsch ancien directeur du cabinet du secrétaire d'etat à la santé et ancien conseiller chargé de la santé au cabinet du ministre de l'emploi et de la solidarité 1997-1999

Martin Hirsch, ancien directeur du cabinet du secrétaire d'Etat à la santé et ancien conseiller chargé de la santé au cabinet du ministre de l'emploi et de la solidarité :

Je n'en ai aucun et je n'en ai jamais eu. Quelques mots sur mes responsabilités. En 1992-1993, j'ai été conseiller juridique du ministère de la santé au moment de l'examen de la loi de sécurité sanitaire du 4 janvier 1993 qui a créé l'Agence du médicament. J'étais au Sénat lorsqu'avec le sénateur Huriet nous avons rédigé l'amendement prévoyant la création de cette agence alors que le projet de loi ne concernait à l'origine que la transfusion sanguine.

Ensuite, pendant deux ans, j'ai été directeur de la pharmacie centrale des hôpitaux de l'assistance publique de Paris ce qui m'a permis de prendre conscience des pressions qu'il peut y avoir dans le domaine du médicament. Puis, j'ai été directeur de cabinet de Bernard Kouchner au moment de la deuxième loi de sécurité sanitaire qui a transformé l'Agence du médicament en Afssaps. Je fus ensuite directeur général de l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments (Afssa) entre 1999 et 2005. Je fais partie de ceux qui n'ont pas entendu parler du Mediator jusqu'à récemment. Pendant la période 1997-1999, où pourtant nous réunissions très régulièrement autour du secrétaire d'État et l'ensemble des responsables des autorités sanitaires pour faire des points réguliers sur d'éventuelles alertes, je n'ai jamais entendu parler du Mediator. Même chose lorsque nous nous sommes réunis très fréquemment au moment du vaccin sur l'hépatite B.

Ne nous focalisons pas sur les procédures administratives car le système d'abord est sous emprise économique et sous influence. Le responsable du médicament ne doit pas être le ministre et il doit avoir la responsabilité de la mise sur le marché et du retrait. Nous avons également besoin d'un organisme d'Etat spécialisé dans les questions de sécurité sanitaire avec des responsabilités bien identifiées. On peut revoir l'architecture des différentes commissions mais le problème se situe en amont.

La France est grande consommatrice de médicaments, et l'influence de l'industrie pharmaceutique s'exerce d'un bout à l'autre de la chaîne : sur les patients, avec certaines associations de patients financées par les laboratoires, sur la recherche publique, qui a été encouragée ces dernières années à multiplier les collaborations avec l'industrie pharmaceutique, sur les médecins eux-mêmes, avec la visite médicale, les congrès médicaux, les voyages. Les cercles d'expertise et les règles de sécurité sanitaire subissent également cette influence. Il est vraiment anormal que lorsqu'un problème est détecté, ce ne soit pas l'autorité sanitaire qui commandite, qui finance, qui pilote les études et que l'on soit contraint de se tourner vers les laboratoires pour financer ces études et le travail de ces chercheurs. Il doit être mis fin à ce système, sinon nous aurons encore beaucoup d'autres Mediator.

Si je reprenais mon livre sur les conflits d'intérêts, je récrirais divers chapitres : certes, nous avons fait des progrès depuis les années soixante-dix et quatre-vingt, mais nous sommes restés au milieu du gué : tout ce qui touche à la transparence sur les intérêts doit être revu. De nombreux experts externes gardent des liens forts avec l'industrie pharmaceutique et ce qui avait été conçu en matière d'expertise interne s'est révélé insuffisant pour jouer un rôle de garde-fou.

Quand nous avons créé l'Agence du médicament avec le sénateur Huriet, nous pensions qu'il fallait mobiliser sur l'expertise les meilleurs chercheurs ; il est illusoire de croire qu'il est possible de faire en sorte que ceux-ci n'aient pas de liens avec l'industrie pharmaceutique mais nous espérions rendre les liens transparents et écarter certains d'entre eux, et nous voulions contrebalancer ces études par des expertises internes financées par l'argent public. L'addition de ces deux expertises nous semblait garantir la qualité et l'impartialité des études. Mais l'expertise interne n'a pas pu contrebalancer l'influence des laboratoires.

En outre, les liens entre les mondes économique et politique font que l'on ne sait plus qui fait quoi, qui est responsable de quoi.

Je propose donc des solutions radicales : la formation initiale et la formation continue des médecins, ainsi que les congrès, ne doivent plus dépendre de l'industrie pharmaceutique. Lorsqu'on lit l'excellent livre d'Irène Frachon, on se rend compte qu'elle continue à aller dans des congrès financés par des laboratoires concurrents de Servier.

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