Intervention de Laurence Harribey

Commission des affaires européennes — Réunion du 14 avril 2021 à 14h00
Questions sociales travail santé — Socle européen des droits sociaux - communication de mmes pascale gruny et laurence harribey

Photo de Laurence HarribeyLaurence Harribey :

S'il est foisonnant de mesures, ce plan n'est pas pour autant un inventaire à la Prévert : il a le mérite de mettre en cohérence des initiatives plutôt éparses, qui participent à la poursuite de l'objectif de convergence sociale de l'Union européenne. En cela, ce plan d'action constitue déjà une avancée qu'il faut souligner. Il présente également un certain nombre d'autres points positifs, sur lesquels je vais revenir. Ma collègue reviendra sur les aspects plus négatifs de ce plan qui méritent une certaine vigilance.

L'acquis social européen - initié par la déclaration de Messine en 1955, donc avant le traité de Rome, renforcé par le traité de Lisbonne, et complété dernièrement par le fameux socle - n'a, en effet, toujours pas permis d'atteindre la convergence sociale espérée, malgré l'ancienneté de la thématique, en raison notamment de la compétence hybride de l'Union européenne en matière sociale.

Les objectifs fixés par la stratégie « Europe 2020 » en matière de réduction de la pauvreté, de taux d'emploi ou de formation, n'ont globalement pas été atteints, en partie à cause de la crise, il faut le dire. Cette dernière n'a fait qu'amplifier les écarts et les inégalités sociales à l'intérieur des États membres et entre eux.

Le marché du travail européen est aujourd'hui fragmenté, fragmentation qui participe au phénomène de dumping social, dont profitent les pays d'Europe centrale et orientale, ce qui ne les conduit pas à vouloir faire avancer l'Europe sociale... Nous pouvons le regretter. Selon les derniers chiffres publiés par Eurostat, les différences de coûts horaires restent extrêmement importantes entre les États membres en 2020. Le coût horaire est ainsi de 6,5 euros en Bulgarie, de 8,1 euros en Roumanie, mais de 48,1 euros au Danemark.

De la même façon, des inégalités de revenus importantes persistent au sein de l'Union européenne. Ainsi, en 2017, les 20 % des ménages les plus riches gagnaient environ cinq fois plus que les 20 % les plus pauvres au sein de l'Union européenne. La convergence reste donc bien un objectif, et est loin d'être acquise !

Nous saluons ce plan en ce qu'il fixe de nouveaux objectifs essentiels, même si l'horizon 2030 semble un peu lointain, et que des objectifs de mi-parcours auraient pu être fixés. La fixation de tels objectifs traduit une volonté d'action de la Commission, que nous ne pouvons qu'encourager tout comme son souhait de suivre l'évolution des indicateurs et une intégration dans le cadre du Semestre européen. Cette crise aura provoqué une sorte de révolution culturelle au sein des instances européennes.

Outre ses objectifs, nous saluons globalement l'ensemble des mesures inscrites dans ce plan, et particulièrement certaines initiatives législatives.

S'agissant du financement, nous notons également positivement le fléchage du FSE + vers certaines actions prioritaires. Il est ainsi prévu qu'au moins 12,5 % de ce fonds soient utilisés pour lutter contre le chômage des jeunes, et au moins 25 % pour lutter contre la pauvreté, y compris infantile, dans les États membres les plus touchés. En outre, tous les États membres devront consacrer au moins 3 % des ressources du FSE+ à la lutte contre la privation matérielle. Il s'agit là d'une victoire obtenue notamment par la France dans les négociations relatives au Fonds européen d'aide pour les plus démunis (FEAD). Ce fonds, désormais intégré dans le FSE +, bénéficiera également d'un taux de cofinancement de 90 %, supérieur à celui de l'ancienne programmation, qui était de 85%, ce dont nous pouvons nous féliciter. Pour la prochaine programmation, la France bénéficiera ainsi de 582 millions d'euros de crédits européens pour l'aide alimentaire - les associations avaient beaucoup insisté sur ce point.

Par ailleurs, s'agissant de la programmation 2014-2020, il a été décidé, sous l'impulsion de la France notamment, que le FEAD bénéficie de crédits additionnels issus de l'initiative REACT-EU. En l'espèce, la France devrait bénéficier de 132 millions d'euros lui permettant de financer des achats complémentaires de denrées en réponse à la hausse du nombre de personnes en situation de précarité alimentaire.

L'Europe sociale est en effet celle du concret, celle dont les sujets concernent la vie quotidienne des citoyens européens, que ce soit en matière d'aide sociale, de formation, d'accès au travail, d'accès aux soins, ou de mobilité.

Un sondage d'Eurobaromètre publié début mars nous semble à cet égard révélateur : près de neuf Européens sur dix considèrent que l'Europe sociale est « importante ». C'est un changement significatif par rapport à la perception plus négative à laquelle nous étions habitués. Près des trois quarts des Européens jugent, par ailleurs, que davantage de décisions devraient être prises au niveau européen en ce qui concerne la promotion de conditions de travail « décentes » dans l'Union européenne : on commence à mieux comprendre l'interdépendance européenne et la nécessité de solutions européennes plutôt que nationales. Et cette question de l'Europe sociale est d'autant plus importante dans le contexte actuel de crise, dont nous ne connaissons pas encore précisément l'impact social. Il y a un enjeu conjoncturel mais également un intérêt structurel à renforcer les standards sociaux dans tous les pays membres de l'Union européenne.

Nous ne pouvons ainsi que saluer ce plan d'action, qui permet d'aller plus en avant sur la voie de la convergence sociale, même si la compétence de l'Union en matière sociale reste hybride, d'appui ou partagée selon les politiques concernées. Ce caractère hybride est logique, mais certains États membres sont tentés de l'utiliser pour entraver la poursuite de cette convergence sociale. Cela doit changer.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion