Intervention de Laurence Cohen

Mission d'information sur la pénurie de médicaments et de vaccins — Réunion du 27 septembre 2018 à 10h00
Examen du rapport de m. jean-pierre decool rapporteur de la mission d'information sur la pénurie de médicaments et de vaccins

Photo de Laurence CohenLaurence Cohen :

Je souhaite tout d'abord saluer le travail qui a été réalisé dans un délai si contraint, mais je regrette aussi que nous n'ayons pas eu le temps de le faire de manière plus collective.

Si le constat qui est formulé ne me pose pas de problème particulier, je suis au fond opposée à la logique qui sous-tend ce rapport. Certes, vous déplorez que la priorité soit donnée aux objectifs économiques plutôt qu'aux enjeux de santé publique - ce point fait consensus, me semble-t-il -, mais vous n'en tirez pas les conséquences dans vos propositions ! Alors que nous avons pointé du doigt les manquements des laboratoires et des industriels, vous ne proposez que des mesures incitatives sans aucune garantie ou contrepartie. Je ne comprends pas cette logique.

Je prends quelques exemples.

La proposition n° 3 prévoit d'expérimenter la mise en place d'exonérations fiscales, ce qui semble faire fi de la responsabilité de ces mêmes entreprises. En outre, il existe déjà un dispositif coûteux, le crédit d'impôt recherche.

La proposition n° 4 prévoit une autre expérimentation, qui me surprend beaucoup : le versement par l'État et les régions d'aides à l'embauche les deux premières années suivant le démarrage d'un site de production. Mais où sont les contreparties ? Et que se passe-t-il après ces deux années, si l'entreprise ferme le site ou le restructure ?

Par ailleurs, beaucoup de propositions touchent directement l'ANSM. Or je constate, en tant que membre du conseil d'administration de 'l'agence, que ses dirigeants et personnels dénoncent régulièrement le rabotage de leurs moyens humains et financiers. Comment l'ANSM pourrait-elle assumer de nouvelles missions sans moyens supplémentaires ?

Je ne peux pas non plus partager la proposition n° 9, qui prévoit de renforcer le rôle de l'ANSM quant à la prévention des arrêts de commercialisation des médicaments indispensables, notamment par une procédure de renégociation du prix. Cette proposition constitue en fait un cadeau aux entreprises et me semble assez dangereuse, surtout quand on a en tête les exemples des années passées - je pense aux efforts fournis par Marisol Touraine, alors ministre de la santé, pour renégocier le prix d'un médicament contre l'hépatite C.

La proposition n° 22 sur la possibilité de substitution par les pharmaciens subordonne le dispositif au suivi d'une formation spécifique. Certes, mais qui l'organise et la paye ? Si ce sont les laboratoires, le risque est évident... Nous devons faire attention aux fausses bonnes idées.

La proposition n° 25 prévoit la création d'une cellule nationale de gestion des ruptures d'approvisionnement placée auprès du Premier ministre. Pourquoi auprès du Premier ministre et pas auprès du ministre chargé de la santé ?

Vous mettez en avant à plusieurs reprises la notion de médicaments essentiels. Mais quelle instance en fixe la liste ? Et dans quelles conditions de transparence ? Sur ce sujet, comme sur beaucoup d'autres, nous devons nous engager sur la voie d'une véritable démocratie sanitaire qui rassemble l'ensemble des acteurs intéressés.

Pour terminer sur une note positive, j'estime que la proposition n° 8, qui prévoit un programme public de production et de distribution de quelques médicaments essentiels, est intéressante et constitue un premier pas, mais il faut aller plus loin.

En conclusion, j'ai vraiment l'impression que ces propositions récompensent ceux dont on reconnaît par ailleurs la responsabilité dans la faillite du système... C'est assez étrange ! Dernier point, vous n'évoquez à aucun moment la sécurité sociale, qui est pourtant un acteur essentiel sur ces questions, notamment en termes de financement...

Vous l'aurez compris, en l'état actuel de ses propositions, je ne pourrai que voter contre ce rapport.

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