Intervention de Pierre Le Neindre

Mission commune d'information sur la filière viande en France et en Europe — Réunion du 12 juin 2013 : 1ère réunion
Audition de M. Pierre Le neindre ancien chercheur et de Mme Claire Sabbagh ancienne responsable de la cellule expertise à l'institut national de la recherche agronomique inra auteurs du rapport d'expertise collective de l'inra sur les douleurs animales

Pierre Le Neindre, ancien chercheur à l'Institut national de la recherche agronomique (INRA) :

Vous avez raison, cela paraît relever du bon sens. Néanmoins, il a fallu attendre 1987 pour que les scientifiques écrivent que les nourrissons et les handicapés mentaux ressentent la douleur. Cette question a souffert pendant trop longtemps d'un manque d'attention.

Le rapport dont l'INRA avait reçu commande devait identifier les points négatifs en matière de douleur animale - dans les domaines de l'alimentation, du logement, de la génétique -, sans aborder les éléments positifs qui auraient pu être mis en valeur, comme par exemple la relation des éleveurs à leurs animaux. Notre tâche était de percevoir tout ce qui pouvait être cause de douleur pour les animaux. Je dois toutefois préciser que nous n'avons pas inclus le transport dans nos travaux, même s'il s'agit d'un sujet très important. Nous nous sommes naturellement fortement concentrés sur l'abattage. Cette étape cruciale ne se réduit pas à la mise à mort. Elle commence lorsque le camion vient prendre les animaux à la ferme et ne s'achève que lorsque l'on hisse le cadavre de l'animal. Nous avons auditionné une réalisatrice américaine, Madame Temple Grandin, auteure d'un film sur l'amélioration des systèmes d'abattage. Elle montre qu'en matière de mise à mort, mais aussi de chargement, de déchargement, de transport, de logement, les douleurs subies par les animaux peuvent être substantiellement réduites. De fait, nous avons visité un abattoir dans l'ouest de la France dont le dispositif technique est très bien organisé pour réduire la souffrance animale.

En ce qui concerne la mise à mort proprement dite, il existe plusieurs façons d'abattre les animaux. Soit l'étourdissement avec choc sur le crâne, avec ou sans perforation, soit l'électroinsensibilisation, dite aussi électronarcose, soit l'utilisation de gaz. A titre dérogatoire, il est possible de ne pas étourdir des animaux pour des motifs religieux. Les techniques d'étourdissement sont utiles, mais dans le contexte de la mort, il est très dur de disposer de données quantifiées sur la douleur. Par contre, nous disposons de données sur l'insensibilité, c'est-à-dire l'état où se trouve un animal lorsque son cerveau est « hors-circuit » et qu'il ne peut plus rien percevoir ni ressentir. La douleur est une notion moins précise que l'insensibilité car elle dépend de la façon dont le cerveau ressent la blessure. Mais l'insensibilité est clairement distincte de la mort, l'animal insensibilisé demeure vivant même si son fonctionnement biologique est réduit au minimum.

La percussion et l'électronarcose entraînent une perte de sensibilité immédiate. Cela ne signifie pas que l'étourdissement est toujours parfait mais il permet de passer à la phase de jugulation ou d'égorgement sans que l'animal ne soit conscient. La jugulation consiste à couper l'artère carotide et les jugulaires. L'égorgement quant à lui implique de sectionner la trachée, les artères et, dans une moindre mesure, des muscles. La technique du gaz est utilisée dans les pays du nord de l'Europe, mais elle pose des difficultés en matière de dosage des quantités utilisées. Il s'agit principalement de gaz carbonique, additionné d'oxygène et de gaz neutres comme l'argon, qui est utilisé pour éviter l'effet perçu du gaz carbonique. Les animaux entrent dans des bassins qui contiennent différents gradiants de gaz et perdent conscience au bout de 30 secondes environ sans souffrir. Cette technique est un peu utilisée en France pour les volailles, elle l'est surtout pour les porcs en Europe du Nord.

En ce qui concerne l'abattage religieux, nous avons réalisé un rapport pour l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES) sur l'abattage des veaux qui aboutit à des conclusions très claires : premièrement, la technique qui minimise la douleur est l'étourdissement ; deuxièmement, parmi les techniques visant à minimiser la douleur tout en ménageant les susceptibilités religieuses, la meilleure consiste à étourdir les animaux après égorgement.

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