Intervention de Vanik Berberian

Mission commune d'information sur les rythmes scolaires — Réunion du 15 janvier 2014 : 1ère réunion
Audition de Mm. Vanik Berberian président des maires ruraux de france et maire de gargillesse-dampierre jean-marie vercruysse président des maires ruraux de l'orne et maire d'aube serge spilmann maire de courteranges

Vanik Berberian :

Tout d'abord, merci de recueillir le point de vue de l'Association des maires ruraux de France. Je voudrais, au préalable, rappeler que, depuis le début, les maires ruraux se sont tous montrés favorables à cette réforme, d'une part parce qu'ils constatent, comme tout le monde, les résultats des tests du Programme international pour le suivi des acquis des élèves (PISA), et sont réceptifs aux autres remarques sur la qualité de l'école. Ils ont conscience qu'on ne peut à la fois regretter une baisse de niveau et, dans le même temps, ne pas se donner les moyens de faire en sorte que les choses changent !

En second lieu, les élus ruraux sont très attentifs à l'école, d'une part pour des raisons symboliques qu'on peut imaginer, mais aussi parce que, de leur point de vue, c'est une manière d'aider à la correction des disparités entre le monde rural et le monde urbain.

Se posent toutefois des questions de réalité et de principe qui font que, aujourd'hui, les points de vue sont plus nuancés. Nous sommes donc heureux, après quelques mois de mise en place pour une partie des communes, et à la veille de l'entrée en vigueur de la réforme pour les autres communes, de prendre le temps de faire le point.

Je suis venu accompagné par deux de mes collègues, qui ont des perceptions nuancées sur cette question ; je pense qu'il peut être intéressant d'écouter ces deux expériences de terrain.

L'ambition du ministre est très forte. Il faut replacer la question des rythmes scolaires dans un cadre plus large, qui est celui de la refondation de l'école. Ce n'est pas un titre anodin, mais bien plus profond qui, de notre point de vue, implique de s'interroger non seulement sur les rythmes scolaires, mais aussi sur la formation des enseignants, le contenu des programmes et les méthodes pédagogiques.

Le talon d'Achille de cette réforme vient de ce qu'elle repose beaucoup sur les capacités des communes ; or, on sait les écarts de dotation et de richesse qui existent entre elles, et c'est ce qui nous inquiète. On n'ose imaginer, dans cet espace de la République, des écoles à deux, trois, quatre, cinq niveaux, et nous attendons donc de l'Etat qu'il accompagne les communes qui ont le plus de difficultés à mettre la réforme en place.

Nous sommes plus que réservés à propos de la question de l'échéance. Nous considérons en effet que la difficulté n'est pas tant d'être opérationnel au jour fixé par la loi, mais plutôt de se donner les moyens de réussir, en s'interrogeant sur les raisons pour lesquelles certains ont du mal à passer aux nouveaux rythmes. C'est en identifiant ces difficultés, et en essayant d'y trouver des réponses, que l'on peut arriver à progresser.

Nous souhaitons également que le bien-fondé de cette réforme soit plus largement développé. On a quelque peu oublié, dans les débats des derniers mois, de rappeler tous les apports positifs que les nouveaux rythmes pouvaient introduire à l'école. Nous pensons qu'une campagne de sensibilisation de l'Etat, au même titre que celles sur les dangers de la conduite en état d'ivresse, pourrait rappeler l'importance de ce sujet.

C'est un constat que nous dressons : s'il existe, dans les associations d'élus, les syndicats d'enseignants ou les associations de parents d'élèves, un accord sur le fond, ceci n'a, pour autant, touché ni tous les élus tous les enseignants, ni tous les parents. La chose n'est donc pas évidente, et il convient certainement de mieux rappeler les intentions de cette réforme.

Nous souhaitons aussi que le calendrier soit assoupli. Ainsi que je le disais, tant qu'on n'aura pas réussi à trouver de réponses aux difficultés, il ne sert à rien de fixer une date butoir. Il vaut mieux veiller à mettre les choses en place.

Nous ne sommes guère plus enthousiastes à propos de l'éventualité d'une décision facultative, dans la mesure où certaines communes pourraient ne pas passer à l'acte, ce qui poserait un problème d'égalité inacceptable entre les écoles. Il est donc préférable de tabler sur l'intérêt et sur l'impact de cette réforme, plutôt que de mettre en place des mesures coercitives.

Je pense aussi que la question des rythmes scolaires ne nous empêchera pas d'aborder une question de fond, qui aurait peut-être pu être étudiée à l'origine, concernant la distinction entre les compétences de l'Etat et les compétences des collectivités. Nous fonctionnons aujourd'hui sur des schémas très anciens. L'Etat a en charge les salaires des enseignants, les collectivités ayant pour leur part en charge le fonctionnement et l'investissement. Peut-être faut-il aller plus loin dans cette partition. Je pense notamment aux nouveautés introduites par les nouvelles technologies. On n'est plus dans le domaine de la gomme et du crayon, mais dans une autre ère. Les enfants ont changé, l'école n'est plus la même. Les règles doivent donc évoluer en fonction du contexte. Or, pour l'instant, on n'a pas encore touché à ces questions. Chacun reste, par confort, dans ses prérogatives.

L'idée est donc de replacer cette réforme dans un champ bien plus large et d'amener l'Etat à assumer ses responsabilités. Des études menées par les maires ruraux, l'Association des directeurs d'école et le Syndicat national unitaire des instituteurs, professeurs des écoles et PEGC (SNUipp) ont montré que les écarts de dotation d'une école à l'autre pouvaient aller de un à dix, ce qui est considérable. Cet écart, il faut pouvoir le réduire sur le territoire, mais aussi à l'échelon infradépartemental.

Ma commune, qui est membre d'un regroupement pédagogique intercommunal (RPI), est passée cette année aux nouveaux rythmes. Nous sommes les seuls à l'avoir fait dans le département de l'Indre. Nous avions, il est vrai, quelques longueurs d'avance : en effet, les enseignants n'étant pas les plus qualifiés pour se charger de l'éducation musicale et artistique, des animateurs intervenaient déjà dans ce domaine, les communes finançant des activités pour pallier cette carence. Nous avons donc continué.

Ce n'est pas le cas de tous les élus, dont certains n'ont même pas de salle pour mener les activités ! D'autres ne sont absolument pas motivés par ces questions. Or, il n'est pas normal que des enfants pâtissent du fait que leur commune dispose de moins de moyens qu'une autre, ou que les élus soient moins sensibilisés au sujet !

Je vous épargnerai l'argumentaire sur l'importance de cette réforme, dont nous sommes en effet tous convaincus mais, après quelques mois de mise en place, dans un contexte quelque peu compliqué et à la veille d'élections municipales, il est temps de se pencher sur le sujet et de faire des propositions. Les 50 euros attribués quel que soit le niveau du budget de la commune sont tout à fait injustes. Pour certaines collectivités, ce n'est rien ; pour d'autres, c'est énorme ; pour d'autres encore, c'est insuffisant !

Il faut donc avoir une approche bien plus personnalisée. Pour un certain nombre d'entre nous, il s'agit d'une réforme essentielle, qui touche à des ressorts nouveaux, et permet à l'école de s'ouvrir sur le monde extérieur. Pendant trop longtemps, chacun est resté dans les limites de sa responsabilité. Avec ces possibilités nouvelles, une ouverture se crée véritablement. L'école peut intégrer d'autres personnes en son sein, et l'on peut imaginer tout l'enrichissement que ceci peut produire. C'est assez nouveau !

Je me souviens des réunions du conseil d'école, il y a de longues années de cela. En caricaturant, on trouvait, d'un côté, les parents d'élèves qui se permettaient, avec toute leur légitimité, des remarques pédagogiques, estimant qu'ils avaient leur mot à dire, de l'autre, les enseignants, pétris dans leurs certitudes, et qui ne supportent pas les remarques, d'où qu'elles viennent, et enfin les élus, dont certains se sentent mal dès qu'il faut acheter la moindre fourniture ! Il faut quitter cette époque, pour construire ensemble l'école de demain !

J'ai à mes côtés deux avis différents ; l'un est farouchement pour, l'autre farouchement réaliste. On a ici un poète et, là, un pragmatique !

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