C'est donc le pragmatique qui prendra la parole en premier...
Il est bon, tout d'abord, de rappeler le contexte dans lequel j'évolue. Le département de l'Orne compte 300 000 habitants. Aube est une commune de 1 500 habitants. J'y ai la charge d'une école rurale de dix classes, de maternelle et de primaire.
Ainsi que je l'ai dit au préfet il y a quelques jours, les élus ruraux ne sont pas opposés à cette réforme, mais celle-ci arrive dans un moment difficile. Nous avons, pour plusieurs raisons, demandé au préfet d'en reporter l'échéance, en estimant ne pas être prêts, d'après un certain nombre d'éléments.
La directrice de cabinet du ministre m'a fait valoir que nous ne le serions jamais, et qu'il fallait bien démarrer un jour. La réforme des rythmes scolaires est passée dans l'Orne, et il se trouve que, depuis le 1er janvier 2013, notre communauté de communes a fusionné avec une petite communauté de communes disposant de la compétence scolaire. Le mariage a de facto comme conséquence que la nouvelle communauté de communes doit intégrer la compétence scolaire. Nous ne l'avons pas mise en place dès le début, devant d'abord unifier nos taux et mettre en place tout un protocole administratif. Elle devrait prendre place au 1er septembre 2014, afin de correspondre à la future obligation des rythmes scolaires.
Un certain nombre d'indicateurs nous font dire que les choses seront très compliquées financièrement. C'est une des raisons pour lesquelles nous avons demandé le report, cette compétence nouvelle devant générer des coûts supplémentaires pour la collectivité. Or, tout le monde sait qu'aujourd'hui nos subsides extérieurs sont plutôt en diminution. Tout le monde a compris qu'il serait très malvenu de parler d'augmentation d'impôts en ce moment.
Nous ne sommes pas opposés à la réforme : je suis élu depuis 2001, ma première grande réalisation a été d'investir un million d'euros dans l'école, ayant compris que la meilleure carte de visite pour un élu rural est l'école. Malgré cette volonté d'investir dans ce domaine, on tourne aujourd'hui en rond concernant un certain nombre de dispositions relatives à la réforme -organisation pratique, utilisation des locaux, taux d'encadrement, etc. On risque, demain, de ne pouvoir absorber à la fois la compétence et les rythmes scolaires d'une manière indolore. Or, on ne peut dépenser l'argent que l'on ne possède pas ! Il ne reste donc que deux solutions, soit réduire la voilure, soit augmenter les impôts. Nous avons décidé de réduire la voilure, malgré tout avec la ferme volonté de mener la réforme à bien. Dans l'Orne, 75 % des élus sont quasiment prêts pour 2014.
J'ai toutefois rappelé au directeur académique des services de l'éducation nationale (DASEN), qui crie haut et fort que les choses sont quasiment faites dans notre département, que ce n'est pas parce que nous sommes prêts que nous en acceptons le principe ! Au contraire, face à l'obligation électorale de mars, nous anticipons, sachant qu'il sera très compliqué aux nouveaux élus de mettre en place quelque chose de décent, sauf à faire de la garderie, pour septembre 2014.
Comme l'a dit Vanik Berberian, Serge Spilmann et moi-même avons une vision différente de cette prise nouvelle de compétences. Lorsqu'on est responsable d'une école rurale, il est bien plus facile de mettre ces rythmes en place, s'agissant d'un cadre assez restreint. Cependant, l'intercommunalité mobilisant 70 personnes rien que pour les rythmes scolaires, et un budget de 4,5 millions d'euros pour la collectivité, le grand risque est de perdre la proximité et le « MacGyverisme » qui existent actuellement. Telle est ma crainte, même si la loi nous y oblige.