Il ne me déplairait pas d'être auditionné dans le cadre de votre prochain rapport...
Il était nécessaire de trouver un levier. Les projets, on en parle depuis quarante ans à l'éducation nationale : cela n'a pas bougé d'un iota ! Ceci a provoqué un véritable électrochoc. Je ne pense pas que l'on puisse revenir en arrière, au moins s'agissant de la démocratisation des activités sportives, culturelles et socioculturelles pour tous à l'école primaire. Il faut trouver la bonne articulation, mais l'idée commence à faire son chemin. Tout le monde pourra bénéficier de ce type d'activité. On n'avait toutefois pas mis les moyens suffisants pour y parvenir ! Il faut donc un financement pérenne inscrit dans le budget. Je ne vois pas comment faire autrement.
Les financements antérieurs étaient constitués de contrats. Les conseils d'école montaient le projet, en accord avec la municipalité, et ce projet passait devant l'IEN. En règle générale, lorsque cela fonctionnait bien, l'IEN était toujours partant. L'intérêt résidait dans la dyarchie entre l'IEN et le maire. Le projet était présenté à l'inspecteur d'académie ; c'est là qu'on décidait de l'accepter ou de le refuser, avec un financement à la clef.
Au départ, le financement émanait du ministère de la jeunesse et des sports ; au fur et à mesure, le ministère de la culture s'y est associé, puis celui de la politique de la ville. Dans l'ouvrage que j'ai co-écrit avec François Testu en 1996, nous avions calculé que les communes dépensaient en moyenne 30 à 40 % de la somme globale accordée par l'Etat pour le financement du projet. L'argent parvenait au maire. Il n'y avait pas d'autres solutions, faute de statut juridique pour le directeur d'école et pour l'école primaire. Je comprends qu'un certain nombre de vos interlocuteurs syndicalistes aient évoqué ce sujet devant vous...
Parmi les nombreuses expériences qui ont été menées, le directeur d'école assurait la coordination entre les enseignants et les animateurs, mais était rémunéré par la commune. Le financement des collectivités locales provenait du fonds national du développement du sport (FNDS). Le ministère de la jeunesse et des sports s'est montré très discret à ce sujet, ne voulant pas participer au financement de l'opération, alors qu'entre 1984 et 1998, c'était lui qui gérait l'ensemble des crédits.
J'avais, un moment, lancé l'idée que le FNDS participe au financement. Nous avons, à ce propos, auditionné un des vice-présidents du Comité olympique, qui m'a soutenu que les contrats n'avaient jamais été financés par ce fonds ! L'idée était d'instaurer une taxe sur les jeux en ligne, afin de la consacrer à l'aménagement du temps scolaire, le président de l'Autorité de régulation des jeux en ligne (ARJEL), Guy Drut, était aussi un relais favorable à notre réforme.
Une articulation scolaire et périscolaire réussie passe par l'aménagement du temps scolaire. Pourquoi ? On s'aperçoit que les élèves en difficulté ou qui n'ont pas accès aux activités sportives et culturelles, ou encore les élèves qui ne travaillent pas bien en classe, disposent alors d'un choix d'activités dans lesquelles ils réussissent en général. Un élève considéré comme mauvais, qui se réalise à ses yeux et à ceux des autres dans une activité sportive ou culturelle, en tirera véritablement profit. On amorce ainsi un cercle vertueux, qui a des conséquences sur la réussite scolaire.
En psychologie des apprentissages, il s'agit d'un phénomène de transfert : ce que l'on fait dans une activité se retrouve dans une autre, créant ainsi des réseaux. Un nombre très important de recherches démontre que ces liens sont vraiment forts. On l'a tous expérimenté dans la vie quotidienne... Ceci explique pourquoi l'articulation postscolaire et périscolaire est importante.
Le texte de 1984 définit les actions concertées entre enseignants et animateurs comme « des actions concertées d'animation dans le temps scolaire, sous la responsabilité du maître, avec la participation éventuelle d'un animateur » et comme « des actions concertées d'animation dans le temps périscolaire par l'animateur, avec la participation éventuelle du maître ». Par ailleurs, « Il est souhaitable qu'aussi bien dans le temps scolaire que dans le temps périscolaire, il y ait une présence conjointe de l'instituteur et de l'animateur ». Vous comprenez pourquoi tout a cessé en 1998...
Par ailleurs, laisser les communes régler seules le problème constitue un sujet délicat. On essaye déjà de mettre en place un projet éducatif territorial (PEDT) sans y parvenir ! On risque de se couper complètement de l'école. Le danger est immense. Donner la liberté aux communes, alors qu'on recherche exactement le contraire, relève d'un autre système éducatif, à l'anglo-saxonne, où les collectivités territoriales détiennent le pouvoir de l'éducation, de procéder aux recrutements, etc. Notre modèle français a bien fonctionné jusqu'ici. Pourquoi cela ne fonctionnerait plus aujourd'hui, avec une autre dynamique ? Je ne vois aucune autre solution !
Prenez le débat qui a eu lieu autour de la rédaction de la loi sur les PEDT, qui étaient obligatoires avant la promulgation de la loi, l'éducation nationale ne désirant pas être placée « sous l'autorité » de la collectivité locale... Comment vont tourner les choses avec l'évolution des lois de décentralisation, et ce qui a été annoncé récemment ? C'est un problème... Quel sera le système éducatif français dans les dix ans qui viennent ? On est là à la croisée des chemins !
Je reste cependant favorable à la création de conditions de travail et de projets communs. C'est pourquoi l'évaluation doit être obligatoire. Il faut un projet commun, et ne pas accepter des projets émanant d'un côté ou de l'autre. Si la règle du jeu est claire, les choses peuvent fonctionner !
Ces quelques idées peuvent être reprises dans votre rapport, amplifiées et devenir un projet consistant. Un des défauts majeurs de ce projet réside dans le fait que les choses partent dans tous les sens.
Les syndicats, qui étaient d'accord avec un système proportionnel à l'âge, ont voulu un système national. Une enseignante de maternelle ne peut travailler 18 à 20 heures, alors que l'enseignant du primaire travaille 24 heures devant les élèves. C'est ici que se situe la souplesse : si l'enseignante de maternelle ne travaille que 18 heures, elle devient une enseignante supplémentaire à l'école élémentaire, et les deux maîtres de la classe sont tout trouvés, sans moyens supplémentaires. Ces organisations peuvent être réalisées, les enseignants de certains endroits étant d'accord entre eux !