Intervention de Olivier Véran

Commission d'enquête Pollution des sols — Réunion du 17 juillet 2020 à 14h30
Audition de M. Olivier Véran ministre des solidarités et de la santé

Olivier Véran, ministre :

Je partage plusieurs de vos remarques, d'autant que j'ai eu, comme député de l'Isère, une expérience qui m'a démontré toutes les difficultés des élus - et des populations - face au risque sanitaire. Le centre hospitalier universitaire (CHU) de Grenoble avait remarqué un apparent surnombre de patients atteints par la maladie de Charcot, dans une commune du département ; cette maladie neurologique étant grave, incurable, et sans cause identifiée, ce surnombre apparent a été pris très au sérieux. La presse locale en a été alertée, mais avant que les statistiques n'aient été consolidées : il s'est produit aussitôt un mouvement de panique dans la population. Neurologue à l'hôpital public et député, je me suis évidemment mobilisé - et c'est là que j'ai constaté toute la difficulté non seulement à obtenir de l'information claire, fiable, mais aussi à ce que l'information diffusée soit toujours sérieuse. La science exige - et on lui demande - une rigueur qui prend du temps, c'est un défi dans l'action. Nous avons identifié des causes possibles, en particulier la neige artificielle utilisée dans une station de ski située en amont de notre bassin versant, une neige dont la composition chimique pouvait perturber le développement neurologique. J'ai mobilisé tout ce que je pouvais pour obtenir de l'information, les réseaux locaux, l'ARS, et jusqu'à la directrice générale adjointe de la santé, sans rien obtenir de concluant. Puis les statisticiens du ministère ont pu consolider les chiffres, démontrant que nous n'étions pas en surnombre de cas. Cet épisode m'a donc démontré quelles difficultés concrètes les élus et la population peuvent rencontrer, et le décalage de temporalité entre l'urgence et le temps de la science : les spécialistes prennent mille précautions, alors qu'on aimerait qu'un médecin nous dise si, oui ou non, il y a un danger pour la santé.

J'entends d'autant mieux vos remarques que, parmi mes propositions de campagne législative, j'avais inscrit la création d'un centre régional de santé environnementale, pluridisciplinaire et qui aille de l'expertise des événements à l'évaluation des risques, en passant par l'action elle-même. Nous avons besoin de « préventologues », dans un nombre de plus en plus important de domaines, par exemple l'usage des pesticides, la qualité de l'air, mais aussi l'alimentation elle-même.

Vous mentionnez le besoin de coordination entre grands opérateurs à l'échelon national, je crois qu'elle fonctionne à cet échelon - mais c'est à l'échelon territorial qu'il y a des progrès à faire, ce qui milite pour le renforcement de l'échelon départemental des ARS et des structures qui existent. C'est une remarque qui m'a souvent été faite par les élus quand ils se plaignent d'un accès trop difficile au directeur général de l'ARS : ils soulignent que même le préfet est plus accessible - mais le préfet n'a qu'un département à gérer, quand l'ARS est compétente pour la région tout entière, c'est bien le signe qu'il faut renforcer l'échelon départemental des ARS, pour plus de congruence et d'information réciproques.

Il y a aussi un enjeu en termes de moyens. Il faut que chaque ARS dispose d'une cartographie des risques, et que les citoyens accèdent en open data aux sites industriels et à cette cartographie. Il ne sert à rien de dissimuler l'information disponible, bien au contraire, car le secret entretient les fantasmes, alors que nous avons besoin de l'implication des uns et des autres face au risque, en particulier des maires et des associations de riverains.

Le remboursement des analyses sanguines conduites sur des personnes potentiellement exposées relève de la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM), la règle étant qu'il y a remboursement dès lors qu'il y a prescription de dépistage.

Tout événement sanitaire peut être déclaré et il entre alors dans la base de données Géodes, de Santé publique France, avec un suivi départemental. Il y a aussi des registres sur les malformations et les cancers, je m'étais beaucoup impliqué, comme député, pour le registre des enfants nés sans bras dans le département de l'Ain. Il existe également un suivi par les centres antipoison et les centres régionaux des pathologies professionnelles et environnementales.

La coordination des Dreal et de l'ARS est placée sous la responsabilité des préfets, elle ne dépend pas des ARS. Je crois profondément aux ARS, la crise sanitaire a renforcé ma conviction : sans elles, notre situation aurait été bien plus difficile encore - et ce sont elles qui, aujourd'hui, organisent le dépistage dans les aéroports, mobilisent les pompiers... Et je vous rappelle qu'avant leur création, la coordination de l'action sanitaire relevait des préfets.

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