Je vous l'ai dit tout à l'heure, nous allons renforcer la recherche en santé environnementale à travers la LPPR, qui sera bientôt présentée au Parlement.
Autant je vous ai dit que j'étais très interventionniste - il faut aller de l'avant en matière de risques environnementaux -, autant je constate, comme nombre de nos concitoyens, que dans notre société, qu'on soit humain ou produit, on est de plus en plus souvent condamné avant d'être jugé, ce qui pose d'ailleurs un grand nombre de problèmes sociétaux. Certes, cette question déborde largement du cadre de votre commission d'enquête, mais cela doit quand même nous alerter.
On différencie, en matière de santé, la peur de la phobie. La peur est liée à une situation qui peut être objectivement effrayante pour la personne, tandis que la phobie est une peur détachée du substrat, presque immatérielle. Il ne faut pas virer à la phobie environnementaliste. Il s'agit d'être capable de faire la part des choses entre deux catégories : ce qui doit objectivement nous inquiéter et nous faire agir et ce qui, basé sur des données observationnelles et scientifiques publiées, ne représente pas une menace en l'état actuel des données de la science. On peut se poser nombre de questions sur la 5G comme sur beaucoup de produits.
Il faut éduquer et sensibiliser tout au long de la vie, former davantage les professionnels de santé, développer la recherche française, européenne, mondiale, sur ces sujets. Il faut aussi tenir compte du fait que toute décision de politique publique peut avoir des externalités négatives. Je ne vais certainement pas rouvrir le débat aujourd'hui sur le glyphosate, mais si vous le remplacez d'un seul coup par d'autres biocides, qui, paradoxalement, n'auront pas bénéficié des mêmes analyses et durées d'expertise pour savoir s'ils sont ou non dangereux, il se peut que le remède soit pire que le mal.
Je l'ai dit plusieurs fois durant la crise de la covid, le temps scientifique n'est pas le temps politique ; il faut bien dissocier les deux. Sur l'affaire des bébés sans bras, je n'ai eu aucune difficulté à dire dans la presse que se posait vraisemblablement un risque exogène ; parmi les facteurs extrinsèques figurent les risques environnementaux. L'agénésie des membres supérieurs est très rarement unilatérale lorsqu'elle est d'origine génétique pour des raisons assez évidentes. Vous ne m'avez jamais entendu pointer tel ou tel facteur pour expliquer la cause de tel problème, car cela relèverait du domaine de la croyance. Or la croyance tue la science.
Il faut donc suivre une ligne très rigoureuse en matière scientifique, très avant-gardiste en matière d'organisation, très interventionniste pour expliquer et rassurer quand il y a lieu. Enfin, gardons à l'esprit le principe de précaution que nous avons adapté, depuis la conférence de Rio, dans le domaine de la santé - la France est l'un des seuls pays à l'avoir fait. Nous devons progresser, mais sans faire le procès de telle ou telle substance par avance, car nous risquerions de passer à côté de la vraie cause. La recherche est donc indispensable, mais sera toujours beaucoup plus lente que les attentes que vous et moi formulerons.