Intervention de Jean Bizet

Commission des affaires européennes — Réunion du 4 juin 2020 à 9h15
Recherche — Audition de Mme Mariya Gabriel commissaire européenne en charge de l'innovation de la recherche de la culture de l'éducation et de la jeunesse par téléconférence

Photo de Jean BizetJean Bizet, président :

Nous auditionnons maintenant par visioconférence Mme Mariya Gabriel, commissaire européenne en charge de l'innovation, de la recherche, de la culture, de l'éducation et de la jeunesse, à laquelle je souhaite la bienvenue. Cette audition est ouverte à la presse et fait l'objet d'une captation vidéo consultable en vidéo à la demande.

La pandémie que l'Union européenne traverse actuellement focalise l'attention sur les capacités européennes en matière de recherche médicale, pour trouver un traitement ou un vaccin susceptible de protéger les Européens du Covid-19. Votre portefeuille est donc éminemment stratégique.

La force de l'Union européenne en matière de recherche, non pas seulement médicale, détermine sa place future dans l'économie mondiale. Aujourd'hui, l'Europe est en troisième position derrière les États-Unis et la Chine. Je tiens à saluer la promotion que fait l'Union européenne du principe d'innovation, que je défends moi-même avec ardeur en France, afin d'équilibrer le principe de précaution et de nous préparer aux défis à venir. C'était l'objet d'une proposition de loi que j'avais déposée au Sénat il y a quelques années.

Si aujourd'hui l'Europe occupe une part déterminante dans la recherche mondiale - avec 20 % des publications scientifiques mondiales -, elle est menacée, notamment par la Chine : ainsi, la part de l'Union européenne dans les dépenses mondiales en recherche & innovation (R&I) a baissé, entre 2000 et 2017, de 22 % à 17 %.

L'objectif de consacrer 3 % du PIB de l'Union européenne à la R&I - affirmé par la Stratégie de Lisbonne en 2000 et réaffirmé par la stratégie Europe 2020 en 2010 - est loin d'être atteint. La part du PIB européen consacrée à la R&I s'élevait à 2,2 % en 2018, ce qui correspond d'ailleurs au taux de la France, alors que la Suède, l'Autriche, le Danemark et l'Allemagne ont atteint les 3 %.

La recherche européenne souffre de faiblesses structurelles, notamment dans le passage au stade industriel : peinant à se traduire en innovations industrielles, elle manque de capital-risque - les États-Unis en ont huit fois plus - pour passer à l'échelle. À cet égard, le brevet unifié est très attendu et nous sommes très préoccupés par la décision récente du tribunal constitutionnel allemand, qui empêche son entrée en vigueur, alors même qu'il serait un outil formidable pour accélérer l'innovation en Europe et que nous y travaillons depuis de longues années. Quelles sont les perspectives pour sortir de cette impasse ?

Concernant la réponse à l'épidémie, notre commission a salué les efforts déployés au niveau européen pour accélérer la recherche médicale. Il y a certes eu des critiques et des polémiques : en avril, le président fraîchement nommé à la tête du Conseil européen de la recherche (CER) - chargé de financer les projets d'excellence en recherche fondamentale - a démissionné ; en mai, Sanofi a annoncé son intention de réserver son éventuel futur vaccin contre le Covid-19 aux États-Unis, au motif que ces derniers seraient moins frileux que l'Union européenne à partager le risque de la recherche. Mais je vois derrière ce dernier évènement plutôt une tactique pour interpeller malicieusement les instances communautaires.

En outre, si l'Union européenne peut s'enorgueillir d'avoir coordonné la recherche mondiale contre le virus, elle doit aujourd'hui gérer le retrait des États-Unis de l'Organisation mondiale de la santé (OMS). Elle va également se trouver amputée du Royaume-Uni, dont la recherche privée est particulièrement dynamique, en matière pharmaceutique notamment, et qui accueille la moitié des licornes européennes. Comment abordez-vous ce contexte difficile où l'action européenne en matière de recherche est mise en cause et où nos partenaires anglo-saxons se retirent ?

Je me suis entretenu récemment avec les dirigeants d'Edwards Lifesciences. Après le Covid-19, l'Europe devra aussi se pencher sur la question du bien-être et de la qualité de vie de la population senior qui mérite toute l'attention de l'Europe de la santé. Ce n'est pas une compétence de l'Union, mais certains États membres le demandent.

La nouvelle proposition de cadre financier pluriannuel, que la Commission européenne a publiée la semaine dernière, donne une priorité claire à la recherche sur notre continent. Le programme Horizon Europe verrait son budget accru de 40 % par rapport au programme-cadre actuel, ce qui serait une excellente nouvelle. Comment comptez-vous procéder pour que cet effort financier bénéficie prioritairement aux entreprises européennes et au développement de la souveraineté technologique de notre continent, en matière pharmaceutique, mais aussi numérique ?

Je vous laisse la parole. Sachez que nous apprécions beaucoup votre action.

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