Oui, monsieur le ministre, les magistrats français sont opposés à la LOPPSI, tout comme ils sont hostiles au projet de loi relatif à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité dont nous avons discuté cet après-midi et dont nous reprendrons l’examen tout à l'heure. C’est le cas, en particulier, des magistrats administratifs, qui ont alerté les parlementaires sur leurs craintes. Vous vous souvenez sans doute, monsieur le rapporteur, que, lors des auditions réalisées par la commission des lois, ces craintes avaient été exprimées.
Les magistrats français, qui ont été montrés du doigt et stigmatisés par le Président de la République et les membres du Gouvernement, interviennent donc, en ce moment même, contre ce projet de loi.
À ce sujet, je tiens à apporter tout mon soutien aux magistrats, mais aussi à tous les professionnels de la justice qui sont victimes des attaques répétées, de la suspicion et de la défiance. Au-delà des magistrats, je pense à l’ensemble des fonctionnaires de la direction de l’administration pénitentiaire, des services judiciaires et de la protection judiciaire de la jeunesse. Ceux-ci s’associent d’ailleurs à l’appel lancé à l’action du 10 février prochain, qui invite les différents agents à se rassembler.
J’en reviens à votre administration, monsieur le ministre, ainsi qu’à la LOPPSI, pour indiquer que je soutiens bien évidemment les forces de police, qui ont également été victimes des propos déplacés et suspicieux du Président de la République.
Comment, à l’occasion de la tragique affaire de Pornic, la majorité peut-elle à ce point se défausser de ses responsabilités et accuser les fonctionnaires de dysfonctionnements, au lieu d’assumer sa part de responsabilité ?
Les fonctionnaires du ministère de la justice et de l’intérieur sont ainsi désavoués, alors même que la LOPPSI leur imposera de nouvelles contraintes et une charge de travail supplémentaire, pour un effectif toujours en recul.
En effet, comme le dénoncent leurs syndicats, aucun nouveau moyen ne leur sera accordé, face à un nombre croissant de dossiers à gérer. Nos fonctionnaires méritent une bien meilleure considération et des moyens humains et matériels importants. Leur colère et leur méfiance sont grandes, et il y a de quoi !
Par ailleurs, dans un communiqué diffusé aujourd’hui même, le syndicat de la magistrature affirme qu’il sait « de façon certaine qu’au niveau local des pressions s’exercent sur les policiers qui se joignent à la protestation » – ces policiers qui ont déjà tant de travail et à qui la LOPPSI imposera de faire respecter des mesures liberticides et attentatoires à nos droits fondamentaux.
Je regrette évidemment, monsieur le ministre, que les députés aient voté tout à l’heure le texte de compromis issu de la commission mixte paritaire, qui traduit dans la loi une partie des mesures sécuritaires du discours de Grenoble du Président de la République et qui est purement d’opportunité. En effet, il a suscité une réelle rébellion, dans la rue mais aussi au Sénat.
Vous avez salué tout à l’heure à l’Assemblée nationale le vote de cette LOPPSI, la qualifiant de « boîte à outil à la disposition de la protection et de la sécurité de nos citoyens ».
Or vous savez pertinemment qu’il n’en est rien. En effet, la LOPPSI 2 ne protégera nullement nos citoyens. Elle les stigmatisera, en particulier les plus précaires d’entre eux ; elle les fichera, nous surveillera, nous contrôlera ! Elle créera des peurs et des méfiances. Elle dressera les pauvres les uns contre les autres et criminalisera les plus précaires.
Le Gouvernement met en avant la montée de la délinquance pour susciter des craintes et ainsi justifier des mesures liberticides disproportionnées, au lieu d’admettre son incapacité à lutter de façon efficace contre ce phénomène.
En effet, le Président de la République et le Gouvernement n’ont eu de cesse de surfer sur la vague de la peur pour justifier des atteintes graves à nos libertés, au lieu de remettre en cause leur gestion de la situation et leur politique répressive inefficace.