Je suis médecin généraliste en exercice et préside le Formindep, pour une formation et une information médicales indépendantes de tout autre intérêt que celui des patients. Je préciserai en quelques minutes cette notion de conflit d'intérêts dont nous sentons bien qu'elle se trouve au coeur du problème dans l'affaire du Mediator. Notre association travaille sur cette question depuis sept ans qu'elle existe, en se fondant sur les données de la littérature internationale, très riche en la matière, depuis vingt à vingt-cinq ans. En 2009, l'Institute of Medicine aux Etats-Unis a publié un rapport de plus de 300 pages sur les conflits d'intérêts en médecine et sur la façon de les traiter. Cette problématique importante répond aujourd'hui à des définitions relativement claires, que je souhaiterais rappeler pour écarter toute dimension morale présente dans le discours commun. Le conflit d'intérêts n'est pas une question de bien ou de mal, d'honnêteté ou de malhonnêteté mais une question d'influence. Tout être humain peut être influencé. La définition publiée en 1993 dans le New England Journal of Medicine indique qu'un conflit d'intérêts intervient quand le jugement d'un professionnel sur un sujet d'intérêt principal - l'intérêt du patient pour un professionnel de santé - est influencé et altéré par un intérêt secondaire (gain financier, rivalités de personnes, carrière, convictions philosophiques ou religieuses, croyances, passions intellectuelles, etc.). Ces conflits modifient les jugements voire les résultats des travaux de recherche. Quand ils sont financés par l'industrie pharmaceutique, les résultats des travaux de recherche sont cinq fois plus fréquemment positifs que les résultats de travaux financés par le secteur public, comme le montre une étude récente. Il en est de même des documents scientifiques visant à informer et former les médecins.
C'est l'une des raisons pour lesquelles nous avons introduit un recours devant le Conseil d'Etat en vue du retrait de recommandations élaborées en contradiction avec les règles internes de la Haute Autorité de santé (HAS) en termes de conflit d'intérêts. Le Conseil d'Etat nous a d'ailleurs donné raison pour la première recommandation. Des conflits d'intérêts mal gérés ou omniprésents influencent de façon négative ou biaisent le travail des experts et représentent un facteur de risque sanitaire, comme le sont la vitesse pour les accidents de voiture, le tabac pour les cancers ou l'alcool pour les cirrhoses. Un conflit d'intérêts, lorsqu'il influence négativement, ne rend pas obligatoirement caduque la décision mais la soumet à ces risques clairement identifiés en termes, à la fois, de qualité des soins mais aussi de surcoût.