Intervention de Agnès Verdier-Molinié

Commission d'enquête Evasion des capitaux — Réunion du 22 mai 2012 : 1ère réunion
Audition de Mme Agnès Verdier-molinié directeur de la fondation ifrap fondation pour la recherche sur les administrations et les politiques publiques et de M. Julien Lamon directeur des recherches de l'association contribuables associés

Agnès Verdier-Molinié :

Tout à fait !

Par ailleurs, la dernière loi de finances pour 2011 a modifié le barème de l'ISF et a supprimé le bouclier fiscal. L'année dernière, cela a été assez ubuesque, puisque la date de paiement de l'ISF a été repoussée au mois de septembre. Cette année, il y aurait deux dates de paiement de l'ISF : ceux dont le patrimoine s'élève entre 1,3 million et 3 millions d'euros feront une déclaration simplifiée avec leurs revenus, mais ceux dont le patrimoine est supérieur à 3 millions d'euros paieront le 15 juin et devront verser de l'ISF en plus le 15 septembre ou le 30 septembre, on ne sait pas. Les assujettis à l'ISF sont souvent totalement perdus. Ils ne savent plus à quel moment ils doivent payer l'ISF. Il ne s'agit pas forcément de très gros patrimoines : avec la hausse des prix de l'immobilier, 1,3 million d'euros sont vite atteints par des foyers qui ne disposent pas forcément de revenus très importants pour peu qu'ils aient acheté leurs biens à un moment où les prix étaient plus bas.

C'est d'ailleurs la raison pour laquelle il a été décidé de supprimer la tranche entre 800 000 et 1,3 million d'euros. La nouvelle majorité ne semble pas vouloir remettre en question cette suppression. C'est donc que le problème est réel et que la forte augmentation des valeurs immobilières ces dernières années a fait basculer dans l'ISF des foyers qui ne se considèrent pas comme étant riches.

Quoi qu'il en soit, je comprends votre interrogation, monsieur le sénateur. En réalité, il est très difficile d'évaluer combien de milliards d'euros ont quitté la France pour des raisons fiscales.

Faisons confiance à Éric Pichet : à peu près un tiers de la haute tranche à 1,8 % part tous les ans et fait partie des 600 à 800 foyers fiscaux qui s'exilent. Donc, un tiers des quelque 700 personnes de la tranche supérieure, qui se renouvelle évidemment, quitte le territoire national. Ces chiffres concernent l'ancienne tranche supérieure à 16 millions d'euros, qui était imposée à 1,8 %. Les taux ont changé, mais cela va certainement être modifié de nouveau. Bref, ces chiffres nous paraissent exacts.

A nos yeux, il s'agit d'une question importante car, parmi ces contribuables, se trouvent des investisseurs potentiels dans nos entreprises de demain. Dans les pays anglo-saxons, notamment, l'investissement en faveur des jeunes entreprises s'opère naturellement grâce à des incitations fiscales comme celles de l'EIS, dont je ne décrirai pas aujourd'hui les mécanismes, mais qui prévoient des plafonds très élevés, de l'ordre de 800 000 livres sterling pour un couple. De tels dispositifs incitent les riches contribuables à prendre des risques avec leur argent. Certes, une partie des pertes est prise en charge par l'État, environ 30 %, mais ce n'est pas énorme. L'idée est de favoriser l'investissement privé par rapport à l'investissement d'État, car les investisseurs privés font souvent preuve de plus de discernement, leur propre argent étant en jeu. Par ailleurs, les éventuelles pertes sont également supportées par eux.

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